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Un remède à la solitude du dirigeant

Dossier | publié le : 01.11.2002 | I. M.

Face à une décision difficile, à un problème de leadership ou de confiance en soi, certains dirigeants font appel à un coach. Un accompagnement sur mesure qui peut alors durer un an.

« Tous les collaborateurs du groupe ont un entretien annuel d'évaluation, sauf le directeur général », déplorait récemment Daniel Lebègue, à la tête de la Caisse des dépôts et consignations, qui émet le vœu que les patrons d'entreprises publiques puissent avoir une fois par an un entretien de ce type avec leur ministre de tutelle. Lorsque l'on dirige, estime ce grand commis de l'État, non seulement « on est confronté au risque de ne plus avoir de conseils, de contrôle ou de critiques, mais en plus on risque de ne pas être reconnu. Or un dirigeant a aussi besoin de reconnaissance… »

La solitude des dirigeants n'est pas une légende. Mais peu osent ou aiment en parler. Pourquoi ? Parce que « le mythe du dirigeant infaillible est encore là. Or il est difficile de diriger », explique Catherine Chambon, coach chez Eurogroup Consulting. Difficile aussi de se confier à un cadre dirigeant ou à un actionnaire, de savoir si la décision prise est la bonne, etc. « La fonction de dirigeant est telle qu'il ne peut pas partager ses doutes », indique Paule Boury-Giroud, coach des états-majors chez Mediator International. Si la plupart des numéros un des grandes entreprises ont dans leur staff « des mentors, des éminences grises ou des conseillers particuliers », souligne Francis Girard, coach spécialisé pour les dirigeants chez Leroy Consultants, d'autres optent pour le coaching. « Et notre rôle, poursuit ce dernier, est d'être au service de l'autonomie de la personne. Nous aidons l'autre à accéder à ses ressources. Car le coaché a toujours la solution. » Cette discipline – où le conseil n'a pas sa place – séduit de plus en plus les dirigeants. Même s'il est vrai qu'on « ne dit pas toujours facilement que l'on s'est fait cocher », note Yves Lebedel, directeur général de l'Institut français du coaching. « Si le dirigeant est en difficulté, reconnaît Daniel Cohen, président de Mediator International, il le vit mal. Il a peur que cela s'ébruite. » Pourtant, le coaching commence à entrer dans les mœurs. Et, dans ces cas-là, « le bouche-à-oreille fonctionne », constate Daniel Cohen.

On n'en sort pas indemne

Les dirigeants font appel à un coach lorsqu'ils doivent « bâtir de nouvelles stratégies, lors d'une fusion ou d'une nouvelle prise de poste », explique Catherine Chambon. Mais ils se font aussi coacher lorsqu'ils « ont un problème de synthèse, de leadership, ou plus simplement de courage. Il arrive aussi qu'ils manquent de confiance en eux », complète Daniel Cohen. C'était le cas de Philippe Hostache, directeur général de AL-KO SA, filiale française d'un équipementier automobile allemand. « Lorsque j'ai pris mes fonctions, rappelle-t-il, je manquais complètement d'assurance. C'était mon premier poste de direction générale. C'est pourquoi j'ai décidé de me faire coacher. Et, en face de moi, j'ai eu une personne qui a porté un regard extérieur à l'entreprise, une sorte de miroir déformant, amplificateur. Cela m'a énormément aidé. J'ai gagné en confiance. »

Directeur du marketing et de l'international chez Force Limagrain SA, une filiale de Limagrain installée dans l'Isère, Dominique Amilien est, lui aussi, très positif sur l'expérience qu'il a vécue il y a un an : « C'était très riche car, en face de moi, j'ai eu un coach qui a su m'écouter et m'a permis de mieux me connaître. En fait, c'était un cas pratique en direct. Au fil des séances, je me suis aperçu que ma situation personnelle n'était pas unique et j'ai trouvé une aide à la réflexion, pour trouver des solutions. J'ai eu un retour plutôt positif de mes patrons. » De ce processus, on ne sort pas indemne. « C'est une véritable remise en question de soi », reconnaît Dominique Amilien. Et Philippe Hostache de renchérir : « On donne de sa personne. On se déshabille devant le coach. » De fait, note Francis Colnot, coach associé à l'Institut français du coaching, « on n'a plus affaire à une machine ». Pendant une période de six à douze mois, le dirigeant se confie, exprime ses émotions et peut installer une relation de confiance avec son coach. « Nous sommes une chambre de décompression pour les dirigeants. Nous faisons du sur-mesure », explique Paule Boury-Giroud.

En général, les dirigeants qui ont vécu positivement une expérience de coaching s'en font les ambassadeurs. Évelyne Reybard est de ceux-là. Ancienne DRH de la SCIC, elle est aujourd'hui directrice de la gestion des cadres à haut potentiel à la CDC. Après avoir fait faire un « 360° » à la centaine de cadres à haut potentiel de la maison, elle leur a proposé du coaching. Une minirévolution dans la maison. À ce jour, une dizaine d'entre eux ont décidé de tenter l'aventure. Même engouement chez Didier Morfoisse, ex-DRH de Siemens France, nouvellement arrivé aux commandes des ressources humaines de Chanel. Il avait tenté l'expérience lorsqu'il était DRH de Dumez, avant de récidiver chez Siemens en l'intégrant même « dans l'offre sociale que propose l'entreprise aux salariés ».

De plus en plus répandu, étendu aux comités de direction, le coaching est-il une démarche incontournable pour tout dirigeant qui se respecte ? « Tout le monde gagnerait à essayer car, pour moi, c'est un accompagnement indispensable », répond Didier Morfoisse. Il reste que le coaching ne répond pas à tout. « Il arrive qu'au bout de trois séances une personne claque la porte, note Paule Boury-Giroud. On n'a pas de télécommande sur l'autre. » Mais l'échec fait aussi partie du job de coach.

Deux patrons, un coach

À la fin de l'année 2000, les médias se font l'écho d'une crise aiguë entre la CDC et les Caisses d'épargne autour du dossier de la Caisse nationale de prévoyance (CNP), dont elles sont toutes les deux actionnaires. Daniel Lebègue, le directeur général de la Caisse des dépôts, et Charles Milhaud, son homologue des Caisses d'épargne, s'affrontent durement et finissent par ne plus se parler. La guerre est en vue… Mais c'était sans compter sur la volonté de Daniel Lebègue de réconcilier les deux maisons qui entretiennent des relations privilégiées de longue date. Et sur l'intervention d'un personnage extérieur à l'affaire, le Québécois Michel Bernier, consultant à la Sécor et parfois qualifié de « Casque bleu », se souvient Daniel Lebègue. Connu Rue de Lille pour avoir aidé la CDC à créer son université, le go-between proposé par Daniel Lebègue pour désamorcer le conflit est accepté par Charles Milhaud. Pendant cinq mois, cet entremetteur, ce facilitateur, a rencontré les patrons des deux entreprises, souvent accompagnés d'un collaborateur, n'hésitant parfois pas à discuter avec l'un ou l'autre en tête à tête ; une forme de coaching. « C'était un confident, explique le DG de la Rue de Lille, il favorisait la convergence de vues et éliminait les malentendus et les non-dits. » Et cela a marché. Pour preuve, Eulia, holding née du rapprochement des deux entreprises et coprésidée par Daniel Lebègue et Charles Milhaud, vient de souffler sa première bougie. « On ne devrait pas avoir ce type de démarche uniquement dans des moments de crise », estime Daniel Lebègue, très pragmatique.

Auteur

  • I. M.