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Le bloc-notes

En avril, ne te découvre pas d'un fil

Le bloc-notes | publié le : 01.04.2003 | Raymond Soubie

Retraites : une haie d'obstacles

Dans sa conduite de la réforme des retraites, le gouvernement a deux choix à faire, celui du calibrage des mesures et celui de leur calendrier d'annonce.

Sur le premier point, il peut privilégier – ou non – un schéma modeste, mais socialement moins risqué, qui consisterait à prendre sur-le-champ des mesures dans la seule fonction publique, renvoyant à une autre étape des dispositions englobant à la fois le privé et le public.

Sur le second point, le calendrier, le Premier ministre a annoncé au Conseil économique et social début février qu'en avril il dévoilerait ses intentions, consulterait à leur sujet et arrêterait en mai le projet de loi à soumettre au Parlement. Reste à déterminer l'annonce d'avril. S'agira-t-il – encore – de principes généraux ou déjà de mesures concrètes ? En vérité, le gouvernement semble, avec quelque succès jusqu'ici, vouloir échapper à ce choix en révélant par touches successives, quasi subliminales, ses projets. Comme s'il souhaitait que le jour de l'annonce, en avril ou en mai, tout soit déjà clair et l'obstacle social franchi. Mais, dira-t-on, que devient le dialogue social dans tout ceci ? Il faut se rendre à l'évidence : sur un sujet aussi sensible, les syndicats ne sont sûrement pas prêts à signer un accord en bonne et due forme, ce qui reviendrait pour eux à accepter un partage de la responsabilité politique de la réforme. Il s'agit donc de négociations en vue simplement de faire converger des points de vue.

Jusqu'ici, l'affaire est plutôt bien partie. Mais l'environnement social se dégrade pour les raisons que l'on sait. Plus le temps passe, plus la manœuvre sera sans doute difficile.

L'éternel retour

La négociation interprofessionnelle sur l'emploi nous ramène au temps reculé où les partenaires sociaux occupaient totalement un champ repris depuis par l'exécutif et le législatif. Le sujet choisi est épineux, surtout dans une période de ralentissement de la croissance et de plans sociaux. Les partenaires sociaux ont pris la mesure de ce risque. Ils ont décidé de s'inspirer, pour la suite de leur réflexion commune, des bonnes ou mauvaises pratiques qui existent aujourd'hui dans notre pays, notamment en matière de traitement social du chômage et plus encore d'actions de prévention.

Les entreprises aujourd'hui restructurent tout au long de leur vie. Ni le droit ni les mentalités ne sont adaptés à cette réalité. Partir de ce qui se fait de mieux est sûrement le moyen d'aboutir à des méthodes et des mesures concrètes qui, jusqu'ici, ne profitent qu'à une toute petite partie des salariés français.

Climats

Le climat social se dégrade, nous dit-on. Mais qu'entend-on par là ? S'agit-il d'une poussée de conflits ou d'une simple morosité ambiante aux conséquences plus économiques et politiques que sociales ? Incontestablement, le ralentissement de la croissance avec son cortège d'effets sur les déficits publics et l'emploi enlève des marges de manœuvre au gouvernement et au pays tout entier.

Les réformes annoncées, comme celle des retraites, sont ardues et, en face, le gouvernement peut difficilement aligner des mesures positives dans d'autres domaines. Une situation qui se dégrade, donc, mais de vrais et durs conflits, point encore. L'expérience passée prouve d'ailleurs que, dans ces périodes, le secteur public est le seul à pouvoir se les permettre. Quand ces conflits éclatent, c'est moins sur un mot d'ordre syndical que sous la pression de la base, pour une raison, ou plutôt une série de raisons non réellement prévisibles. Ne nous livrons donc pas à un exercice de météorologie sociale. Notons simplement qu'à partir d'avril la concentration dans la fonction publique de risques liés aux retraites, mais aussi aux salaires et à la décentralisation, pourrait créer une masse critique, mais rien n'est moins sûr.

L'essentiel est ailleurs : dans l'esprit public. Les Français avaient vécu les dernières années comme celles de la sortie de ce qu'ils appelaient improprement la « crise ». La croissance était revenue et, avec elle, les créations d'emplois massives, l'abandon de la rigueur, pour tout dire l'optimisme. Pour un peu, ces mêmes Français se croiraient revenus dans les années grises. Ils n'en sont pas encore certains mais ils se posent la question. C'est pourquoi 2003 et 2004 seront si importantes. D'elles dépend que le pessimisme l'emporte ou que le malaise soit passager. D'elles dépend – ou non – un certain air de printemps qui favorise si bien l'esprit d'entreprise et le climat social.

Auteur

  • Raymond Soubie