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Édito

Les négociateurs au pied du mur

Édito | publié le : 03.10.2015 | Stéphane Béchaux

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Les négociateurs au pied du mur

Crédit photo Stéphane Béchaux

Non, Monsieur Combrexelle, vous n’avez pas bossé tout l’été pour rien. Personne ne sait encore ce qu’il adviendra de votre beau rapport sur la négociation collective mais votre étoile scintille déjà de mille feux. « Brillant », « subtil », « équilibré »… Les adjectifs utilisés en privé par les DRH, syndicalistes et autres experts du social pour qualifier votre grand œuvre disent la justesse du diagnostic que vous portez sur le dialogue social à la française. Et ce bel unanimisme plaide pour une évolution en profondeur des lieux où s’érigent les normes. Qu’il est loin, le temps où l’exécutif imposait la réduction du temps de travail à coups de lois, de décrets et de circulaires ! L’heure est désormais à l’adaptation au plus près des situations de travail. Priorité, donc, aux négociations de branche et d’entreprise !

Reste à passer aux travaux pratiques. Faisons, pour une fois, preuve d’optimisme. En imaginant que le gouvernement convainque sa majorité parlementaire d’inverser, au moins en partie, la hiérarchie des normes. Oui, on sait, vu l’euphorie et la bonne ambiance qui règnent à gauche, toucher au Code du travail ne paraît pas gagné. Mais imaginons quand même que cette petite révolution voie le jour. Qu’elle signe l’avènement de la branche et de l’entreprise comme niveaux privilégiés de la négociation.

Là, tout d’un coup, nous voilà saisis d’un doute. Ne construit pas des règles, du droit, qui veut. Encore faut-il en avoir la légitimité. Mais aussi, et surtout, la capacité. Or, les forces et l’expertise manquent cruellement dans une multitude de fédérations patronales et syndicales, de directions et de sections d’entreprise. À l’époque du syndicalisme de masse, l’Hexagone ne se faisait déjà pas remarquer pour la qualité de son dialogue social. À l’heure de l’individualisme roi, c’est pire ! On peut s’en désoler. Mais combien de dirigeants considèrent les relations sociales comme un sujet majeur dans la conduite de leur business ? Et combien de salariés acceptent de consacrer du temps et de l’énergie à siéger dans des instances de représentation ?

Éclater les lieux de production de la norme sociale constitue un pari. Il consiste à croire qu’en investissant les partenaires sociaux de missions nouvelles, et cruciales, on incitera employeurs et salariés à s’impliquer dans la négociation collective. Ou au moins à surveiller de près ceux qui parlent et agissent en leur nom. On veut bien miser quelques sous sur une telle issue. Mais pas trop. Car le processus ne peut réussir qu’à certaines conditions. Il exige la réduction drastique du nombre de branches, à laquelle bien des caciques patronaux ne sont pas prêts. Mais aussi l’instauration de véritables parcours professionnels pour les militants syndicaux. Et, enfin, de gros efforts de formation et d’accompagnement des négociateurs. Un pari, on vous dit.

Auteur

  • Stéphane Béchaux