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Le bloc-notes

Le dialogue social ne permet pas d'aller vite

Le bloc-notes | publié le : 01.06.2002 | Raymond Soubie

Dialogue social : le fond et la forme

Le gouvernement Raffarin est chargé de la mise en œuvre d'une des trois dispositions clés du programme de Jacques Chirac : le dialogue social.

En première analyse, la mission, si elle n'est pas simple, n'est sans doute pas la plus difficile. Ces dernières années marquées plutôt par un social-étatisme, les difficultés rencontrées par la refondation sociale, la mauvaise humeur manifestée par les syndicats sur la méthode suivie en matière de réforme par l'équipe précédente sont, par contraste, des atouts pour la réussite du processus en cours.

Pour autant, il ne faut pas minimiser les embûches de la démarche. Le Premier ministre dit vouloir aller au galop, mais l'allure du dialogue social, en tout cas sur des sujets d'importance nationale, ressemble plutôt à celle de la tortue. On ne peut, en matière contractuelle, sauf circonstances exceptionnelles, aller vite et fort. Les divisions entre syndicats, l'affaiblissement relatif de ceux-ci dans le secteur privé, le départ de Nicole Notat de la CFDT, quelles que soient les qualités de son successeur, la perspective des élections prud'homales en décembre prochain ne vont pas inciter les organisations à prendre trop de risques.

Dans ce contexte, quelle méthode paraît la mieux adaptée ? Sans doute trouver d'abord un consensus sur la méthode elle-même. Un accord sur les sujets, la méthode, le calendrier, serait déjà un réel succès tant il est vrai qu'en matière sociale la forme compte parfois presque autant que le fond.

Syndicalisme et représentativité

Le débat lancé sur le seuil de représentativité qui serait exigé des syndicats signataires dans un accord pour que celui-ci soit valide n'est pas près de retomber.

Une partie des syndicats – la CGT et la CFDT – va dans un sens, les autres s'y opposent. Les uns espèrent donner plus de légitimité aux accords collectifs du travail en les subordonnant à un minimum de représentativité des signataires. Les autres craignent qu'une telle réforme ne donne un vrai pouvoir de veto à une ou deux organisations et paralyse un dialogue que l'on voudrait par ailleurs favoriser. Certes, ils reconnaissent que le comportement à terme des centrales pourrait évoluer mais appréhendent les dégâts collatéraux à court terme. Les mêmes, sans le dire, redoutent aussi les conséquences mécaniques d'une telle disposition : la diminution du nombre des organisations représentatives en France.

Comme souvent, le débat ainsi posé n'est pas parfaitement clair. Ainsi, en matière d'accords, lesquels vise-t-on ? Tous, ou simplement ceux ayant une importance particulière, par exemple parce qu'ils pourraient déroger à des dispositions du Code du travail ? Si la mesure était générale, elle serait sans doute excessive et risquerait en effet de paralyser durablement tout dialogue dans un grand nombre d'entreprises. Limitée à quelques sujets majeurs, elle serait en revanche nécessaire.

Autre ambiguïté : qu'entend-on par seuil de représentativité ? Les syndicats signataires doivent-ils avoir obtenu plus de la moitié des suffrages exprimés au cours des dernières élections professionnelles ? Dans le principe et à terme, sans doute ; mais, pour éviter l'effet mécanique qui rendrait dans l'instant plus difficile la conclusion d'accords collectifs, il serait préférable de procéder par étapes et de fixer, par exemple pour trois à cinq ans, un seuil minimal de 20 à 30 %. Après, on aviserait en fonction des résultats.

Ironie de la situation : une telle réforme ne peut aboutir par le seul dialogue social. Les politiques devront prendre leurs responsabilités, par exemple en indiquant par avance qu'ils se rallieraient à une réforme acceptée par les syndicats ayant ensemble un seuil minimal de représentativité. Mais oseront-ils ?

Climats

Le climat social risque d'être un vrai souci pour le nouveau gouvernement, surtout si ce dernier entend mener à bien et rapidement son programme de réformes. La période de grâce donnée habituellement en guise de joyeux avènement risque d'être de courte durée.

Les agitations sectorielles, les résistances au changement, la désaffection à l'égard des corps intermédiaires, et surtout le foyer permanent de risque qu'est le secteur public, pourraient bien troubler les prochains mois.

Gouverner la France, notamment en matière sociale, est décidément une tâche difficile, même si, paradoxalement, la gestion des ressources humaines par les entrepreneurs est généralement appréciée des salariés.

Auteur

  • Raymond Soubie