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Les syndicats entrent dans la danse

Dossier | publié le : 01.06.2002 | A.-C.G.

Boostées par le nouveau cadre législatif, qui renforce le rôle de la négociation dans la mise en place de l'épargne salariale, quatre grandes centrales ont créé un comité intersyndical. Objectif : imposer leurs règles aux gestionnaires de fonds et aux entreprises.

« Je suis assailli d'appels téléphoniques de gestionnaires de fonds, confiait Michel Lamy, secrétaire national de la CFE-CGC, en avril dernier, au lendemain de la labellisation de trois produits * d'épargne par le tout nouveau Comité intersyndical de l'épargne salariale (Cies). Ils veulent tous savoir pourquoi leur offre n'a pas été retenue. » La short-list finale aura donc provoqué « quelques hoquets », selon les propres termes de Laurent Fabius, dans les rangs des 30 gestionnaires qui se sont vu recaler au soir du premier tour de l'appel d'offres du Cies. Pour être pris au sérieux, les quatre syndicats fondateurs du Cies (la CGT, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC) ont placé la barre très haut. Mais ils ont aussi lancé une session de rattrapage dont les résultats devraient tomber le 10 juin.

Depuis que la loi Fabius renforce le rôle de la négociation dans la mise en place et le suivi des dispositifs d'épargne salariale, les grandes confédérations se sont emparées d'un sujet qu'elles avaient jusqu'ici laissé aux bons soins de leurs militants dans les entreprises. En dehors de FO, historiquement hostile à l'idée d'un rapprochement entre le capital et le travail, elles ont réussi à s'entendre sur la création d'un comité intersyndical qui a pour vocation de labelliser les fonds et de contrôler l'argent des salariés ; de faire des syndicats des acteurs clés de l'épargne salariale. « Pour la CFDT, l'idée était de profiter de la loi qui donne aux syndicats de bonnes responsabilités et de faire de cet instrument un nouveau levier d'action », explique Nicolas Théry, membre du Cies. « Nous ne voulions pas non plus lâcher dans la nature un marché juteux et laisser les salariés seuls face à des professionnels de la finance », ajoute Michel Lamy. La CGT, hostile à la loi Fabius, adopte une attitude plus pragmatique. « À travers l'intersyndicale, nous voulons avant tout être utiles aux salariés et peser sur l'affectation des sommes de l'épargne », assure Bernard Saincy, de la CGT. Le Cies fixe en effet de nouvelles règles du jeu aux établissements financiers qui participent aux appels d'offres : ils doivent proposer le meilleur rapport qualité-prix sur les services, les frais de gestion et la tenue des comptes, promouvoir des instruments d'investissement socialement responsables et assurer que le conseil de surveillance des fonds soit composé majoritairement de représentants des salariés. « Si la plupart des propositions du premier appel d'offres étaient sérieuses, les gestionnaires n'ont pas su répondre à ces critères exclusifs », note Bernard Saincy. Concrètement, ils se sont fait recaler en proposant des conseils de surveillance paritaires, même lorsque la présidence revenait aux salariés, ou se sont pris les pieds dans le tapis en planchant sur le concept des fonds socialement responsables. Au Sgam (Société générale Asset Management), Jean-Baptiste Segard, le directeur de l'épargne salariale, reconnaît que son offre a péché sur ce point : « Les syndicats exigent des gestionnaires qu'ils aient des équipes internes dédiées aux fonds socialement responsables. Ce n'est pas notre cas. Nous faisons appel à deux cabinets externes qui notent les fonds en fonction de critères éthiques. Aujourd'hui, nous allons réfléchir à cette exigence et savoir si nous sommes prêts à investir dans ce sens. »

Définir le socialement responsable

BNP Paribas Épargne Entreprise a raté son examen de passage pour les mêmes raisons. « Nous sommes dans des domaines très subjectifs. Il faut définir ensemble les critères du socialement responsable tout en élaborant des produits qui satisfassent les salariés en matière de performance », explique son président, Jacques Cacheux. « Cette notion est en effet en pleine construction, reconnaît Michel Lamy à la CFE-CGC. Nous voulons créer une culture du socialement responsable chez les gestionnaires de fonds, mais aussi dans les entreprises et dans la société en général. Les agences de notation comme l'Arese ne sont pas une fin en soi, seulement un instrument utile. » La CGT va même un peu plus loin en avouant que sa démarche est clairement de « faire pression sur les opérateurs ». « C'est un de nos points de désaccord, note Marie-Suzie Pungier, secrétaire confédérale FO. Les syndicats veulent sélectionner les entreprises sur des critères très subjectifs. Qui est capable de dire aujourd'hui ce qu'est une entreprise socialement responsable ? Selon moi, ce ne sont sûrement pas des sociétés comme Axa et le Crédit lyonnais, dont les produits ont été les premiers à être labellisés par le Cies ! »

L'intersyndicale pourra juger de l'efficacité de sa démarche d'ici à un an. Le comité devrait se doter de moyens d'investigation pour diligenter des audits sur les fonds labellisés et voir s'ils ont répondu à ses attentes. Pour les syndicats, le gros du travail consiste maintenant à décider la base de choisir les produits labellisés pour négocier ou renégocier les accords sur l'épargne. « Il va falloir remuer nos troupes, admet Michel Lamy. Notre tâche est aujourd'hui de changer les habitudes des délégués syndicaux. Dans les grandes entreprises, ils ont appris à travailler avec des gestionnaires de fonds. Nous devons les convaincre de renégocier les contrats sur la base des produits d'épargne que nous mettons en avant. Là, il va y avoir des grincements de dents. » Les quatre confédérations entrent désormais dans une phase de communication intense pour former leurs troupes et transformer l'essai en s'imposant comme un acteur majeur du débat sur l'épargne salariale.

* Axa Génération, d'Axa Investment Managers, Pacteo Label, du Crédit lyonnais Asset Management, et Horizon Solidarité, de Prado Épargne.

Auteur

  • A.-C.G.

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