logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Le retour plus compliqué que le départ

Dossier | publié le : 06.04.2018 | Irène Lopez

Image

Le retour plus compliqué que le départ

Crédit photo Irène Lopez

Pour les salariés expatriés, le retour est souvent une déchirure, parfois un casse-tête, rarement un échec, le plus souvent lorsque l’entreprise n’a pas de poste à offrir à un cadre qui a dopé ses compétences hors de l’Hexagone.

Pour Cécile Troubat, manager expatriée aux États-Unis avec mari et enfants, l’expatriation a été une réussite : « Mes enfants sont très bien intégrés. Ils adorent leur école. Mon mari, qui a dû démissionner de son travail en France, a monté sa propre structure. Nous nous sommes fait des amis et avons une vie sociale satisfaisante ». Mais, voilà, son entreprise la rappelle au siège et il est temps de faire les valises. « Je savais que l’expérience avait une fin. J’ai signé pour trois ans. Je suis partie de France en connaissance de cause. J’y étais préparée. » Pour gravir les échelons et devenir top manager au sein du prestigieux groupe qui l’emploie, il faut partir… et revenir, « car, sinon, on reste trop longtemps loin des yeux et, par conséquent, loin du cœur de ceux qui dirigent. Au bout de 3 ou 4 ans, le réseau que vous aviez en France se délite et il devient plus difficile de conserver des appuis utiles au sein du siège ». Un responsable des ressources humaines explique : « Trois ou quatre ans, cinq ans maximum, est une bonne durée. Et elle n’est pas propre à l’expatriation. Elle est commune à toute politique de mobilité ».

À son arrivée, Cécile Troubat devrait être accueillie à bras ouverts par sa hiérarchie, si l’on en croit son DRH. « J’ai souvent entendu dire qu’il y avait des problèmes au retour. Le plus souvent, le collaborateur qui est parti se forger une expérience supplémentaire à l’étranger est une chance pour l’entreprise qui l’emploie. Non seulement, il n’a aucun problème au sein du groupe pour grimper les échelons mais, en outre, il est courtisé par d’autres entreprises. » Mais l’expatrié est souvent fidèle. Après avoir joué le rôle d’ambassadeur de son groupe à l’étranger, il a la culture maison chevillée au corps. Il ne souhaite pas quitter son entreprise d’autant plus que ses perspectives de carrière sont prometteuses.

Les clichés ont la vie dure

Et pourtant, à son retour, l’expatrié peut se sentir déraciné. « Le décalage peut être grand. Et l’envie de repartir aussi », confie un expatrié qui a retrouvé le moral. Selon Alix Carnot, directrice du pôle carrières internationales chez Expat Communication, une structure qui accompagne les entreprises internationales dans la gestion des missions d’expatriation, « lorsqu’une expatriation se passe mal ou qu’il y a un retour prématuré, c’est parce que le conjoint va mal. Nous avons réalisé une étude auprès de 3 000 personnes : il n’y a pas plus de divorces au sein des couples expatriés qu’au sein des couples en France. 90 % des personnes interrogées disent même que cela les a rapprochés ». Mais une fois à l’étranger, si le conjoint de l’expatrié ne trouve pas de travail, il peut très mal le vivre. Jonathan Bousquet, cadre dans l’industrie, expatrié en Asie, confirme : « Je partais tous les matins, très excité par les challenges de mon nouveau poste. Comme le rythme de travail était soutenu, je rentrais souvent tard à la maison. Je voyais bien que mon épouse, malgré le cadre idyllique où nous vivions, s’étiolait petit à petit. Chef de projet dans une agence de communication en France, elle ne trouvait pas de poste qui lui correspondait. Elle avait toujours travaillé et souffrait de son inactivité ».

Or un salarié expatrié qui souhaite revenir avant le terme de sa mission coûte cher, très cher : rapatriement de toute la famille, nouveau déménagement, mission à l’étranger non aboutie, obligation de trouver un remplaçant, etc.

Les entreprises où il fait bon travailler

C’est pourquoi, il est important voire même indispensable de s’occuper du conjoint. Peut-être même davantage lorsqu’il s’agit du mari. Cécile Troubat approuve : « Lorsque j’ai su que j’étais choisie pour partir aux États-Unis, mon mari et moi l’avons annoncé à notre famille. Elle n’a pas très bien accueilli notre annonce. Nos proches avaient l’air gênés pour lui. »

Les entreprises dont les missions d’expatriation réussissent le mieux sont celles qui prennent soin des collaborateurs mais également de leurs familles. « Ce sont des entreprises humanistes, à l’instar de Saint-Gobain ou Essilor, confie la directrice du pôle carrières internationales chez Expat Communication. Quand elles expatrient des collaborateurs, elles s’assurent qu’elles ne vont pas détruire les gens ni les couples. » Directrice clientèle chez Opinews, Florence Trouillot est la fondatrice d’ExpatUnited, un réseau social pour les expatriés. « Il permet aux expatriés de se mettre en relation grâce à un moteur de recherche par pays, par ville, mais aussi par activités (culturelles & sportives). Par exemple, s’ils avaient l’habitude de jouer au tennis avec un partenaire régulier en France, ils peuvent retrouver un partenaire de tennis dans leur pays d’expatriation. »

Enchaîner les missions

Dernier exemple de retour compliqué, le cas d’un collaborateur qui, au fil des expatriations, a pris une telle ampleur que sa hiérarchie n’a pas de poste à sa mesure. C’est un peu l’histoire de Philippe d’Havé, cadre supérieur dans un groupe industriel. Vrai baroudeur, il a fait le tour du globe. « En 2004, je suis parti en Ukraine pour diriger la filiale. Personne ne voulait y aller. Tchernobyl n’était pas loin et cela n’attirait personne. J’ai eu toutes mes chances. J’étais responsable d’un budget de 170 millions d’euros et de 100 personnes, contre 3 millions d’euros et 10 personnes précédemment. » Le challenge était grand puisqu’il a dû tout mettre en place : des bureaux au personnel, en passant par la stratégie de l’entité. Le tout sur fond de crise politique et économique. Le succès est au rendez-vous et il enchaîne alors les postes à l’étranger avant de revenir en France, il y a 4 ans. « Le DRH m’a dit qu’il ne savait pas où il allait me mettre. En général, c’est qu’il y a un problème. En outre, je n’étais pas très motivé non plus pour reprendre du service. Mon salaire était élevé. Il n’y avait pas de poste pour moi. » Philippe d’Havé a fini par quitter le groupe pour monter sa propre affaire et coule aujourd’hui des jours heureux en Ukraine…

Auteur

  • Irène Lopez