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Vie des entreprises

Les clauses de variabilité

Vie des entreprises | CHRONIQUE JURIDIQUE | publié le : 01.12.2000 | Philippe Waquet

Effet de l'individualisation croissante des relations de travail et de la flexibilité recherchée par les entreprises, les clauses prévoyant une variabilité de la rémunération ou des horaires de travail se multiplient dans les contrats. Mais la validité de cette variabilité contractuelle est étroitement encadrée par la Cour de cassation.

Dans quelle mesure le contrat de travail peut-il prévoir sa propre modification, organiser sa révision ? La question est fréquemment posée et, de fait, elle est intéressante. Le contrat de travail à durée indéterminée étant à exécution successive, sa révision s'impose périodiquement, ne serait-ce que dans l'intérêt du salarié. Et il n'est pas inutile que ce soit le contrat qui prévoie et réglemente les variations du régime contractuel. Le renforcement du contrat de travail, depuis que les effets de la jurisprudence Raquin se font sentir, conduit à l'abandon des mesures unilatérales que les employeurs prenaient fréquemment et qui étaient largement tolérées. Puisque la modification du contrat requiert l'acceptation du salarié, pourquoi ne pas la prévoir dès la signature du contrat ?

Cependant, le jugement à porter sur la validité des clauses de variabilité doit être nuancé et dépend d'abord de l'inventaire de ces clauses. L'imagination des juristes étant sans limites, on ne peut que tenter une première analyse qui permette de ranger les clauses dans plusieurs catégories (voir 1°). On cherchera, ensuite, à en apprécier la valeur, compte tenu de la jurisprudence déjà existante (voir 2°).

1° Catalogue des clauses de variabilité

Malgré le côté arbitraire de tout rangement, on peut tenter de classer les clauses de variabilité dans quatre tiroirs.

La variabilité en soi est le cas le plus simple. La clause consiste seulement à prévoir que, si tel événement se produit ou si tel paramètre est dépassé, le contrat sera révisé, sans autre précision. Il n'est indiqué ni comment s'effectuera la révision ni en quoi elle consistera. À ce stade, on est en présence d'une clause rebus sic stantibus : le contrat s'exécutera aux conditions qu'il prévoit tant que les conditions resteront les mêmes ; leur mise en cause, sur tel ou tel point précis, amènera une révision. Rien n'est dit de ce que devra être celle-ci, ni des clauses nouvelles qui devront voir le jour ni de la manière de procéder pour parvenir à un résultat. Seul le principe d'une révision est admis et convenu.

La variabilité réglementée organise, au contraire, de manière précise, et le nouveau régime du contrat et les cas où il s'appliquera. Il en est ainsi lorsqu'une rémunération variable est mise en place : 0,5 % sur le chiffre d'affaires jusqu'à X ; 0,8 % de X à Y ; 1 % à partir de Y. Dans une telle hypothèse, on peut même se demander s'il y a variabilité. En réalité, le contrat de travail prévoit un régime multiple en fonction de diverses variables : il n'est pas modifié ni révisé et les chiffres obtenus ne sont que l'application pure et simple du contrat. La variabilité est aussi réglementée dans les cas, assez fréquents, où le contrat prévoit qu'au bout d'un an d'ancienneté, par exemple, le salarié bénéficiera d'une promotion et touchera telle ou telle prime. Rien n'empêche de prévoir des promotions annuelles ou selon un autre rythme. En tout état de cause, aucune incertitude ne subsiste et la révision est planifiée, dès l'origine, par le contrat.

La variabilité non réglementée se rencontre fréquemment. Elle consiste, sous des formes variées, à conférer à l'employeur le droit de modifier unilatéralement le contrat sur tel ou tel point. Autrement dit, ce n'est pas un pouvoir général de révision qui est accordé à l'employeur – auquel cas la règle de l'immutabilité des contrats serait foulée aux pieds –, mais un pouvoir donné pour telle ou telle hypothèse, sans autre précision, ce qui laisse une grande latitude à son bénéficiaire.

La variabilité à demi réglementée existe lorsque le contrat prévoit la modification qui interviendra, mais ne détermine ni les causes précises – se bornant souvent à n'envisager qu'une situation générale (par exemple, en cas de crise économique) – ni les modalités exactes du changement à venir. Un exemple, légal, de clause de variabilité existait dans l'ancienne rédaction de l'article L. 212-4-3 du Code du travail sur le temps partiel. Ce texte, après avoir prescrit que le contrat à temps partiel indique la durée hebdomadaire du travail et la répartition du temps de travail sur la semaine, ajoutait : « Il définit, en outre, les conditions de la modification éventuelle de cette répartition qui doit être notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle cette modification doit intervenir. » On verra, ci-après, comment ce texte a été interprété et ce qu'il est devenu.

La jurisprudence a eu à connaître de ces différentes clauses, même si les cas tranchés ne sont pas encore très fréquents. On peut tenter une analyse des solutions.

2° Validité des clauses de variabilité

Aucune solution ne s'impose a priori : ni validité de principe, car la règle de la sécurité juridique impose quelque précaution en la matière, ni illégalité automatique : le contrat peut régir des situations à venir. De plus, la jurisprudence n'a pas terminé le défrichement de cette matière mouvante et indécise. Avançons donc prudemment, en distinguant les situations ci-dessus décrites et en cherchant, à travers quelques précédents, des solutions.

Dans le cas de la variabilité en soi, il n'existe pas, à ma connaissance, de jurisprudence. La solution apparaît néanmoins simple : la clause signifie que les deux parties au contrat doivent négocier sa révision. L'obligation de négocier est classique en droit du travail, mais on y pense surtout en matière collective (cf. négociation annuelle obligatoire : art. L. 132-27 ; négociation en cas de dénonciation ou de mise en cause des accords collectifs : art. L. 132-8 du Code du travail). Or l'obligation de négocier existe aussi en matière individuelle (Cass. soc., 19 décembre 1989, Dr. social 1990, p. 149). La chambre sociale la rend obligatoire lorsqu'un contrat prévoit un avantage pour un salarié (par exemple une prime de fin d'année ou un intéressement) sans en fixer le montant. Les parties doivent alors chercher un accord et, à défaut d'y parvenir, c'est le juge qui doit trancher la difficulté (Cass. soc., 22 mai 1995, Bull. civ. n° 16 ; 20 octobre 1998, RJS 12/98, n° 1488). La négociation est également obligatoire lorsque la rémunération, résultant du statut collectif non négocié, vient à disparaître, sans être remplacée : les parties doivent convenir d'une rémunération contractuelle (Cass. soc., 20 octobre 1998, Bull. civ. n° 435). Pourquoi ne pas appliquer la même solution dans le cas où le contrat de travail doit continuer à s'exécuter, mais à des conditions nouvelles qui sont à déterminer compte tenu de la survenance d'un événement retenu par les parties comme cause d'une révision ? Le juge, après avoir vérifié que la cause de révision est advenue, arbitrera le litige résultant du désaccord des parties et fixera de nouvelles conditions au regard des propositions faites par l'une et l'autre. Il n'y aurait là rien que de très classique.

Lorsque la variabilité est réglementée, le contrat doit purement et simplement s'appliquer. À la vérité, on ne devrait pas parler alors de clause de variabilité, car si un nouveau régime s'applique, c'est le contrat lui-même qui l'a prévu : l'application de modalités différentes ne s'accompagne pas d'une modification du contrat. C'est pourquoi, d'ailleurs, ce sera souvent le salarié qui aura intérêt à se prévaloir du contrat pour obtenir que lui soit reconnu tel ou tel avantage prévu après un temps déterminé ou à la survenance d'un événement précis. Par conséquent, sauf dans des cas particuliers de fraude ou d'abus, les clauses de variabilité organisée ne devraient pas soulever de difficultés.

Prenons maintenant la variabilité non réglementée, c'est-à-dire l'hypothèse où le contrat prévoit seulement que l'employeur pourra modifier le contrat. La jurisprudence a toujours condamné ces clauses. Dès 1994, la Cour de cassation considérait comme nulle la clause par laquelle l'employeur se réservait la possibilité d'étendre la portée d'une clause de non-concurrence (Cass. soc., 28 avril 1994, Bull. civ. n° 150). Deux arrêts du 30 mai 2000 proclament qu'une clause du contrat ne peut valablement permettre à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération contractuelle du salarié (RJS 7-8/2000, n° 772). D'une manière très générale, un arrêt du 27 juin 2000 (n° 3033 P) a considéré comme nulle la clause qui permettait à l'employeur de ne payer une prime que si les résultats économiques étaient suffisants : « Ne peut constituer une condition d'application d'un engagement unilatéral de l'employeur qu'une clause précise définissant objectivement l'étendue et les limites de l'obligation souscrite. » Autrement dit, l'employeur ne peut, sous prétexte d'une clause lui conférant un pouvoir de révision, porter atteinte au contrat ou même à un engagement unilatéral. C'est le rejet, qui est très net, par la chambre sociale de la clause potestative : je le ferai « si je le veux » ou « tant que je voudrai ».

Qu'en est-il de la variabilité à demi réglementée, c'est-à-dire celle où le contrat, sans prévoir précisément les nouvelles conditions, encadre le pouvoir de révision en fixant les limites du changement et en prévoyant les cas où il pourra intervenir ?

Dans le cas où la loi le prévoit, le juge ne peut s'opposer à la clause. Du moins la chambre sociale, après une période où elle s'est montrée accommodante (cf. Cass. soc., 12 mars 1996, Bull. civ. n° 91 ; 9 février 1989, Bull. civ. n° 112), a manifesté une grande sévérité à l'égard de la clause en la déclarant valable à la double condition : « d'une part de la détermination par le contrat de la variation possible, d'autre part de l'énonciation des cas dans lesquels cette variation pourra intervenir » (Cass. soc., 7 juillet 1998, Bull. civ. n° 373 ; 6 avril 1999, Bull. civ. n° 166). La loi du 19 janvier 2000 a entériné cette jurisprudence en rédigeant l'article L. 212-4-3 de la manière suivante : « Il [le contrat] définit en outre les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification. » La clause de variabilité légale est donc très sévèrement encadrée.

Si aucune loi ne prévoit cette variation, est-elle envisageable ? Il semble bien que non, à la lecture d'un arrêt du 29 juin 1999 (RJS 8-9/99, n° 1025). Il s'agissait d'un contrat de travail qui prévoyait qu'il pouvait être transformé, à partir du 31 mars 1992, en contrat à temps partiel. Utilisant cette clause, qui était précise, l'employeur avait notifié au salarié qu'à compter du 1er novembre 1993 son contrat serait transformé en contrat à mi-temps avec le salaire correspondant. La cour d'appel avait considéré que cette modification, conforme aux stipulations contractuelles, était valable. Cette décision a été cassée : « La transformation d'un horaire de travail à temps complet en horaire de travail à temps partiel constitue une modification du contrat de travail qui ne peut être réalisée sans l'accord du salarié, peu important que cette modification ait été ou non prévue dans le contrat de travail. » La formule est évidemment malheureuse, car il importe au contraire de savoir ce que le contrat prévoit ; mais la Cour de cassation a voulu dire que la clause était nulle et qu'elle ne pouvait réserver à l'employeur le droit de transformer la nature du contrat. Cet arrêt constitue un précédent très net et qui permet de conclure que, à défaut d'une loi l'autorisant, le contrat ne peut conférer, même dans des cas précis, un pouvoir de révision à l'employeur.

Un long travail reste à faire pour mieux décrypter le sujet de la révision du contrat de travail. Du moins une orientation très nette de la jurisprudence, qui n'est pas hostile à toute variabilité contractuelle, se manifeste-t-elle dans le sens d'une hostilité au privilège conféré à l'employeur de faire varier, à son gré, les clauses du contrat.

Auteur

  • Philippe Waquet