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Le bloc-notes

Le réveil social risque d'être douloureux

Le bloc-notes | publié le : 01.10.2001 | Raymond Soubie

L'actionnariat des salariés : une valeur de croissance.

La chute des marchés financiers va-t-elle entraîner une désaffection à l'égard de l'actionnariat des salariés et plus généralement de l'épargne salariale ? Ces formules ont connu jusqu'à maintenant un développement constant dans un contexte de forte croissance de la valeur des actions. Le gouvernement a fait récemment adopter une loi tendant à en étendre les bienfaits aux petites et moyennes entreprises.

Paradoxalement, il ne semble pas que la situation présente et les perspectives à quelques mois doivent compromettre gravement et durablement ce mouvement. N'oublions pas, d'abord, que les fonds sont bloqués cinq ans, sous réserve des cas de déblocage anticipé. Pour les salariés, les éventuelles pertes actuelles sont virtuelles, tant qu'ils ne peuvent pas réaliser les plus ou moins-values. Quand le délai de cinq ans vient à terme, il existe des possibilités techniques de prolongation. À moins d'être durablement très pessimiste, des plus-values subsisteront, dans la très grande majorité des entreprises. Ensuite, il existe un moyen simple, tant pour l'actionnariat salarié que d'ailleurs pour les stock-options, de répondre à l'inquiétude des salariés. De nouvelles opérations leur permettront d'acquérir des actions au cours déprimé actuel avec décote. Ils pourront ainsi lisser leur cours d'entrée dans le capital des sociétés. Ne dit-on pas qu'il faut acheter au son du canon ?

Enfin, et surtout, les raisons profondes qui poussent les entreprises à mettre en place de telles opérations demeurent. D'un côté, l'actionnariat des salariés et l'épargne salariale tout entière sont des éléments importants dans une politique globale de la rémunération de la performance, aujourd'hui au cœur de la gestion des ressources humaines. De l'autre, c'est un outil de compréhension par les salariés du fonctionnement des marchés et des problématiques de l'entreprise. Pour ces motifs, l'actionnariat des salariés comme l'épargne salariale et les stock-options vont continuer à se développer.

Climats.

Ces trois ou quatre dernières années, les Français auront renoué avec le bonheur. Au sortir d'un long tunnel dont ils ne voyaient plus l'issue – croissance économique nulle ou extrêmement ralentie, progression ininterrompue du chômage, marginalisation accrue d'une partie de la population –, voici qu'ils retrouvaient l'expansion, que la tendance du chômage s'inversait, que l'économie française devenait un formidable moteur à créer des emplois. Pour la première fois depuis longtemps, la majorité politique au pouvoir restait durablement sympathique. Certains prévoyaient la fin du chômage pour 2010. Grâce à la nouvelle économie, une génération d'entrepreneurs se levait. Sur le plan social, enfin, les 35 heures étaient accordées à tous les salariés comme un don de joyeux avènement.

Depuis quelque mois déjà, les nuages s'amoncelaient – fort ralentissement de la conjoncture aux États-Unis et en Allemagne –, mais les Français restaient confiants et continuaient à consommer. Début septembre, même si chacun savait que la croissance ralentissait, celle-ci paraissait devoir se poursuivre à un rythme sensiblement supérieur à celui des années 1991-1997. Avec les événements du 11 septembre, le scénario d'une reprise rapide est à écarter, même si celui d'une récession brutale n'est pas certain. Mais la croissance va être encore plus molle que prévu, faisant resurgir les problèmes endémiques de la société française : chômage plus élevé qu'ailleurs, retraites non financées dans l'avenir, déficit accru de la Sécurité sociale, et plus généralement des finances publiques, moins de « grain à moudre » dans les entreprises. Après l'espérance d'être sortis de la stagnation, le réveil social risque d'être douloureux.

Supplique.

Les candidats à la prochaine élection présidentielle en France fourbissent leurs armes et réfléchissent à leur programme. L'exercice habituel consiste à assurer, contre tout bon sens, que les politiques dans un seul pays peuvent réellement moduler la réalité économique et sociale, et à faire des promesses agréables aux oreilles des électeurs. Il en ira sans doute de même cette fois-ci avec le risque de décalage entre les discours et ce que requiert la situation. N'hésitons donc pas à faire quelques suggestions aux impétrants : traiter enfin le problème des retraites, réformer l'assurance maladie, définir les règles d'une négociation collective efficace et responsable, rendre la réforme en France cohérente avec ce qui se passe en Europe et ailleurs. Espérons que cette supplique sera entendue.

Auteur

  • Raymond Soubie