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Des cahiers des charges exigeants

Dossier | publié le : 01.04.2002 | A.-C. G.

Depuis l'été dernier, les grandes entreprises multiplient les appels d'offres pour mettre leurs projets d'« e-learning » sur les rails. Après une période de test, leur demande s'est affinée. Elles entrent désormais dans une phase de développement.

Ça y est, le mouvement est lancé ! Après une période d'euphorie, le marché de l'e-learning semble avoir atteint l'âge de raison. Les entreprises commencent en effet à se lancer dans des projets de formation en ligne dignes de ce nom. Depuis l'été 2001, les appels d'offres se succèdent. La Société générale, Air France, la SNCF, Monoprix, La Poste, La Mondiale, Casino, EDF-GDF et bien d'autres sont désormais dans les starting-blocks. Une tendance confirmée par la récente étude du cabinet Andersen sur l'état de l'e-learning en France. D'après ce sondage paru en février 2002, plus de la moitié (51 %) des entreprises interrogées ont mis en place une solution e-learning et, parmi celles qui ne l'ont pas encore fait, 92 % l'envisagent, dont 53 % à moyen terme. L'an dernier, à pareille époque, les entreprises françaises sondées par Andersen étaient bien plus timides : 11 % d'entre elles seulement avaient mis en œuvre une solution de formation utilisant des outils Internet ou intranet. De quoi faire trépigner d'impatience les fournisseurs de technologies et de contenus lancés dans la bataille depuis 1999 !

Plutôt que de se jeter à corps perdu dans les formations en ligne, les grandes entreprises ont procédé par étapes et multiplié les expérimentations pour identifier les coûts et les bénéfices de la formule. À Castorama, l'introduction de l'e-learning a débuté à la fin de l'année 2000 avec des formations à la bureautique. « Nous avons décidé d'y aller sur la pointe des pieds, car les réticences culturelles étaient fortes au sein de l'entreprise, notamment chez les chefs de service », reconnaît Philippe dos Santos, le responsable de la formation. Dans un premier temps, Castorama a ouvert un centre de ressources avec 12 ordinateurs PC, au siège de l'entreprise. L'enseigne envisage désormais de déployer le dispositif sur l'ensemble du territoire à la fin de cette année. Air France et Renault ont procédé quasiment de la même manière en ouvrant des centres de ressources équipés de PC. Le premier pour former ses collaborateurs à la bureautique. Le second pour aider les salariés à parler anglais et à préparer le test Toeic (test of english for international communication). À Roissy, au siège d'Air France, le cyberespace a été installé aux portes du restaurant d'entreprise et fait office de cybercafé le temps du déjeuner. D'ici à la fin de l'année, la compagnie aérienne compte équiper ses bureaux d'Orly avec un dispositif identique. Chez Renault, ce sont 110 bornes multimédias qui auront été installées d'ici là sur les différents sites de l'entreprise.

Les entreprises veulent garder la main

Parallèlement à ce genre d'expérimentations sur le terrain, des établissements financiers comme la Banque fédérale des Banques populaires ou encore la Société générale se sont équipés d'un laboratoire pour tester les technologies proposées par le marché. Afin de ne pas tomber sous le joug des prestataires, certaines directions de la formation n'ont pas hésité non plus à recruter un « Monsieur E-Learning ». La direction de la formation de La Poste, par exemple, s'est attaché les services d'un « pilote e-learning » il y a moins d'un an. « Sa mission est de faire la médiation entre les professionnels de la formation et les gens de l'informatique, mais aussi de promouvoir l'utilisation des TIC auprès des ingénieurs de formation », explique Alain Raguenaud, le directeur national de la formation.

Toutes ces expériences auront permis aux entreprises de se familiariser avec l'e-formation. « Aujourd'hui, les entreprises sont éduquées à l'e-learning et commencent à imposer leurs choix technologiques aux fournisseurs », souligne Gilles Freyssinet, directeur du Préau, cellule de veille sur les technologies de l'information et de la communication de la chambre de commerce et d'industrie de Paris. « Elles connaissent les outils dont elles ont besoin, se tiennent informées et ne choisissent plus les solutions technologiques par hasard », constate Jean-Christophe Dejongh, directeur général de SmartForce France, éditeur de contenus et fournisseur de logiciels et de services. Du coup, elles élaborent des cahiers des charges précis, souhaitant avoir la mainmise sur leur projet. Du contenu aux modalités de formation, tous leurs choix sont faits en fonction de la stratégie de l'entreprise.

« Dans le dispositif de formation, l'e-learning n'est qu'un outil parmi d'autres. On choisit d'intégrer des outils technologiques en fonction d'un contexte donné seulement s'ils s'avèrent utiles au processus de formation », explique Véronique Lorin, chargée de l'e-learning pour Renault au sein du département formation. Résultat : les entreprises ne se lancent pas de façon inconsidérée dans l'acquisition d'outils coûteux. La plupart optent pour des solutions de location, les ASP (application services provider). Dans son cahier des charges, la Société générale a poussé à l'extrême cette logique en attendant de ses prestataires qu'ils fournissent le matériel, les contenus, mais également les tuteurs. La Poste, qui dispose d'une plate-forme LMS (learning management system) pour administrer ses formations en ligne, a également choisi la location. « Certes, on paie une location, mais on dispose ainsi du top de la technologie et de la maintenance. Si on avait acheté un LMS, il aurait fallu l'entretenir. Et l'investissement de départ est trop lourd pour le moment. Nous devons encore réfléchir sur la place que doit prendre l'e-learning dans le processus de formation », souligne Alain Raguenaud.

Des programmes spécifiques aux métiers

Pour la mise en œuvre des formations, les entreprises ont également affiné leur demande. Plutôt que de privilégier le tout on line, elles revoient leurs prétentions à la baisse. « Les entreprises sont revenues ces derniers mois à l'ingénierie pédagogique, ajoute Gilles Freyssinet, du Préau. Elles se sont rendu compte, au fil des tests, que l'auto formation n'est pas tout et peut s'avérer inefficace, selon le public concerné ou la formation dispensée. » Castorama en a fait l'expérience lors de sa première tentative. « Nous n'avions pas mis en place de suivi des stagiaires par un tuteur. Les collaborateurs étaient seuls face à la machine. Après la troisième séance, les gens ne sont pas revenus », raconte Philippe dos Santos. Depuis, l'enseigne a réparé son erreur et une trentaine de tuteurs, choisis parmi les managers des services, consacrent une heure par mois à suivre la progression de leurs collaborateurs et à les motiver.

En conséquence, la majorité des projets développés comporte un mélange de formations à distance et de formations en salle. À la Caisse nationale des Caisses d'épargne, par exemple, le nouveau programme de formation Compétences Business Client (CBC) s'appuie sur les deux modes de formation. « La formation aux crédits aux particuliers commence par un diagnostic individuel suivi d'une période d'autoformation tutorée par le manager, précise Bernard Marsin, directeur de la formation du groupe. Une fois les connaissances acquises, les stagiaires se retrouvent pour une ou plusieurs séances de groupe animées par un formateur où ils approfondissent un ou plusieurs savoir-faire. La dernière étape consiste en une mise en situation sur le terrain. »

En matière de contenu, la demande des entreprises a également évolué. Jusqu'ici elles se contentaient de l'offre standard : langues et bureautique. Désormais, elles souhaitent dépasser le stade de ces formations génériques pour aller vers des programmes spécifiques à leurs métiers. La Caisse nationale des Caisses d'épargne a travaillé avec le créateur de contenus Animédia. Ce dernier a réalisé les 22 modules de la formation aux crédits aux particuliers du programme CBC. D'autres modules devraient être développés autour de la bancarisation et de l'épargne. De son côté, La Poste a mis en place en interne, depuis le début de l'année, une formation dans le domaine du courrier et de la lettre suivie, un produit propre à l'entreprise. Air France, qui s'est pour le moment cantonné à la bureautique, devrait bientôt élargir sa demande. D'ici à l'automne, l'entreprise compte ouvrir un « intranet métiers », notamment autour de SAP et de l'e-procurement.

Une nouvelle demande qui déroute les créateurs de contenus. « Ils n'ont pas une assise financière suffisante pour développer eux-mêmes ce type de formation, estime Gilles Freyssinet, du Préau. Les entreprises se gardent, du coup, l'exclusivité des contenus. » Elles ne sont pas prêtes à externaliser les formations aux métiers, jugées stratégiques. D'autant plus qu'elles les relient à la gestion et à la transmission des savoirs, le fameux knowledge management.

Auteur

  • A.-C. G.