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Hôtellerie-restauration, le social sur le gril

À la une | publié le : 01.10.2022 | Maxime François

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Hôtellerie-restauration, le social sur le gril

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Augmentation des salaires, redéfinition de 74 métiers répartis dans une nouvelle grille, prise en compte des diplômes et de l’ancienneté des apprentis : le secteur HCR cherche à sortir de l’impasse.

« S’ils veulent davantage attirer et garder leurs salariés, les patrons du secteur des cafés, hôtels et restaurants devraient aller au-delà de ce que prévoient les nouvelles grilles de la convention collective, en participant aux frais de logement, par exemple ! » Le conseil avisé est signé Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances. Interrogé fin août à la rentrée du Medef, le patron de Bercy a été clair. Il souhaite que les patrons du secteur HCR accélèrent le tempo sur l’attractivité de la branche. Un message adressé aux acteurs d’une profession longtemps sous les feux des projecteurs durant la crise de la Covid, et largement aidés par le système de solidarité nationale. Alors, qu’importe la date de publication du dernier décret ministériel sur la nouvelle mouture de la classification des métiers de la convention collective, actée fin juin entre les organisations des salariés (mis à part la CGT) et le patronat (Umih1, GNI-HCR2, GNC3, SNRTC4) : mieux vaut déjà la prendre en compte, et même proposer plus que ce que prévoit la dernière grille des salaires, actée, elle, en avril 2021.

« Historique depuis 1997 ! »

Il y a urgence : sur fonds de fuite du personnel, de reprise de l’inflation mais aussi, et c’est une bonne chose, de l’activité – sur les chapeaux de roues avec le retour des touristes –, l’application de la nouvelle grille de classification des métiers est une étape importante pour un retour à l’éclaircie sur le front de l’emploi. « Elle est historique puisqu’elle n’avait pas été révisée ni modifiée depuis la création de la convention collective, en 1997 ! se réjouit le négociateur de la CFDT, Samuel Yim. Elle est vitale et doit aider la profession à retrouver des couleurs. » Le dossier est brûlant : selon la Dares, ils sont 450 000 à avoir quitté leur emploi entre février 2020 et février 2021. Un désamour lié à des conditions de travail difficiles (nuits, week-ends, coupures non payées…) pour des salaires à peine au niveau du Smic, sans intéressement ni prime de participation. Les besoins sont importants : en Île-de-France, les patrons de café et restaurant souhaitent recruter 13 645 serveurs cette année, c’est 50 % de plus que l’an dernier, selon la dernière enquête sur les besoins publiée par Pôle emploi. En France, entre 220 000 et 250 000 postes restent encore non pourvus dans le secteur HCR, et de fortes tensions existent, notamment dans les stations balnéaires et les grandes métropoles.

« Les minima de chaque échelon ont été revalorisés »

Concrètement, la nouvelle mouture de la convention ne règle pas tout – le Smic a entre-temps été augmenté de plus de 4 %, ce qui a rattrapé les efforts consentis par le patronat – mais elle apporte bien des avantages. Le premier d’entre eux : les évolutions de carrière, car les fiches de postes sont désormais mieux définies, avec cinq niveaux déclinés chacun en trois échelons, y compris désormais pour le niveau IV. « Grâce à la revalorisation de la grille des salaires, tous les minima, à chaque échelon, de la nouvelle grille des métiers ont été revalorisés », illustre Samuel Yim. Une mise à jour complète : « Désormais, les plus bas salaires peuvent espérer 7 à 8 % de plus », détaille-t-il. Malgré l’augmentation du Smic, qui a rattrapé l’échelon du premier niveau, le négociateur l’assure : « Le salarié doit tout de même constater en moyenne une augmentation de plus de 150 euros bruts sur sa fiche de paie. » Mais où regarder sur le bulletin ? « Il y a une ligne taux horaires sur la fiche de paie qu’il faut comparer avec deux nouvelles grilles : des salaires et des métiers. »

Avec ces deux changements de taille sur les salaires et les métiers du secteur, la progression salariale moyenne est de 16,33 %. La rémunération minimale, elle, doit être supérieure de 5 % au Smic. Une nouveauté attendue de longue date par toute la profession. À noter, toujours du côté des salariés : une grande partie des troupes, située au premier niveau salarial, peut obtenir une augmentation de 4,1 à 6 %, ce qui doit permettre d’atteindre au moins 11,01 euros de l’heure. La maîtrise et l’encadrement, moins nombreux et nettement moins bien rémunérés que dans d’autres secteurs, peuvent demander des hausses plus substantielles. Pour le plus haut niveau, elles sont comprises entre 9 et 23 %.

Un point des échanges qui était loin d’être gagné il y a un an. Fin novembre 2021, les organisations patronales du secteur avaient proposé une augmentation des salaires de 10,5 % en moyenne. Un chiffre trompeur selon tous les syndicats. Avec cette formule, avaient-ils fait valoir, les cadres auraient touché environ 20 % de plus sur leur salaire, alors que les salariés de chaînes auraient été augmentés de 3,5 %. « Il était donc urgent de replacer les compétences dans les bonnes cases de la grille de la convention », soulignent plusieurs syndicalistes. Sur ce terrain-là, le chantier a été conséquent : 74 métiers spécifiques de la profession ont été remis à leur juste place dans la grille. L’idée ? Montrer que des carrières sont possibles, et qu’il y a des chances de progresser en obtenant des formations au passage. Parmi les changements de taille, la prise en compte du temps de formation à l’école hôtelière, qui permet d’intégrer plus rapidement le premier échelon et de réaffirmer la reconnaissance et le positionnement des qualifications (certifications et diplômes) dans la branche. L’objectif : valoriser l’apprentissage au sein du secteur et attirer les jeunes dans les métiers et les formations qualifiantes puisque les apprentis doivent être positionnés dans la grille de classification sur le niveau 1 et classés, dans leur contrat, en fonction de leur âge et de leur ancienneté. « Tout cela réuni conduit à une augmentation de la valeur de la journée, même si le premier échelon n’équivaut pas toujours au Smic. Avec cette nouvelle grille, on prend quand même 50 centimes à plus de 1 euro par heure, selon les échelons », souligne un élu CFDT du groupe Gérard Joulie, un mastodonte du secteur, avec plus d’une dizaine de grandes brasseries parisiennes (Bouillon-Chartier, Congrès Maillot…). « Sur l’échelon 1, niveau V, on était à 13,36 euros bruts de l’heure. Aujourd’hui, on est à 17,50 euros l’heure travaillée, ce qui est conséquent. » Il l’assure : « Les entreprises des patrons qui jouent le jeu de la nouvelle convention collective fleurissent. Si l’ambiance est bonne, les serveurs s’impliquent plus dans l’entreprise. » Si ce n’est pas le cas, « alors, ça joue évidemment sur l’implication, dit-il. Les garçons partent chez la concurrence plus offrante, et l’entreprise perd de l’argent ». Un système « gagnant-gagnant » à l’heure ou « le rapport de force patron salarié s’est rééquilibré à l’avantage du dernier », décrit-il.

« Dans tous les cas, les entreprises peuvent déjà se baser sur la nouvelle grille dès qu’elles le souhaitent, et elles restent libres d’aller au-delà de ces minimums », insiste le secrétaire fédéral CGT commerce et service, Arnaud Chemain. S’il loue « une avancée par rapport à avant », son syndicat avait réclamé, en vain, « un minima de la grille à 2 000 euros par mois » pour les salariés de base. La raison d’une telle demande ? « La force de rebond extraordinaire de ce secteur, qui fait toujours du chiffre d’affaires », souligne-t-il.

Des patrons qui anticipent les augmentations

Le sujet a tout de même fait des petits… Premier à avoir franchi le cap, Louis Privat, taulier des Grands Buffets, à Narbonne, a déjà annoncé à ses 180 salariés qu’ils seraient augmentés « de plus de 30 % dès le mois de janvier 2023 ». Une annonce rare qui a provoqué « quelques remous dans la profession », et des départs en régions de salariés issus de l’Île-de-France, témoigne sous couvert d’anonymat le gérant d’une grande brasserie parisienne située à Montparnasse. « Les serveurs sont en position de force et parlent de plus en plus, entre eux et avec leurs responsables, d’augmentations et de leur juste place dans la nouvelle grille, explique-t-il. Ils veulent qu’elle corresponde à la réalité de leurs compétences. » Bref, dans le milieu, ceux qui ont fait des efforts plus conséquents sur les salaires n’ont pas subi la pénurie de main-d’œuvre.

Bien sûr, dans les faits, les dirigeants qui anticipent la publication du décret qui validera la nouvelle grille des classifications au Journal officiel se comptent sur les doigts d’une main. Mais ils sont désormais vivement encouragés à le faire par les organisations patronales. « Il faut être dans l’échange. Si le patron est progressiste et réceptif, s’il souhaite se mettre à jour pour gagner du temps et parce qu’il en a les moyens, tant mieux », souligne le président du groupement national des chaînes hôtelières (GNC-Umih), Jean-Virgile Crance. Prendre de l’avance sur le sujet peut en effet s’avérer bénéfique. Le responsable patronal poursuit : « La nouvelle grille de classification renforce l’attractivité de la branche, tant en matière de développement de l’emploi que de fidélisation des nouvelles et anciennes recrues. » Pour le salarié, elle est un repère, qui lui permet de connaître « clairement ce qu’il doit être capable de faire pour la fonction qu’il occupe ». Pour les managers, « sa mise en place clarifie les enjeux stratégiques d’un établissement à l’autre, sur chaque métier et assure une cohérence globale dans l’organisation », rappelle-t-il. C’est aussi « un outil pour le recrutement » : les définitions de fonction permettent de recruter sur un profil bien déterminé et de décrire le poste plus facilement. Ainsi, le cycle du processus de recrutement est plus rapide, l’attractivité de la branche renforcée, tant en matière de développement de l’emploi et de fidélisation, qu’en matière de formation professionnelle et de reconnaissance des qualifications. Mais cela suffira-t-il ? « Non » défendent en chœur les syndicats. Le secrétaire fédéral en charge du secteur des hôtels cafés restaurants FGTA-FO, Nabil Azzouz, le martèle : « Le volet rémunération est le seul à avoir été abordé, il reste encore beaucoup de marge de manœuvre pour l’amélioration des conditions de travail et de rémunération. »

La qualité de vie au travail encore sur la table

Les organisations syndicales et patronales se sont déjà donné rendez-vous le 3 octobre et le 11 novembre pour poursuivre leurs discussions. Au menu : la santé et la mutuelle, un sujet très tendu depuis que le patronat a fait marche arrière sur le niveau de leur part de prise en charge, le taux de rémunération du premier niveau de l’échelon, rattrapé par l’augmentation du Smic, et la qualité de vie au travail, dont fait partie le gros sujet de la non-rémunération des coupures entre deux services, du midi et du soir.

(1) Union des métiers et des industries de l’hôtellerie-restauration.

(2) Groupement national des indépendants des hôtels, cafés, restaurants.

(3) Groupement national des chaînes hôtelières.

(4) Syndicat national de la restauration thématique et commerciale.

Auteur

  • Maxime François