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Le bloc-notes

La seconde loi Aubry ne doit pas désavouer les accords conclus

Le bloc-notes | publié le : 01.06.1999 | Raymond Soubie

Une exigence : la communication sociale

Quelques-unes des négociations menées sur les 35 heures se heurtent ces temps-ci à un obstacle. Une fois l'accord avec les syndicats signé, ou sur le point de l'être, des mouvements sociaux imprévus fragilisent le compromis trouvé, soit tout simplement que le personnel ait été mal informé, soit plus profondément qu'il n'ait pas été mis en situation de s'approprier les enjeux. Comme si le dialogue avec les syndicats ne suffisait pas. Ce constat, on peut l'appliquer à tous les pans de la politique des ressources humaines dans l'entreprise qui impliquent un changement, surtout quand celui-ci modifie les conditions de travail des salariés : horaires, mobilité, gestion des compétences, conséquences de restructurations.

Pour pallier, ou même anticiper, cette difficulté, il n'y a qu'un moyen : développer une communication sociale adaptée, parallèlement aux négociations avec les syndicats et en accompagnement du processus de changement. Cette information ne passe pas par une action de communication globale, institutionnelle et « froide », mais par la mise en place de personnes relais dans l'entreprise, prises ou non dans la hiérarchie, qui réunissent le personnel, démultiplient et répondent aux questions concrètes. En ces temps de 35 heures, de restructurations, de fusions, de gestion des compétences, pour ne citer que ces quelques exemples, rien n'est plus nécessaire ni plus indissociable de la gestion des ressources humaines.

35 heures : l'approche de la seconde loi

La proximité du vote de la seconde loi sur les 35 heures et le cortège de prises de position politiques, syndicales et patronales qu'elle suscite ont un effet pervers sur le déroulement de certaines négociations en cours. Pourquoi se presser alors que, dans quelques semaines, on en saura plus sur la règle du jeu ? Pourquoi courir le risque de conclure des accords équilibrés, faits de concessions réciproques, dès lors que telle ou telle clause ne sera peut-être pas reconnue comme légale ?

Le danger est bien là. Les composantes verte et communiste de la majorité plurielle et quelques fractions socialistes de celle-ci souhaitent une loi plutôt contraignante, au risque de désavouer les négociateurs qui ont pris des risques au cours des dernières semaines.

Si les doctrinaires des créations d'emplois par les 35 heures et par la loi devaient l'emporter, ils prendraient une lourde responsabilité à l'égard des relations sociales et du niveau du chômage. Désavouer des accords conclus, alors qu'on avait appelé à la négociation collective, porterait durablement un grave tort à celle-ci. Ce serait la victoire de l'État jacobin d'autrefois sur un système décentralisé de régulation sociale par la négociation. En matière économique, ce serait un coup de frein à la croissance, alors que celle-ci crée actuellement en France des centaines de milliers d'emplois et qu'elle est seule – ou presque – à l'origine de la baisse du taux de chômage.

La solution serait de fixer par la loi un certain nombre de règles du jeu, quitte à en prévoir l'étalement dans le temps (contingent et taux des heures supplémentaires, repos compensateur, définition des régimes des différentes catégories de cadres, règles du smic). Puis de renvoyer à de nouvelles négociations pour leur application.

Charpin : le verbe et l'action

Le rapport Charpin sur les retraites a le mérite du talent et de la pédagogie collective. Il n'a point celui de l'originalité : tout ce qui y est dit était parfaitement connu depuis des années. Et tout ce qui n'y est pas dit ne l'était pas davantage auparavant : par exemple qu'il est absurde de vouloir d'un côté retarder l'âge de la retraite et de l'autre faire partir en retraite anticipée tant de salariés.

En vérité, deux questions subsistent et elles sont essentielles. Le gouvernement aura-t-il le courage de prendre des mesures ? Augmenter – modestement – le nombre d'annuités de cotisation dans le secteur privé ne devrait pas poser trop de problèmes. Mais il en va autrement de la réforme des régimes spéciaux du secteur public. Constat inquiétant qui aboutirait, s'il était confirmé, à un accroissement des inégalités.

L'autre question concerne les entreprises, mais aussi tous ceux – syndicats, personnels, administrations – qui sont complices. Est-il bien raisonnable, à l'occasion de situations particulières de restructurations, de faire partir en préretraite des salariés sans s'interroger auparavant sur les conditions de leur employabilité ?

Et de faire supporter à la collectivité et aux entreprises des déficits que l'on s'efforce par ailleurs de combler par une réforme des retraites ?

Auteur

  • Raymond Soubie