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Les entreprises s’engagent

Dossier | publié le : 04.01.2018 | Rouguyata Sall

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Les entreprises s’engagent

Crédit photo Rouguyata Sall

Les grandes entreprises françaises déclinent souvent leurs démarches de responsabilité sociétale (RSE) par du mécénat de compétence et financier. Orange, SNCF, Accenture ou encore Veolia proposent aujourd’hui à leurs salariés de s’engager dans le monde associatif. Décryptage.

Dix ! C’est le nombre de journées par an allouées au mécénat de compétences pour les salariés de la SNCF. Être solidaire pendant ses horaires de travail, c’est ce que permet ce dispositif défini comme un don en nature aux structures d’intérêt général. La mise à disposition d’un salarié est ainsi associée à une réduction d’impôt de 60 %. À l’heure où les subventions publiques pour le tissu associatif baissent, le mécénat de compétences, cadré depuis 2003 par la Loi Aillagon, devient une véritable ressource alternative, tout en rapprochant le monde de l’entreprise et celui des associations.

À la SNCF, deux types de mécénat de compétences existent : l’expertise métier, et le parrainage de personnes en recherche d’emploi ou d’orientation. « On pense toujours aux fonctions support, mais chez nous, il y a 150 métiers », explique Marianne Eshet, déléguée générale de la Fondation SNCF. « Un ingénieur et un électricien ont refait le diagnostic et toute la mise aux normes d’un bâtiment Emmaüs en Auvergne. » Côté parrainage, des salariés de la SNCF ont contribué l’an dernier au programme Via Ferrata Beaux-Arts, une classe préparatoire pour faciliter l’accès aux Beaux-Arts à des élèves issus de la diversité, sociale et culturelle.

Parrainage de jeunes

Didier Javazzo a accompagné ces jeunes, son parcours en RH et recrutement constituant un plus. « L’idée était à la fois de travailler sur le fond et la forme, puisqu’ils passaient des oraux où ils devaient situer leur travail artistique, présenter leurs œuvres et exprimer leur motivation pour le choix de l’école », explique le DRH d’Optim’ Services (direction des fonctions transverses SNCF). « Les gens tirent profit de ces conseils et, finalement, grandissent et mûrissent. » Didier Javazzo est aussi l’un des artisans du dispositif de mécénat de compétences, co-construit par le service RH et la fondation il y a quatre ans, grâce, notamment à l’expérience acquise par Marianne Eshet à la tête d’Admical (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial).

Team building solidaire

La fondation identifie les associations, parmi leur centaine de partenaires associatifs ou autres structures d’intérêt général dans l’éducation, la culture ou la solidarité. Une plateforme informatique permet aux salariés de renseigner leurs envies et aux associations leurs besoins. « C’est de la dentelle, résume Marianne Eshet. Il faut trouver la mission, le salarié disponible, à un moment précis et sur un territoire donné. » Seul bémol : il faut convaincre le manager de laisser partir son collaborateur. Pour surmonter leur éventuelle frilosité, le duo DRH/fondation invente l’an dernier le séminaire d’équipe solidaire, afin que, dans le cadre du team building, les managers et leurs équipes réalisent en plus des activités ludiques, une activité solidaire.

Temps partiel senior

À chaque retour de mission, les bénéfices escomptés pour le salarié se confirment : « Même en une seule journée, il se passe quelque chose », estime Marianne Eshet. Le sentiment d’être utile requinque les salariés, qui développent selon elle, créativité et audace dans ce monde associatif en manque de moyens.

Autre dispositif de mécénat de compétences, ouvert cette fois-ci uniquement à l’approche de la retraite, le temps partiel senior permet aux salariés d’Orange de travailler à mi-temps. Depuis 2010, ce mi-temps peut être un mécénat de compétences. « Il faut que ce soient des associations en accord avec les axes de la Fondation Orange, la précarité, l’isolement et le handicap », précise Sylvie Meslin Saint Jean, déléguée Mécénat et Solidarité pour la région Occitanie. Comme Les Restos du Cœur, les Paralysés de France et entre autres le Secours Populaire, où quatre ans après son mécénat de compétences, Christiane Perié-Terrier est toujours bénévole. Cette assistante commerciale qui a connu « les PTT, France Télécom puis Orange » a choisi de s’engager dans une association caritative, pour préparer sa retraite et éviter le choc qui frappe certains retraités quand ils cessent leur activité. « Quand je me suis présentée, le Secours Populaire venait d’être informatisé. Les personnes âgées qui étaient là avaient très peu de connaissances en informatique. » Christiane Perié-Terrier a commencé par gérer le stock alimentaire, offrant ses compétences en gestion et elle a formé des bénévoles. Elle est devenue en quelque sorte assistante sociale, gérant les problèmes administratifs comme les dossiers de surendettement.

Rares sont les échecs

Depuis 2010, plus de 1 000 salariés ont bénéficié du temps partiel senior en mécénat de compétences, d’après Alain André, directeur de la prévention et de la qualité de vie au travail à la DRH Groupe. Le dispositif étant basé sur du volontariat, les échecs sont rares. « Le salarié peut se retrouver du jour au lendemain dans une association où les relations sont différentes », admet Alain André. Il vit lui-même ce changement d’univers régulièrement, car il préside l’association Volontaires pour les personnes avec autisme, qui bénéficie du concours d’un salarié Orange en mécénat de compétences. Mais selon lui, la majorité des salariés qui s’engagent ont déjà une pratique du bénévolat, ce qui facilite l’intégration, même si parfois, les missions sont assez éloignées du métier : « Quand on travaille dans la finance ou le contrôle de gestion et qu’on arrive aux Restos du Cœur, il faut s’attendre à faire quelque chose de fondamentalement différent. »

Le mécénat de compétences peut également prendre la forme de partenariats à long terme. C’est le cas pour l’entreprise de conseil Accenture et son programme mondial Skills to succeed (Des compétences pour réussir), dédié à l’emploi et à l’entreprenariat. Depuis fin 2015, la Fondation Accenture France travaille avec l’association Initiative France, réseau national de financement de créateurs et repreneurs d’entreprises, dont l’ancienne déléguée générale est aujourd’hui administratrice de la Fondation Accenture. L’association compte 222 plateformes qui interviennent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou les zones de revitalisation rurale.

L’association et la fondation ont les mêmes axes stratégiques. Deux consultants d’Accenture spécialisés sur l’accompagnement à la conduite du changement ont travaillé pendant trois mois à temps plein afin de livrer diagnostics, recommandations et plans d’actions sur l’enjeu de la création d’entreprise dans les quartiers.

« Changer un peu de cadre »

Après la signature d’une convention de mécénat de compétences en juillet 2017, deux consultants Accenture ont intégré Initiative France, pour accompagner dix plateformes pendant six mois, mais aussi pour concevoir des outils et une méthode transférables. « Ils sont au service de la stratégie d’une association (…), répondant à ses besoins, et pas uniquement à une prestation bordée dans un cahier des charges », affirme Sabine Hamot, directrice du développement d’Initiative France. À ses yeux, le mécénat de compétences est aussi une rencontre entre les cultures d’entreprise et associatives, qui doit bénéficier aux deux partenaires. Un constat partagé par Angelina Lamy, déléguée générale de la Fondation Accenture France, qui envoie environ 200 consultants par an en mécénat de compétences : « Nous apportons nos compétences et réciproquement l’association fait découvrir un nouvel univers à nos consultants, une nouvelle méthode de travail autour de l’autonomie, de l’agilité, de la débrouillardise, et bien sûr du sens », estime la déléguée générale Angelina Lamy. Maxime Pujol, consultant du bureau Accenture Toulouse, a sauté le pas du mécénat de compétences afin de « changer un peu de cadre », et trouver une mission où la finalité a « une dimension plus sociale et solidaire ». Pendant six mois, il va travailler avec Priyanka Varma, d’Accenture Paris. « Avec cette mission, j’apporte une petite contribution à la vitalité économique d’un territoire fragile », se réjouit Priyanka Varma. Les fréquents déplacements prévus ont aussi joué un rôle : « Je suis étrangère. Je vis en France depuis des années et je ne connais pas beaucoup ce pays. ». Dans le mécénat de compétences, chacun y trouve en effet son compte.

En chiffres

Le mécénat en 2015 : 14 % des entreprises françaises / 3,5 milliards de budget porté à 60 % par les ETI et les GE.

Mécénat financier : 80 % du budget mécénat

Mécénat en nature : 8 % du budget mécénat

Mécénat de compétences : 12 % du budget mécénat

Veolia cible l’humanitaire

La Veoliaforce est une équipe d’intervention de la Fondation Veolia, pour des missions de développement et d’assistance dans les zones de conflit ou de catastrophes naturelles.

Depuis 20 ans, des salariés du groupe Veolia partent en mécénat de compétences dans le monde entier, en partenariat avec des ONG telles que La Croix Rouge et l’Unicef, et parfois sollicités par la cellule d’urgence du quai d’Orsay. Parmi eux, David Poinard, responsable de service ingénierie technique eau. Hydrogéologue de formation, il part dès 2005 pour des missions de développement au Sénégal. Il y mène des études hydrogéologiques et contribue à la mise en route d’un chantier de forage. Il sensibilise également la population à l’hygiène et à la santé. « On va vraiment au-delà de notre métier purement technique. On appuie les populations locales pour qu’à la fin, elles soient complètement autonomes ».

Camp de réfugiés dans le Kurdistan irakien, séisme en Équateur, ouragan Irma à Saint-Martin, David Poinard a enchaîné les missions, malgré l’intensité du travail jour et nuit. « Je n’ai pas plus d’expertise que cela, mais j’ai une compétence. Si je peux aider des milliers de personnes grâce à ça, je le fais. » « C’est très valorisant, analyse Thierry Vanvelde. Certains retrouvent un peu le sens de leur métier. » « Ils reviennent complètement changés, avec une autre vision de l’entreprise. Je pense qu’ils sont plus performants. Aujourd’hui on a dans l’entreprise des gens qui ont appris à évoluer dans un contexte de l’urgence. » Un plus pour l’image de l’entreprise ? « C’est positif pour l’image d’un groupe comme Veolia, puisqu’on montre qu’on est capable d’apporter des solutions même dans des contextes très dégradés. Cela étant, les actions de la Veoliaforce ne sont pas là pour contribuer à l’image ».

Auteur

  • Rouguyata Sall