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Formation professionnelle, un marché en profonde transformation

Dossier | publié le : 02.05.2017 | Laurence Estival

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Formation professionnelle, un marché en profonde transformation

Crédit photo Laurence Estival

Bousculés par la réforme de 2014 et l’entrée en vigueur du CPF, les organismes de formation ont appris à s’adapter pour continuer à tirer leur épingle du jeu.

Près de deux ans après l’entrée en vigueur du CPF, 60 % des adhérents de la FFP (Fédération de la formation professionnelle) avaient en novembre dernier toujours une vision négative des nouvelles règles du jeu. Certes ce chiffre est en recul par rapport à l’année 2015 qui restera gravée dans les mémoires comme l’exercice le plus douloureux. « Certains prestataires ont vu leur chiffre d’affaires diminuer de 15 % à 20 % avant une légère reprise de leur activité qui a au mieux permis à une majorité d’entre eux de retrouver leur rythme de croisière », observe Jean Wemaëre, président de cette organisation professionnelle qui regroupe tous les poids lourds du secteur privé de la formation. Pour 2017, 59 % des sondés parient toutefois sur un retour de la croissance de leur activité contre 40 % un an plus tôt. La raison de cette éclaircie ? Les profondes transformations opérées pour mieux répondre aux besoins de leurs clients et aux marges budgétaires des financeurs.

Certifications à foison

Première inflexion : le développement de formations certifiantes. « Cette stratégie, que nous avions anticipée, était totalement en phase avec le CPF, raconte Sophie Crespy, directrice du Cesi Entreprises. Du coup, nous avons été parmi les premiers à avoir des parcours éligibles. » L’offre étant rare en 2015, l’organisme s’est même offert le luxe de voir son chiffre d’affaires progresser de 18 % cette année-là !

Même son de cloche à l’EM Lyon où les deux certifications proposées ont séduit nombre de candidats. Non sans raison : la certification dirigeant d’entreprise correspondant à son Executive MBA, la business school lyonnaise a même vu 80 % de la dernière promotion de ce cursus haut de gamme partiellement prise en charge par le CPF. « Nous avions aussi introduit de la souplesse en proposant deux parcours possibles. Soit suivre la totalité des cours, répartis en six blocs de compétences à temps partiel sur deux ans, soit ne suivre que quatre blocs de compétences et passer les deux restants dans le cadre de la VAE (Validation des acquis de l’expérience). Mais peu de stagiaires ont opté pour cette deuxième voie, sans doute parce que les organismes financeurs les ont bien accompagnés », explique Christine Neveux, conseil en financement pour les programmes de formation continue.

Blocs de compétences et cofinancement

Ces pionniers reconnaissent en effet avoir profité de la largesse des OPCA qui, pour permettre le décollage de ce nouveau dispositif, ont abondé les heures inscrites sur le compte des candidats. Mais les nuages commencent à poindre à l’horizon car les financements prévus pour prendre en charge la montée en puissance du CPF ne sont pas extensibles à l’infini. Les organismes mettent aujourd’hui en avant la possibilité offerte aux salariés de suivre ces certifications à leur rythme, grâce à un découpage en blocs de compétences. De façon à cumuler des crédits pendant cinq ans jusqu’à l’obtention du parchemin. Un moyen également d’individualiser les parcours pour coller toujours plus aux besoins des individus.

Du Cnam au Groupe IGS en passant par Cegos ou Demos, une majorité d’organismes s’inscrivent dans ces logiques, quitte à conseiller aux candidats pressés de trouver auprès de leurs entreprises des financements complémentaires pour accélérer le mouvement. « Nos démarches visent la sécurisation des parcours professionnels, qui reste une priorité pour les individus comme pour les entreprises. Celles-ci ont l’obligation de maintenir l’employabilité de leurs collaborateurs », pointe Sophie Crespy. L’EM Lyon commence pour sa part à réfléchir à la façon dont les salariés désireux de suivre ses certifications, pourraient être davantage accompagnés par leur employeur. Notamment dans le cadre de la période de professionnalisation qui viendrait compléter la mobilisation de leur CPF.

Toujours plus de e-learning

Autre façon de conjuguer demande de formation et rigueur budgétaire : la possibilité d’utiliser toujours plus de modules en e-learning, moins coûteux mais aussi plus souples que les cours en face à face. Les organismes de formation linguistique, dont les formations sont désormais éligibles au CPF à condition que les candidats passent une certification, ont pris sur ce terrain une longueur d’avance. « Les financeurs ne tenant compte que des heures avec des enseignants et des tuteurs, les salariés ont l’opportunité de suivre un programme conséquent en ligne pour les préparer à passer le Toeic ou le Bulats. Tout en ne mobilisant qu’une vingtaine d’heures de leur CPF », mentionne Paul Webster, directeur des opérations Berlitz-Telelangue France.

Les possibilités de e-learning n’ont d’ailleurs pas échappé à une majorité d’organismes de formation, quel que soit leur secteur d’activité. « La réforme a favorisé notre nouvelle offre NExT by Demos, une formation qui peut être 100 % digitale ou mixte avec des séquences en présentiel. Quelle que soit l’option, le participant bénéficie d’un coaching individuel », confie Dai Shen, le directeur général.

Le salarié, acteur… et financeur

« Les salariés, encouragés par la réforme à devenir davantage acteurs de leur formation, pourront eux aussi être conduits à mettre de l’argent au pot pour compléter leur CPF et les éventuels financements de leur entreprise », prédit Gilles Pouligny, directeur général adjoint en charge de la formation continue et des partenariats du Groupe IGS. Signe des temps, Demos a commencé à prendre les devants : « Nous avons mis en place une plateforme de crowdfunding où les salariés solliciteront des fonds pour financer la formation dont ils ont besoin », détaille Dai Shen. Fonctionnant pour le financement des certifications, cette plateforme sera aussi accessible à tous ceux qui entendent suivre des programmes courts, ces grands oubliés de la réforme. « Or, on a bien vu dans le cadre du Dif que ces programmes étaient choisis par une majorité de candidats intéressés pour apprendre à maîtriser leurs émotions ou à faire face au stress », remarque Jean Wemaëre. Les organismes de formation n’ont pas renoncé à proposer des offres d’une durée comprise entre deux ou trois jours. Ils sont en effet persuadés qu’il existe toujours un besoin et donc un marché pour ces stages, ou même pour des demandes spécifiques sur des métiers dans lesquels les évolutions s’accélèrent. Comme dans le digital par exemple. « C’est d’ailleurs grâce à la grande diversité de nos programmes que nous avons réussi à maintenir le cap. Le CPF ne représente que 10 % à 15 % des montants investis dans la formation continue, même si aujourd’hui il est en train de nous pourrir la vie », relativise Marc Poncin, directeur du service formation continue de l’université de Strasbourg. La révolution de la formation n’en est qu’à ses débuts.

Les langues, formations phares du CPF

Grands vainqueurs de la mise en place du Dif, les organismes de formation en langues, qui dans un premier temps ont vu leur offre non éligible dans le cadre du CPF, tiendraient-ils leur revanche ? Les chiffres publiés en fin d’année ont en effet de quoi remonter le moral de ceux qui ont payé au début un lourd tribu aux changements des règles de prise en charge. Quarante-huit organismes de formation réalisant plus de 100 000 euros de chiffre d’affaires ont mis la clé sous la porte en 2015 et 2016.

Le Bulats et le Toeic (tests d’anglais), représentent ensemble 106 375 demandes de CPF acceptées. La certification CléA qui confirme l’acquisition du socle de connaissances et de compétences professionnelles, en première place dans les dossiers CPF des demandeurs d’emploi validés n’arrive qu’en deuxième position – soit 51 534 dossiers. Devant le stage de préparation à l’installation réservés aux futurs artisans avec 30 873 dossiers.

Auteur

  • Laurence Estival