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Endosser un rôle pour doper leadership et « team building »

Enquête | publié le : 01.06.2004 | C. L.

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Endosser un rôle pour doper leadership et « team building »

Crédit photo C. L.

En transposant les stagiaires dans des univers imaginaires, voire de téléréalité (« Star Ac », « Vis ma vie »…), les techniques théâtrales et ludiques favorisent l'apprentissage en faisant tomber les inhibitions naturelles. Des formations de plus en plus prisées par les entreprises. En témoigne le succès de salons du type Ludimat Expo.

Les salariés brûlent les planches

« Rome, unique objet de mon ressentiment ! Rome à qui vient ton bras d'immoler mon amant ! » Ces premiers vers de la tirade de Camille tirée d'Horace, la pièce de Corneille, viennent d'être déclamés par Véronique. Qui n'est pas une jeune première en train de répéter. Cette élégante directrice d'une imprimerie suit un stage d'expression orale, basé sur les techniques théâtrales, pour surmonter son trac et mieux communiquer lors de conférences. Elle vient de donner la réplique au sémillant Philippe, directeur d'un grand groupe industriel, un scientifique désireux d'apprendre à s'exprimer de façon moins monocorde et plus chaleureuse, face à ses équipes notamment.

Curieux et ouverts, ces deux cadres enquête de charisme voulaient progresser grâce à une approche non connotée entreprise. Pour ne pas dire rasante, même si le terme n'est pas prononcé. Chercher auprès d'artistes un supplément d'âme et du professionnalisme leur semblait utile et enrichissant, d'autant que les techniques d'expression ne changent finalement pas d'un univers à l'autre. « Cela fait partie de la culture des acteurs de savoir exprimer leurs émotions », relate Carmela Valente, l'organisatrice de cette formation, qui a vu passer des salariés de France Télécom, Goodyear, Delmas, Parc Astérix…

Cette actrice confirmée se propose de faire découvrir aux cadres et dirigeants les ficelles du métier pour qu'ils deviennent des professionnels dans le domaine de la prise de parole en public, qu'il s'agisse de donner une conférence, de réussir une interview face à des journalistes, de maîtriser la conduite d'une réunion. « Préparé comme un acteur, le manager apprend à vaincre sa timidité naturelle et à être percutant et convaincant, explique la maîtresse de cérémonies, qui réunit sa troupe dans un appartement cosy de la rue Royale, à Paris. Nombreux sont les stagiaires rendus confus ou bloqués par des théories qui, finalement, compliquent le sujet de la prise de parole en public. »

Véronique et Philippe ne sont pas ressortis déçus de ce voyage au bout d'eux-mêmes. Au cours de leurs deux journées de formation, ils ont multiplié les exercices : travail sur les messages, les émotions, les intonations, le charisme, les manières scéniques, le trac, la diction, la respiration, la voix, la composition d'un texte… Certains travaux sont filmés pour repérer les défauts. Philippe, l'œil pétillant, se donne du mal pour exprimer l'indignation en récitant un vers de Victor Hugo. Pris au jeu, ces comédiens d'un jour en oublieraient presque leur rôle de manager.

Les sociétés se prennent au jeu

Mission bouclier. Contactés par une société ultrasecrète employée à la surveillance de notre bonne vieille Terre, 230 formateurs issus de toutes les écoles internes d'Air France (vente, langues, management, métiers…) ont été promus défenseurs de la planète bleue, chargés de contrer des extraterrestres malfaisants bien décidés à y déverser des produits toxiques et des vaisseaux spatiaux usagés. Objectif : concevoir des jeux innovants, seuls capables de défier des espions dépourvus d'humour. Lors d'une journée de création, 10 équipes ont mis à l'épreuve leurs facultés d'investigation pour concevoir chacune un outil pédagogique inédit, comme un jeu de familles facilitant l'établissement d'un cahier des charges de formation. Pour réussir leur mission, les participants disposaient de toutes les informations et des moyens nécessaires, découverts à travers un parcours ludique en six étapes, chacune ayant un objectif pédagogique précis (repérer et analyser un besoin, choisir des méthodes et des outils adaptés, faire appel à des pédagogies non conventionnelles…). Les jeux ont été réalisés et sont aujourd'hui utilisés par Air France.

Ce scénario mis au point par Chantal Barthélémy-Ruiz, responsable de l'association Permis de jouer, avait trois objectifs pédagogiques : scénariser les étapes de l'élaboration d'un programme de formation et de supports pédagogiques, permettre aux participants d'expérimenter des méthodes innovantes et mettre en œuvre la complémentarité de chacun. « Cette pédagogie très vivante a suscité beaucoup d'adhésion, hormis quelques rares réactions hostiles de cadres collet monté. On apprend d'autant mieux que le plaisir est là, relate Michel Teychiné, ancien directeur de la formation d'Air France. Les formations austères et normatives tuent la créativité. Bien sûr, le jeu n'est pas plaqué sans préparation, il consolide les démarches classiques. »

Chantal Barthélémy-Ruiz, elle, n'en est pas à son coup d'essai. Ses parcours ludiques bien rodés ont séduit une cinquantaine d'entreprises et institutions, parmi lesquelles Biogen, Arcelor, EDF-GDF, Nestlé ou encore le très classique ministère de l'Économie et des Finances. Six versions différentes sont proposées en fonction des objectifs pédagogiques poursuivis (réflexion sur les valeurs de l'entreprise, méthode de résolution de problèmes, connaissance de l'entreprise, créativité…), projetant les participants dans des univers très différents : mythologique, historique, généalogique, policier, superhéros, futuriste.

Biogen a ainsi opté pour un parcours historique afin de faire comprendre les rouages de la gestion de projet à ses équipes. Les participants étaient répartis en trois équipes, chacune dotée d'accessoires : évêques, artisans, architectes. Ces derniers devaient concevoir une cathédrale. « Le jeu s'éloigne des autres méthodes de formation en ce qu'il permet de faire vivre une situation en l'expérimentant et pas simplement en l'appréhendant intellectuellement. Il permet aussi de déplacer son angle de vision et de compenser les schémas et les stéréotypes que l'habitude a ancrés », conclut Chantal Barthélémy-Ruiz.

La « Star Ac » fait un tabac

Cours de cuisine, char à voile ou « Star Academy » ? C'est finalement pour la troisième solution qu'Altadis a opté afin de favoriser la cohésion de groupe, créer de la complicité et favoriser l'expression personnelle au sein de son département de marketing opérationnel, réunissant une vingtaine de personnes âgées en moyenne de 24 à 30 ans. Rendez-vous dans un château de la région parisienne pour la petite troupe qui s'est retrouvée, après un trajet en bus, en compagnie d'un animateur, de professeurs de danse, de chant et de théâtre et de quatre techniciens, tous embauchés pour l'occasion. « Les gens ont ri et se sont vite mis dans le bain », raconte Adèle Huchet, consultante chez le maître d'œuvre, Overdrive, un cabinet spécialisé dans la motivation des équipes. Convaincu qu'« il n'existe pas de réussite sans enthousiasme », ce dernier va toujours pêcher des idées sympas pour des jeunes en quête de « fun ».

Les vingt novices répartis en trois groupes ont suivi des cours toute la journée. Tout y était, comme à la télé : les séances de gymnastique dans le parc du château, sans oublier le confessionnal où les stars en herbe pouvaient confier leurs difficultés à leur animateur avant de se produire le soir devant un jury réunissant les professeurs et le directeur du marketing, maquillés et coiffés comme des stars. Pas de prestation individuelle, à la différence de la vraie « Star Academy », pour éviter tout stress inutile et anti-pédagogique. Difficiles à départager, les trois équipes ont été déclarées gagnantes. Pas question de provoquer des frustrations inutiles ! Cerise sur le gâteau, les apprentis académiciens ont été filmés et ont enregistré un disque en studio. De quoi susciter des vocations.

Auteur

  • C. L.