logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Un marché qui suscite des appétits

Dossier | publié le : 01.05.2004 | C.L.

Image

Un marché qui suscite des appétits

Crédit photo C.L.

Reconstitution de carrières, simulations personnalisées, audit complet… la loi Fillon va booster le marché de l'information et du conseil sur la retraite. Les prestataires privés prennent leur marques et offrent d'ores et déjà toute une palette de services plus ou moins élaborés.

Michel Renardier se frotte les mains. « Nous allons multiplier par 10 notre chiffre d'affaires en quatre ans », affirme le directeur de Retraite Assistance, un opérateur privé employant une dizaine de salariés, actif depuis dix-sept ans sur le marché des bilans de carrière, du conseil personnalisé et de la liquidation des retraites. Loin de s'estimer pénalisés par les dispositions de la loi Fillon en matière d'information, la poignée de spécialistes de l'info retraite s'attendent même à une forte expansion de leur activité, en dépit de l'arrivée de nouveaux acteurs. Car la loi Fillon fait émerger un marché jusqu'alors embryonnaire et lui confère une légitimité. Jusqu'à présent, peu de personnes avaient l'idée de faire faire un bilan de retraite, ne sachant d'ailleurs pas à quelle porte frapper.

En outre, les prestataires spécialisés se positionnent déjà en complément du service public. « Le groupement d'intérêt public qui va être créé s'adressera au plus grand nombre. Il offrira un service minimal. Les cas compliqués ne seront pas traités », fait valoir Yann Boaretto, président de FranceRetraite, une filiale de la Caisse des dépôts créée en 1998 qui compte une dizaine de salariés. Les opérateurs privés ont également le temps pour eux. « Les systèmes de retraite sont complexes et les informations difficiles à agréger. La mise en place du dispositif public va prendre du temps. Compte tenu des nombreux départs à la retraite, il risque d'être vite submergé », juge Marie-Claude Labrune, directrice épargne et prévoyance du courtier d'assurances SPB qui commercialise un diagnostic de retraite depuis le début de l'année.

Quels sont les services auxquels les particuliers peuvent aujourd'hui prétendre en faisant appel à des opérateurs privés ? Ces derniers réalisent un « état des lieux » complet permettant de connaître ses droits acquis à un moment donné de sa carrière et de se projeter à l'horizon de la retraite. Tout leur savoir-faire consiste à réunir et à mettre en perspective des informations disparates, difficiles à obtenir et à synthétiser individuellement. Pour ce faire, ils s'appuient sur des logiciels puissants, têtes chercheuses qui intègrent et traitent la multitude de données relatives à la carrière passée, y compris celles liées aux réformes déjà connues, calculent le montant des allocations de retraite en fonction de l'âge de départ envisagé et prévoient les réactualisations sur une base annuelle.

La collecte d'infos, un marathon fastidieux

Cette assistance peut prendre la forme d'une simulation personnalisée des droits à la retraite (régimes de base et complémentaires). Ce genre de service est proposé par SPB par l'intermédiaire des banques, des sociétés d'assurance et des entreprises. À charge pour elles de l'offrir qui à leurs clients, qui à leurs salariés. Un conseiller, spécialiste de la retraite, réalise cette simulation entièrement par téléphone à partir des informations fournies par le particulier, incluant l'ensemble des éléments de sa vie professionnelle (changements d'employeur, de statut, de caisse de retraite, périodes d'inactivité, chômage…). À l'occasion de la restitution, le conseiller donne des informations sur la fiscalité, les réformes, des conseils sur les dispositions à prendre, notamment l'effort d'épargne à réaliser, sans qu'il soit pour autant proposé le moindre produit financier. « Ce service est plutôt destiné aux actifs de 35 à 50 ans soucieux de commencer à y voir clair et à réfléchir à des solutions », précise Marie-Claude Labrune. Il est commercialisé par BNP Paribas depuis janvier 2004 à un prix très compétitif puisqu'il coûte seulement 20 euros par an, SPB faisant un pari de masse.

Plus exhaustif, le bilan de retraite proposé par SPB, Retraite Assistance ou FranceRetraite est une reconstitution personnelle de carrière incluant toutes les démarches nécessaires auprès des différents organismes pour collecter l'information et déterminer les droits existants. Les sociétés sont mandatées par le particulier pour faire les démarches de collecte auprès des caisses, car le marathon est long et fastidieux. « Il faut compter de deux à six mois pour faire un bilan de retraite, une durée qui tient compte du délai de réponse des caisses et des spécificités des nombreuses caisses qui ont des critères variables et des modes de calcul différents, explique Michel Renardier, de Retraite Assistance. Par exemple, elles comptent différemment le nombre d'enfants à charge. »

Ce bilan est conseillé à tous les actifs, mais il est plus particulièrement destiné aux personnes de plus de 50 ans soucieuses de mettre leur dossier à jour et d'établir avec précision leurs droits à la retraite et de prendre d'éventuelles dispositions. En fonction de différentes hypothèses, il permet, en effet, de déterminer la période où les droits à temps plein seront atteints, la retraite déjà acquise et celle restant à acquérir, l'estimation des pensions, y compris celle qui reviendra au conjoint en cas de décès, le calcul de l'âge optimisé de départ. À partir d'un processus de base relativement proche, les acteurs en présence proposent un service plus ou moins élaboré.

Des prestations de 50 à 2 000 euros

FranceRetraite réalise, pour 200 euros, un dossier personnel de retraite suivi par un même chargé de clientèle. Son titulaire dispose aussi d'un numéro personnel pour suivre l'avancement de son dossier ou pour obtenir, si besoin, de l'assistance. Chaque année, en prenant un abonnement, il peut recevoir une estimation de ses futurs revenus de retraité sur la base de sa carrière passée et d'une projection tenant compte de son statut et de la réglementation en vigueur. Il dispose donc à tout moment, dans un lieu unique, de la mémoire de sa carrière et de ses droits. Ce service est proposé en priorité aux DRH et comités d'entreprise qui souhaitent jouer l'innovation sociale en offrant un service personnalisé aux salariés. FranceRetraite gère à ce jour environ 6 000 dossiers par an.

Via les banques, les sociétés d'assurance et les entreprises, SPB propose aux particuliers une solution assez identique. Durant toute la reconstitution, ces derniers bénéficient d'un suivi personnalisé téléphonique par un même conseiller. Le package commercialisé par BNP Paribas revient à 220 euros. Pour 50 euros, il est possible de réactualiser son dossier dans une limite de cinq ans. Retraite Assistance, pour sa part, s'adresse principalement aux cadres supérieurs en fin de carrière, sans intermédiaire. L'opérateur traite environ 800 dossiers par an. Ses tarifs sont nettement plus élevés, entre 1 200 et 2 000 euros, en rapport avec la clientèle choisie et les prestations fournies.

« Nos clients veulent des calculs multiples qui vont au-delà de la loi. Notre travail est de faire parler les chiffres, de raisonner, de conseiller nos clients », fait valoir Michel Renardier. Ici, tout se traite en tête à tête. Le bilan est exhaustif, prévoyant de nombreux scénarios en fonction du statut et de l'âge du départ à la retraite. Des conseils à la carte sur les choix de fin de carrière sont proposés afin d'optimiser avantageusement sa retraite. Par exemple, un dirigeant, propriétaire de son entreprise en quasi-totalité, peut avoir intérêt à demander sa retraite dès qu'il aura atteint ses quarante ans de carrière, soit 60 ans. Il pourra poursuivre son activité jusqu'à 65 ans, son salaire et ses charges ressortant alors en dividendes. Une solution financièrement plus avantageuse que de liquider sa retraite au terme de son activité.

Un conseil pointu et personnalisé

Militant de longue date en faveur du droit à l'information et proposant de multiples brochures pédagogiques à ses adhérents, La Mondiale, assureur spécialiste de la retraite et du patrimoine (professionnels indépendants et libéraux, salariés, épargne patrimoniale), se situe également résolument sur le terrain du conseil pointu et personnalisé. « Nous cherchons avant tout à faciliter la prise de décision, d'autant qu'avec la loi Fillon de nouvelles possibilités sont offertes, qu'il s'agisse de décote, de surcote ou de rachat d'années d'études. Chacun doit être bien informé pour pouvoir en profiter », explique André Cahagne, directeur général des activités assurance. À La Mondiale, pas de bilan de retraite, mais une simulation réalisée par un conseiller à partir de l'âge indiqué de départ à la retraite permettant de chiffrer le montant de la retraite et des pensions de réversion. Des tableaux et des graphiques sont présentés qui permettent de visualiser sa situation en un coup d'œil. Cette opération est gratuite, car l'objectif de l'assureur est avant tout d'aider la personne à aborder la retraite dans les meilleures conditions financières possibles, en optimisant ses droits de façon à compenser la baisse de ses revenus. La simulation débouche en effet sur un audit de protection sociale complet prenant en compte la situation sociale de l'intéressé dans sa globalité. Des solutions lui sont proposées en termes de statut, d'épargne, de prévoyance, de santé. Cette approche est réalisée en évaluant les besoins financiers au moment de la retraite. Une démarche que les actifs ont intérêt à entreprendre au plus tôt, notamment les professionnels indépendants et libéraux, particulièrement fragiles face aux systèmes de retraite.

Incontestablement, les opérateurs privés font preuve de dynamisme et d'ingéniosité. FranceRetraite veut même mettre son expertise au service des pouvoirs publics. « Nous envisageons d'établir des conventions de réciprocité avec les caisses de retraite, ce qui évitera un double travail », relate Yann Boaretto. Les spécialistes en sont convaincus : le marché de l'information et du conseil sur la retraite ouvert par la loi d'août 2003 est tellement vaste qu'il y aura de la place pour tout le monde.

Liquider sa retraite et connaître ses droits

Liquider sa retraite auprès des organismes de retraite complémentaire constitue un véritable parcours du combattant. Les démarches sont fastidieuses et accaparantes, émaillées de quiproquos liés au langage technique des caisses. « Il faut s'adresser à tous les régimes ou caisses auxquels on a cotisé, précise Michel Renardier, directeur de Retraite Assistance. Or ceux-ci ne se contentent pas d'entériner leurs calculs antérieurs. Ils reprennent en détail l'ensemble de la carrière, année par année, employeur par employeur, et posent des questions à la moindre ambiguïté, d'où un grand nombre d'échanges de courrier. »

Difficile également de ne rien négliger. Toutes les activités professionnelles sont à prendre en compte, même sans avoir cotisé. Et chacun bénéficie d'avantages liés à la durée globale de sa carrière qu'il faut obtenir auprès des organismes compétents.

Pionnier sur le marché, Retraite Assistance se propose d'entreprendre toutes les démarches de liquidation sans rien omettre. Il fournit également un état des retraites nettes de retenues à la source et un échéancier des sommes à percevoir. Cette intervention dure de quatre à six mois selon les délais de réponse des caisses.

En cas de retard de ces dernières, Retraite Assistance intervient également pour que des acomptes soient versés. Ce service clés en main est toutefois relativement onéreux puisqu'il coûte entre 2 000 et 3 500 euros.

Les nouveaux opérateurs qui arrivent sur le marché de la liquidation, comme FranceRetraite ou SPB, promettent des prix nettement plus compétitifs : respectivement 121 et 150 euros. Il faut dire que si un bilan de carrière a été préalablement établi, tout devient plus facile et donc moins cher.

Auteur

  • C.L.