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De nouveaux outils pour engager ses salariés

Décodages | publié le : 05.06.2017 | Nathalie Tissot

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De nouveaux outils pour engager ses salariés

Crédit photo Nathalie Tissot

Partager son humeur, envoyer un « like » à un collègue, noter son enthousiasme… De nouvelles applications mobiles permettent d’évaluer l’implication des salariés au travail. Mais ces sondages mensuels, boîte à idées, votes ou notations sont-ils efficaces ?

« Évalue sur une échelle de 1 à 5 ton niveau d’enthousiasme à travailler pour Mazars Actuariat. » Chaque mois, les salariés de la société de conseil sont invités à répondre à cette même question et à six autres de ce type. Sur leurs ordinateurs ou leurs smartphones, ils peuvent ainsi donner leur avis de manière anonyme sur leur quotidien dans l’entreprise : l’écoute de la part de l’encadrement, le déroulé des missions en cours, les opportunités de développement personnel… Guillaume Desloges, senior manager chez Mazars Actuariat à La Défense, est plutôt satisfait des premiers résultats. En une semaine, près de la moitié des 40 collaborateurs sollicités ont répondu au sondage. Il y a quelques mois, l’application ZestMeUp est venue s’ajouter aux deux entretiens annuels classiques organisés dans l’entreprise. « C’est totalement différent, on n’est pas dans un processus d’évaluation, on essaye juste de savoir si tout va bien, explique le manager. D’un point de vue économique, se soucier de la santé mentale de ses salariés est important. » Selon l’institut de sondages américain Gallup, les pertes liées au désengagement au travail atteindraient entre 450 et 550 milliards de dollars par an aux États-Unis. Seuls 13 % d’employés dans le monde seraient réellement investis dans leur métier. Et les Français seraient parmi les plus mauvais élèves.

Pour enrayer cette dynamique, toutes les solutions sont bonnes à prendre. Des dispositifs internes de mesure de l’engagement sont arrivés dans les grandes entreprises françaises dans les années 2000. Mais ils manquent parfois de souplesse et n’appellent pas à la même spontanéité qu’un sondage en moins de 10 questions. « Aujourd’hui, les jeunes générations sont beaucoup plus à l’aise avec ces outils de dialogue en permanence qu’avec de grandes enquêtes institutionnelles », analyse Geoffrey Carpentier, membre fondateur de l’Observatoire de l’engagement. Comme Mazars Actuariat, 40 entreprises se sont ainsi abonnées à ZestMeUp depuis son lancement en 2015. « On a apporté le temps réel qui manquait dans les outils existants », se félicite Christophe Bergeon, l’un des trois cofondateurs de la start-up. À côté des sondages mensuels, l’application offre la possibilité de partager son humeur quotidienne, d’envoyer des feedback à ses supérieurs, de proposer des idées… Une fonctionnalité d’accueil des nouveaux embauchés devrait également voir le jour d’ici à l’été. « L’outil est en amélioration permanente », précise Christophe Bergeon. Une nécessité car la concurrence des questionnaires en ligne gratuits des start-up spécialisées est rude.

Superlike.

À l’étranger, Officevibe, créé en 2013 par des Canadiens, BetterCompany et plus récemment Emplify en Californie, surfent sur le même marché des nouveaux outils numériques destinés aux RH. En France, on compterait déjà une vingtaine d’applications mobiles dans ce domaine. L’une des dernières en date : Bloom At Work, cocréée par My Little Paris, célèbre média en ligne de mode et de bons plans. Parmi les premiers à s’être lancés, à l’instar de ZestMeUp, Supermood compte déjà de gros clients comme Orange, Total ou la Société générale. Kevin Bourgeois, l’un de ses fondateurs, est fier d’afficher un taux de réponse moyen de 80 % à ses sondages envoyés par email. Supermood, qui s’est donné pour mission de « rendre les gens heureux et engagés dans leur travail », a également mis au point une fonctionnalité « superlike ». Chaque semaine, tous les collaborateurs, ciblés par les services RH, peuvent ainsi attribuer un « like » à n’importe lequel de leurs collègues. Un moyen de créer « une culture du merci », selon l’entrepreneur de 25 ans pour qui l’anonymat est une des clés pour réussir à « libérer la parole ». Éric Peres, secrétaire général de Force ouvrière cadres met néanmoins en garde. « La qualité d’anonymat peut être extrêmement fragile selon le nombre de personnes visées par l’enquête. » D’après le syndicaliste, cette volonté de plus en plus grande des entreprises de limiter les risques psychosociaux, en sollicitant les salariés par des enquêtes, peut avoir des effets pervers : stress des managers, utilisation des données « contre le salarié ». Il souhaiterait que les syndicats soient davantage consultés avant la mise en place de ces sondages.

Une intégration fluide.

D’ailleurs, il n’y a pas de miracle. « Si leur rôle pour soutenir les stratégies développées par les entreprises afin de renforcer l’engagement des salariés est essentiel, les nouvelles technologies ne suffisent pas pour obtenir des résultats », explique Mélanie Hache-Barrois, directrice Stratégie Ressources humaines chez Oracle. Elle s’appuie sur une enquête réalisée par l’éditeur américain en juillet 2015. Parmi 250 décideurs RH et 1 500 salariés en Europe, seuls 15 % des employeurs affirment que l’utilisation des technologies digitales et mobiles les plus récentes est un facteur essentiel d’amélioration de l’engagement des salariés. Seuls 3 % estiment qu’il est essentiel de permettre aux salariés d’utiliser les réseaux sociaux dans le cadre de leur travail. « Pour être efficaces, poursuit-elle, ces technologies doivent être intégrées de façon totalement fluide dans les processus opérationnels afin que les managers et les salariés puissent les utiliser dans le cadre de leur travail normal. Qu’il s’agisse d’un entretien de suivi des performances, du processus de recrutement, du partage des connaissances sociales ou de l’utilisation des mobiles pour saisir les feuilles de temps. »

Réunions, séminaires et formations ponctuent le quotidien des actifs. Pour les rendre « plus agréables et productifs », Yassine Chabli, 29 ans, et ses associés ont inventé l’application Beekast. Elle permet aux participants d’une réunion de donner un avis en direct. Chaque participant réagit sur son smartphone aux propos de l’animateur, ou contribue à la réflexion commune. En trois ans d’existence, la start-up compterait déjà 600 entreprises clientes. « Maintenant on la vend aussi aux écoles et universités », explique Yassine Chabli. Parmi les clients, le cabinet de conseil Wavestone. Depuis deux ans, lors des séminaires d’intégration, les collaborateurs n’hésitent pas à questionner anonymement la direction de l’entreprise. « Les retours des employés sont très positifs », se réjouit Alexia Turlepin, assistante RH. L’image du cabinet de conseil, qui met en avant le digital, en sort renforcée. « Ces applications sont faciles d’utilisation et moins intrusives que des enquêtes plus longues où l’enjeu peut sembler plus important au salarié. Mais c’est comme toute forme de sollicitation, ça n’a de sens que si on voit que ça a un effet », estime Bénédicte Ravache, secrétaire générale de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH).

Dans ses bureaux de La Défense, avec les résultats du dernier sondage, Guillaume Desloges organise une réunion pour débriefer les équipes de Mazars Actuariat. La dernière fois, il est apparu que les juniors de l’entreprise avaient mal vécu les mois de janvier et février. « Ce sont des périodes très chargées, et ils sont souvent moins épaulés car les missions prennent tout notre temps, commente le responsable RH. C’est pourquoi on a permis aux managers de dégager du temps de gestion d’équipe sur les plannings. » Pas de baguette magique, mais au final, ces applications déclenchent la discussion. Et un manager à l’écoute peut réagir plus vite…

Auteur

  • Nathalie Tissot