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Des chantiers complexes

Dossier | publié le : 01.03.2003 | V.Q.

Les progiciels de gestion intégrée ont le vent en poupe. Et pour cause : ces systèmes, qui assurent une mise à jour en temps réel de la situation de l'entreprise, sont très performants. Mais leur implantation est une opération longue et coûteuse.

Un véritable « Big Bang des process » dans les services RH, mais aussi dans les services financiers, comptables et la production. C'est par ce phénomène astronomique que Bertrand Helen, responsable de l'offre RH de SAP, décrit l'implantation, dans une entreprise, d'un progiciel de gestion intégrée (PGI) ou ERP. Une opération délicate, laborieuse, longue et coûteuse, reconnaît Yves Normand, DRH adjoint de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Mais, pour ce fervent adepte de la gestion intégrée, ce n'est que l'envers de la médaille. « Traditionnellement, les outils informatiques traitent les fonctions une à une. Avec un progiciel de gestion intégrée, si le service paie introduit un élément dans l'outil, il impacte en temps réel le budget et la comptabilité. Toute erreur est répercutée d'amont en aval. Il faut avoir conscience qu'on travaille ensemble, et non pas pour un seul service. Mais quand tout marche bien, l'entreprise dispose de situations actualisées immédiatement. » Voici plus de trois ans que l'IRSN a opté pour l'ERP de SAP, privilégiant cet éditeur parce qu'il dispose d'une solution pour les établissements publics : « En préambule, nous avions décidé de ne pas faire de développement spécifique. Les métiers d'achat-vente, finance et RH qui n'existaient pas encore ont pu être organisés de manière concomitante avec la mise en place des processus », indique Bruno Dufer, chef de projet SAP de 1999 à 2001 à l'institut. Malgré cela, l'apprentissage s'est parfois déroulé dans la douleur. « La phase d'itération est très longue, souligne Yves Normand, le DRH. La vraie difficulté, quand on ne fait pas de développement spécifique, c'est de penser à travailler ensemble. L'outil fonctionne en mode binaire : il exécute ce qu'on lui indique mais non ce qu'on a oublié de lui dire. C'est la raison pour laquelle, lors de la première année, nous avons passé beaucoup de temps à récupérer les erreurs et à analyser les fonctionnements. »

L'intranet en libre-service, terriblement tendance

Comme les premières formations à l'utilisation de ce nouveau système se sont déroulées, faute de temps, « à la hussarde », le DRH envisage d'organiser cette année des séminaires fondés sur des retours d'expérience : « D'un bureau à l'autre, les gens ont découvert des astuces, mais cette connaissance n'est pas suffisamment partagée. » Pas question, en revanche, de mettre en place un intranet de libre-service, pourtant terriblement tendance. « Cela ne correspond pas à un réel besoin de l'entreprise », tranche Yves Normand. « Le choix de la technologie, précise le consultant Bernard Mercier, du cabinet Cedar, dépend de la taille de l'entreprise, du caractère ambitieux du projet en gestion de ressources humaines, de sa couverture nationale ou internationale, mais aussi des standards plus ou moins avancés. » L'argument vaut également quand il s'agit d'opter pour un progiciel plutôt que pour un autre : « Si l'architecture est ancienne, passer à une infrastructure PeopleSoft représente un surcoût, poursuit-il. A contrario, si l'entreprise est dans un environnement e-business, il est difficile de revenir à une solution de type HR Access d'IBM. » Des propos qui font naturellement réagir Marc Garrido, directeur enterprise resources solutions chez IBM Business Consulting Services, citant notamment le cas de PSA, utilisateur de SAP, qui a opté pour les services Web du groupe américain.

À la Société générale, le produit de PeopleSoft s'est imposé « parce qu'il s'intégrait dans l'architecture de la banque », précise Patrick Chaussé, responsable du Sirh de la banque. En revanche, sa filiale Crédit du Nord, dont le projet était plus avancé, a choisi HR Access d'IBM (voir page 67). Difficile de toujours connaître les raisons qui ont amené une entreprise à renoncer à l'installation d'un produit et à préférer l'un de ses concurrents. « Tous les outils ne se sont pas encore stabilisés », observe Bernard Mercier, de Cedar. D'autant que les deux dernières années ont vu l'apparition de nombreuses fonctionnalités dont les développements sont encore en cours. Les outils d'évaluation et de gestion de notes de frais déjà intégrés chez SAP, PeopleSoft ou encore Oracle seront développés par ADP dans le courant de l'année. Par ailleurs, le spécialiste de l'externalisation va innover un système de badgeuse à reconnaissance vocale, en partenariat avec France Télécom.

Des modules laissés en jachère

De leur côté, SAP et Oracle vont notamment axer leurs développements sur les modules de recrutement. Ces deux éditeurs peaufinent des outils de gestion de la rémunération mais aussi de la performance qui ont un air de ressemblance avec les solutions de pilotage envisagées par PeopleSoft. « Les scénarios que la solution va simuler pourront servir d'appui à l'analyse de la rémunération, explique Maria-Christina Lowe, responsable marketing de PeopleSoft. Le DRH pourra ainsi vérifier que le salaire alloué à tel poste se trouve bien dans la fourchette du marché. » Pour Ségolène Finet, responsable de l'offre PeopleSoft RH en Europe, ces outils d'analyse constituent la troisième phase d'un Sirh, après la gestion des processus (administration et paie) puis la mise en place d'un libre-service pour les collaborateurs (gestion des congés, des performances, évaluations…). « En général, les entreprises qui ont acheté une licence pour un ERP commencent par mettre en œuvre le module réservé à la paie et à la gestion administrative, relève Bernard Mercier. Ce qui demande un tel travail que le chantier s'arrête souvent à ce moment-là. C'est dommage, parce que ce sont les autres fonctionnalités qui garantissent le retour sur investissement. » La gestion du temps et des activités (GTA) fait parfois partie de ces modules laissés en jachère. Non pas qu'elle soit jugée sans intérêt, mais parce qu'il existe des solutions plus performantes (TempoSoft, Chronotique…) complémentaires aux ERP.

Conscients de ces problèmes d'interface, certains éditeurs s'allient de manière à assurer à leurs clients la compatibilité de leurs solutions. Mais un grand nombre de ces partenariats sont impulsés par les entreprises elles-mêmes. Ainsi, PeopleSoft note qu'une partie des ses clients a confié la gestion de la paie au prestataire ADP. L'alliance entre Oracle et Arès est, quant à elle, plus formalisée. L'outil HRMS du premier, qui intègre le moteur de paie Arcole du second, a notamment été adopté par l'enseigne Celio. « Dès le début, on ne voulait pas perdre de temps avec les interfaces », indique Wolfgang Welti, responsable RH pour l'administration du personnel en Europe. Après avoir un temps cédé à la facilité de l'externalisation, la chaîne de magasins a rapatrié la gestion de la paie à demeure en 1999 : « En récupérant la paie, nous voulions être plus réactifs, justifie Wolfgang Welti. Nous désirions, par exemple, redistribuer plus facilement une partie du chiffre d'affaires réalisé dans le mois. C'est un élément important, une source de motivation pour les vendeurs. »

L'hypothèse de l'externalisation a également été écartée chez Bouygues Construction : « Nous avons considéré que le système de rémunération était un élément de paix sociale », insiste Yves Laqueille, DRH de Bouygues Construction chargé de la rémunération et des carrières. Le fait d'assumer cette responsabilité en interne est important. » Résultat, le Sirh développé par l'équipe interne en collaboration avec IBM a été baptisé « Rubis ».Un clin d'œil volontaire à l'expression « être payé rubis sur l'ongle ». Rubis n'intègre pas l'ensemble des collaborateurs lointains, pour des raisons d'ordre réglementaire. Car ces données varient selon les us et coutumes des pays : alors que l'appartenance ethnique du collaborateur est spécifiée aux États-Unis, ce type de mention est formellement prohibé en France. Tandis que dans l'Hexagone le régime de Sécurité sociale occupe plusieurs lignes sur la fiche de salaire. Autant de spécificités qui font de la gestion de la paie un vrai casse-tête pour toute multinationale.

1 500 connexions par mois à Rubis RH

Difficulté supplémentaire pour Bouygues Construction, le spécialiste du BTP a été le premier de son secteur à intégrer HR Access, ce qui l'a obligé à développer nombre de spécificités. Au regard du coût en maintenance, David Shirel, chargé du Sirh de Bouygues Construction, laisse entendre qu'il aurait peut-être mieux valu modifier les procédures internes de l'entreprise… Pas de quoi, pour autant, décourager cette petite équipe qui se réjouit d'enregistrer une moyenne de 1 500 connexions par mois à Rubis RH. Après avoir mis en place, entre autres, la planification des congés pour les salariés, un outil d'aide à la décision à l'adresse des managers, la DRH met en chantier un référentiel de compétences. Un type de développement également envisagé par l'IRSN.

Après deux ans d'utilisation de l'offre RH de SAP, Yves Normand estime que la performance de l'outil est indéniable. Mais il mesure aussi le temps que réclame une telle évolution culturelle : « Au début de la carte Bleue, on avait peur de la voir disparaître dans le distributeur. Aujourd'hui, on hésite à prendre de l'information dans SAP parce qu'on ne sait pas d'où ça sort. Alors on vérifie sur Excel… »

Auteur

  • V.Q.