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Les Opca changent de posture

Dossier | publié le : 03.01.2016 | M. J.

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Les Opca changent de posture

Crédit photo M. J.

La réforme bouscule les organismes paritaires collecteurs tant sur le plan financier que sur celui de leur offre. Ils se transforment en structure d’accompagnement et de conseil des entreprises.

Une réforme de plus ? « Oui, mais d’une tout autre ampleur que les précédentes. » Directrice générale de l’Opca Transports et Services, Raphaëlle Franklin n’y va pas par quatre chemins. À raison. La loi du 5 mars 2014 impose un nouveau rôle aux Opca, les organismes paritaires collecteurs agréés qui gèrent l’argent versé par les entreprises pour la formation de leurs troupes. Autrefois simples caisses enregistreuses, les voilà priés de se muer en véritables structures de conseil et d’accompagnement des salariés sur les questions de formation et de développement des compétences. Le tout dans un contexte financier de plus en plus contraint. Fini, les larges contributions obligatoires versées par les entreprises, qui constituaient un confortable matelas !

Aujourd’hui, les Opca doivent jouer avec deux autres étages de cette fusée qu’est la collecte. D’abord, les contributions dites conventionnelles, décidées via des accords de branche, mais sur lesquelles ils ont peu d’influence. Ensuite, et surtout, les apports volontaires et directs des entreprises, en contrepartie de services complémentaires adaptés à leurs besoins. « Il y a une segmentation plus forte entre ce qui relève du légal, du conventionnel et du volontaire », confirme Thierry Dez, directeur d’Uniformation, l’Opca des secteurs de l’économie sociale, de l’habitat social et de la protection sociale.

Lors de cette année de transition, chaque organisme a donc dû repenser, et même développer ses prestations pour conserver ses clients, en gagner d’autres et tenter d’équilibrer ses comptes. « La période est palpitante. Nous devons nous interroger sur notre modèle sans pour autant entrer dans le champ lucratif de la prestation de services », résume Thierry Dez. Un cocktail pas simple à doser.

Mission de conseil

Première étape, en 2015, et pas la moindre : informer les adhérents. Comment fonctionne le compte personnel de formation, le fameux CPF ? Quelles évolutions pour le plan de formation ? Quelles obligations nouvelles sur l’évolution des compétences des salariés ? En ce début de nouvelle ère, les questions des employeurs sont légion. Et la mission s’avère délicate pour les troupes des collecteurs qui, pour beaucoup, doivent passer d’un rôle administratif historique à une posture de conseil. « Avec un niveau de technicité juridique très élevé », complète Joël Ruiz, directeur général d’Agefos PME, l’un des deux Opca interprofessionnels.

Selon les structures, les chantiers sont d’ampleur inégale. « Notre objectif, c’était surtout d’embarquer les équipes autour de cette réforme, même s’il n’y a pas chez nous de modifications en profondeur des compétences des collaborateurs », explique Bruno Lucas, directeur général d’Opcalim, qui rassemble les entreprises de l’industrie alimentaire, de la coopération agricole et de l’alimentation en détail. Au sein de l’Opca Transports, c’est un plan de formation spécifique qui a été mis en place pour les 220 salariés. Un travail au fil de l’eau. « C’était parfois difficile de ne pas pouvoir répondre aux adhérents car certains décrets ont été publiés très tard », confie Raphaëlle Franklin.

Les collecteurs ont dû dédier des salariés pour démarcher les entreprises et les inciter à verser des contributions volontaires en échange de nouveaux services. Là encore, chacun fait en fonction de sa spécificité et à son rythme. Il peut s’agir d’aider les entreprises à effectuer leurs démarches administratives, mettre à leur disposition des outils en ligne (par exemple pour faire un diagnostic GPEC), voire, dans certains cas, élaborer avec elles une politique sur mesure en matière d’emploi et de formation.

Agefos PME en pleine mue

Chez Agefos PME, touché par la quasi-disparition de la mutualisation pour les entreprises de 10 à 50 salariés, le choc est rude. Et exige de réinventer un modèle. Nouvel accord interprofessionnel en janvier 2015, plan stratégique validé en septembre… la mue implique un plan de sauvegarde de l’emploi qui devrait concerner au moins 10 % des 1 200 salariés. Et « 50 % des collaborateurs sont concernés par une évolution de leur métier », confirme Joël Ruiz. Le directeur général devrait lancer ce mois-ci la « Garantie formation », un produit encore unique sur le marché. « L’idée, c’est de soutenir une PME par des conseils personnalisés et de réserver sa contribution pour les années où elle en a besoin », résume-t-il. Une sorte de compte mutualisé, contre lequel certains acteurs se sont élevés, craignant qu’Agefos PME ne chasse sur leurs terres.

Pour les autres organismes, une telle offre n’est pas encore dans les tablettes. Même si certains innovent. À l’instar d’Opcalim, qui a lancé A’lliances, un service payant (1 500 euros annuels hors taxes) « qui vise les professionnels des ressources humaines et les managers », explique Bruno Lucas. Ateliers d’échanges de bonnes pratiques, interventions d’experts sur des problématiques de formation, développement d’outils en ligne (un Mooc sur la réforme, par exemple)… L’offre est en cours d’élaboration, pour un déploiement en 2016. « Ces nouveaux services seront liés aux orientations voulues par les branches. Il faut que ce soit utile aux entreprises », précise Bruno Lucas. Du côté d’Uniformation, on se montre plus prudent. Pas question de brûler les étapes. Son directeur général a beau affirmer réfléchir à « un produit spécifique, pourquoi pas dans le cadre de la cotisation volontaire », son objectif premier reste d’absorber au mieux la montée en charge de la réforme. En particulier la gestion du CPF, qui a déjà bousculé nombre d’habitudes.

On connaîtra fin février le montant de la collecte réalisée auprès des entreprises en 2015. En particulier les sommes versées dans le cadre du plan de formation, que les employeurs n’ont plus l’obligation de confier aux Opca. Un indicateur du niveau de performance des organismes, ou tout au moins de leur capacité à convaincre leurs adhérents de leur valeur ajoutée. En fonction des résultats, chaque collecteur devra ajuster sa stratégie, voire la repenser de fond en comble si les projections s’avèrent inexactes.

Sans attendre, les Opca ont déjà sorti la calculette. Pour tenter d’évaluer l’ampleur des dégâts. Chez Opcalim, Bruno Lucas se veut optimiste. Il table sur une collecte volontaire de 60 millions d’euros, en phase avec l’objectif d’atteindre 100 millions d’euros d’ici à trois ans. Sans citer de montant, Joël Ruiz espère, lui, convaincre au moins 60 % des PME adhérentes de signer une « Garantie formation ». Et combler ainsi en partie la perte sur la mutualisation du plan des entreprises de plus de 10 salariés. L’Afdas, l’Opca du spectacle, de la communication et de la presse, anticipe une baisse globale de 7 % de sa collecte. Pour l’ensemble des acteurs, verdict définitif dans deux mois.

Le sésame du label qualité

L’année 2016 sera celle de la qualité. Sur ce sujet, la plupart des Opca ont fort à faire. Le 1er janvier 2017, il leur faudra être en ordre de marche avec des chartes de qualité auxquelles pourront se conformer les organismes de formation non labellisés. Un travail de fond a d’ores et déjà été lancé au sein d’une instance pilotée par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Il vise à éditer des règles communes aux Opca. Pas simple quand, à l’image d’Agefos PME, certains collecteurs travaillent avec 25 000 organismes de formation.

Avec Opcalia, l’autre structure interprofessionnelle, Agefos PME lance une politique de soutien à ces petites structures. Pour qu’elles puissent, le moment venu, obtenir un label ou une certification qualité. Un sésame pour ne pas être exclu du marché. « Nous allons les aider à financer leur plan de formation et à élever les compétences de leurs formateurs », explique Joël Ruiz. Un chantier titanesque, qui laisse néanmoins de côté les formateurs indépendants.

Auteur

  • M. J.