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Des cursus de plus en plus créatifs

Dossier | publié le : 01.09.2005 | Anne-Cécile Geoffroy

Coaching, formules en soirée ou le week-end, sélection drastique… les troisièmes cycles ouverts en formation continue n'ont rien à envier aux formations initiales. Ce palmarès souligne la créativité des programmes, qui dépoussièrent allégrement les maquettes pédagogiques des anciens DESS devenus masters.

Puisque la formation tout au long de la vie a acquis ses lettres de noblesse avec la loi de 2004, il aurait été inconcevable, cette année, de ne pas consacrer un classement spécifique à la trentaine de troisièmes cycles ouverts aux salariés. Et, pour ce premier palmarès Liaisons sociales-Manpower des formations continues aux ressources humaines, c'est l'IAE de Paris I avec le master Management des ressources humaines et de la responsabilité sociale de l'entreprise, dirigé par José Allouche, qui remporte la palme. Juste derrière lui, un challenger, le MBA de Dauphine, porté par deux jeunes professeurs, Fabien Blanchot et Frédéric Wacheux, fait une entrée en force sur le marché des executive masters et grille la politesse à des formations plus installées, comme le mastère spécialisé de l'Essec, conduit par Jean-Marie Peretti, celui de HEC, concocté par Charles-Henri Besseyre des Horts, ou encore le master en gestion des ressources humaines du Cnam, piloté par Maurice Thévenet.

Pour aboutir à ce classement, nous avons croisé des critères objectifs (en écartant de cette grille de lecture le coût des formations), réalisé l'interview de chacun des responsables des 34 formations répertoriées, décortiqué les programmes, examiné la façon dont ces troisièmes cycles travaillent, sélectionnent et accompagnent les salariés venus en formation et tenté d'estimer leur influence sur la carrière de ces derniers.

Dans l'édition 2004, par souci d'équité, Liaisons sociales Magazine n'avait comparé que les programmes destinés en priorité aux étudiants, mettant de côté les formations uniquement accessibles aux salariés. La boucle est donc bouclée.

Sur ce marché de plus en plus convoité, deux types de programmes cohabitent : ceux uniquement accessibles par la voie de la formation continue et pour lesquels il existe ou non un programme jumeau en formation initiale et les troisièmes cycles qui ont choisi de mixer leurs promotions d'étudiants en formation initiale et en formation continue.

Une sélection drastique

Toutes les formations qui constituent ce premier top 10 ont en commun de rechercher l'excellence, ce qui suppose notamment une sélection drastique des candidats. Note de synthèse, miniconcours, étude de cas sur table, test d'aptitude en gestion, en anglais… Les responsables de ces troisièmes cycles n'ont pas assoupli leurs critères de sélection pour accueillir le public des salariés. Au contraire, ils recherchent tous les hauts potentiels capables d'assurer la relève et de donner leurs lettres de noblesse aux DRH, qui peinent encore à être considérés comme de véritables business partners par leurs homologues. L'IAE de Paris peut ainsi s'enorgueillir de compter parmi ses diplômés un nombre impressionnant de DRH ou de cadres dirigeants de premier plan. Pour ne citer qu'eux, le DRH de Prisma, le président du groupe Lacoste, le DRH de Dassault, celui de Nissan Europe, les numéros deux du groupe Toyota et de Thales sortent tous de la formation de José Allouche, qui fut la pionnière du genre en France.

Les directeurs de ces programmes font donc la chasse aux doux rêveurs et leur préfèrent des professionnels ayant les pieds sur terre, capables de tenir des raisonnements et de prendre du recul par rapport à une fonction difficile à exercer dans l'entreprise. « Je recherche de bons professionnels, exemplaires dans leur comportement, qui évolueront vite dans leur fonction et défendront le diplôme auprès des employeurs », affirme d'emblée Olivier Roques, à l'IAE d'Aix-Marseille III, doublement récompensé dans ce palmarès 2005 puisque sa formation est arrivée en huitième position dans le classement général des formations continues et au troisième rang des formations initiales (voir page 69). Lors des entretiens de sélection, la cohérence des parcours professionnels et des projets des candidats est ainsi passée au tamis afin de détecter les meilleurs profils. Certaines formations, comme celles du Cesi d'Angoulême qui vient de diplômer sa première promotion et ne figure donc pas encore dans les différents classements, ou encore celle de l'Essec Isfogep à Limoges, vont même jusqu'à faire passer des tests de personnalité aux candidats pour réduire les incertitudes au moment du recrutement.

Au four et au moulin

Ce n'est donc pas un hasard si, sur les dix lauréates, les quatre premières du classement sont des formations exclusivement réservées à un public de salariés. Car, en formation continue, les cadres des fonctions RH et les consultants qui retournent sur les bancs de l'école cherchent non seulement à théoriser des concepts qu'ils utilisent quotidiennement, mais également à échanger avec leurs pairs sur les pratiques et l'évolution du métier. Un public que s'arrachent les directeurs de ces troisièmes cycles, qui reconnaissent à demi-mot ne pas accueillir à bras ouverts les demandeurs d'emploi, « sauf exception » ! Certaines formations ont d'ailleurs rapidement réglé la question, comme HEC qui demande le soutien exprès de l'entreprise du salarié pour ouvrir les portes de son prestigieux mastère spécialisé.

L'une des grandes difficultés pour les salariés est de parvenir à mener de front une formation de haut vol avec leur vie professionnelle et familiale. « Lorsque j'accueille une nouvelle promotion, je leur annonce tout de suite la couleur : soit vous changez de poste, soit vous faites un enfant, soit vous divorcez d'ici à la fin de l'année », raconte avec humour Catherine Courdé, responsable du master GRH en formation continue de l'IAE de Poitiers. La conciliation de ces trois activités est si difficile qu'elle nous a incités à privilégier les formations qui aménagent au mieux leur cursus pour ce public. Dans ce domaine, l'IAE de Paris est sans aucun doute l'un des programmes les plus souples. Les stagiaires ont le choix entre deux formules : trois jours de cours par mois pendant dix-huit mois ou deux soirs par semaine pendant deux ans. Les formules part time avec des cours placés en fin de semaine et en soirée qui s'étalent sur deux ans sont d'ailleurs de plus en plus pratiquées par les grandes écoles et les universités.

Le MBA de Dauphine s'organise ainsi sur quinze mois les vendredis et samedis, une semaine sur deux, avec des conférences en soirée de 18 heures à 20 heures. Le master en ingénierie des ressources humaines de l'université Paris V a pris également le parti d'organiser sa formation en fonction des contraintes de ce public bien qu'il mixe les étudiants et les salariés. « La formation s'étale sur vingt et une semaines à raison de trois jours par semaine, précise Jean-Michel Morin, l'un des trois codirecteurs du programme. Nous avons ouvertement bâti ce cycle pour le public en formation continue. Les étudiants doivent s'adapter et ils profitent souvent de cette organisation pour décrocher un stage long en entreprise dès le début de la formation. » L'IAE de Nancy II a suivi le même raisonnement mais va plus loin dans cette logique en proposant une organisation des cours en soirée de 18 heures à 21 heures du lundi au jeudi, le vendredi toute la journée et le samedi matin. « Pour les salariés, cela présente un triple avantage, assure Dominique Sartori, qui dirige le master Direction stratégique des ressources humaines. Ils conservent leur emploi, arrivent souvent à convaincre leur employeur du bien-fondé de leur démarche et à décrocher plus facilement un financement auprès d'organismes comme l'Agefos PME ou l'Opacif qui ne financent qu'une journée de formation par semaine. »

Une cohabitation délicate

Reste que les formations (Paris V, Aix-Marseille III et Nancy II) qui font cohabiter les deux publics, étudiant et salarié, n'arrivent pas en tête du palmarès général. Si leurs responsables défendent bec et ongles la richesse de cette hétérogénéité, d'autres avouent que les deux publics se mélangent difficilement. Ainsi, ces cinq dernières années, plusieurs formations ont pris la décision de séparer étudiants et salariés. C'est le cas de l'IAE de Tours, de celui de Poitiers ou encore de Lyon III. « Au début, les deux publics étaient mélangés, raconte Sylvie Roussillon, professeur associée au sein du master de gestion des ressources humaines en FC de l'IAE de Lyon. Il y a trois ans, nous les avons séparés. D'une part, parce que nous avions suffisamment de candidatures pour le faire ; d'autre part, parce que les étudiants en formation initiale se sentaient souvent moins bons car dépourvus d'expérience professionnelle à mettre en avant et les stagiaires en formation continue étaient gênés par le côté potache des plus jeunes. »

Coaching versus tutorat

Sur le front de la validation des acquis de l'expérience, aucune formation, en dehors de celles de Paris V, Lille I et de l'IGS à temps partiel, ne sort du lot. Si la majorité a adopté la validation des acquis professionnels (VAP) version 1985 qui valide le parcours professionnel d'un candidat n'ayant pas le niveau académique requis pour intégrer un troisième cycle, le discours sur la VAE est moins clair. Au mieux, les responsables ne se déclarent pas contre le principe sans favoriser les procédures ou valider les expériences ; au pire, ils parlent tout bonnement de non-sens pédagogique. À Lille I, François Stankiewicz, responsable du master Management des RH, a retourné le problème à son avantage. « Les validations partielles cassent l'esprit de promotion car, en théorie, ces participants ne doivent suivre que quelques unités d'enseignement pour décrocher le diplôme, explique le professeur. Pour éviter cet effet pervers, nous demandons aux validés de participer peu ou prou à la formation, par exemple en prenant en charge des mini-interventions. Nous faisons ainsi bénéficier les autres participants de leur expérience et ils se sentent inclus à la promotion en cours. »

Parallèlement aux efforts développés pour aménager les cursus et rendre la vie des salariés plus facile pendant la formation, de plus en plus de programmes mettent désormais l'accent sur l'accompagnement des salariés tout au long de la formation. Il ne s'agit plus seulement d'apporter une aide méthodologique à la rédaction du mémoire de fin d'études en désignant un professeur référent accessible par e-mail pour poser ses questions ou corriger un plan mal ficelé. Aujourd'hui, les responsables de formation imaginent de véritables formules individuelles de coaching ou de tutorat à distance ou non pour suivre la progression des salariés.

Si certains y voient un gadget supplémentaire, d'autres parient sur cet accompagnement personnalisé pour renforcer la qualité de leur formation. Le MBA de Dauphine a choisi la formule du coaching pur et dur, assuré par de vrais coachs (une dizaine au total), indépendants de la formation, auxquels l'équipe pédagogique attribue deux ou trois stagiaires. « Ces personnes suivent et conseillent nos participants dans la construction de leur parcours professionnel, explique Fabien Blanchot, codirecteur du MBA. À cela s'ajoutent des animateurs de groupes, des DRH que nous allons trouver auprès de l'ANDCP, qui suivent la réalisation du mémoire, et un intranet pédagogique où tous les stagiaires ont accès aux travaux de la promotion. Cet encadrement serré est un gage de réussite supplémentaire. »

De son côté, Paris V utilise le terme de tutorat. Si l'expression paraît désuète, la méthode s'avère néanmoins efficace. « Chaque participant est suivi par un professionnel et un universitaire, explique Jean-Michel Morin. On fait en sorte que les étudiants en formation continue soient pris en main par des DRH de haut vol. Leur mission est non seulement de soutenir le moral des participants qui parfois cumulent des fonctions professionnelles très lourdes, mais aussi de travailler leur CV, de leur apporter leur vision du métier et, finalement, d'ouvrir leur carnet d'adresses pour les aider tout au long de l'année à se constituer un réseau qui leur permettra un jour de rebondir. »

En plus de ce tutorat musclé, les participants sont suivis durant leur stage en entreprise par un maître de stage et un prof. HEC, l'IAE de Paris, l'Essec disposent aussi de leur propre formule d'accompagnement. Des « filets de protection » supplémentaires pour assurer une réussite totale aux stagiaires, mais qui pour le moment restent pratiqués par les formations les plus « riches » et, bien souvent aussi, les plus « chères » du marché.

Mieux vaut montrer patte blanche pour entrer dans l'un des 10 troisièmes cycles ci-contre. En plus de la classique procédure (dossier + entretien), toutes les formations ont construit un parcours de sélection balisé par différents obstacles. C'est le cas de l'IAE de Paris qui, outre de solides références professionnelles, demande une belle note de synthèse avant de pouvoir accéder à l'entretien. D'autres organisent des miniconcours d'entrée, comme le Cnam et Nancy II, ou privilégient les tests d'aptitude aux études de gestion et management ou les tests d'anglais, comme l'Essec, l'IAE d'Aix ou l'Ensam. Dauphine ou encore Paris V s'inspirent de méthodes plus anglo-saxonnes et attendent des lettres de recommandation motivées. Sans elles, inutile d'espérer accéder à la dernière étape de sélection.

Dans tous les cas, l'écrémage le plus sévère s'opère au moment de l'entretien. Celui-ci peut durer de trente minutes à une heure et demie, face à un jury de deux ou trois personnes (un enseignant, un DRH, un ancien). À ce niveau, le mastère spécialisé de l'Ensam et de l'ENS Cachan se démarque nettement des autres avec un jury de six personnes, dont quatre professionnels, et un échange avec le candidat qui peut durer jusqu'à deux heures. L'IAE d'Aix-Marseille et celui de Tours pratiquent un double entretien pour recruter les meilleurs profils. Sans toutefois mettre en place des jurys impitoyables qui déstabiliseraient les candidats, les responsables pédagogiques de ces troisièmes cycles veulent détecter des hauts potentiels et décortiquent la cohérence du parcours et du projet professionnel du candidat.

Les formations ci-contre ont un point commun : un accompagnement serré des salariés. Objectifs : combattre le découragement qui guette chacun d'eux, leur permettre de sortir la tête hors de l'eau pour poursuivre une réflexion sur leur projet. Appelé coaching (très tendance) ou tutorat (un brin désuet), l'accompagnement est une des clés d'entrée au palmarès. Selon les établissements, il prend des formes différentes : coachs à Dauphine, DRH de haut vol à Paris V et à l'IAE de Lyon, enseignants chargés de suivre individuellement les participants à HEC, au Cnam, à Tours. Mais ce critère n'empêche pas Lille I et Aix-Marseille III d'entrer dans le palmarès. Sans avoir formalisé l'accompagnement, ces deux formations ont mis en place des événements collectifs (semaine d'intégration…) qui permettent de construire rapidement une cohésion au sein de leurs promos. Pour figurer au palmarès, le nombre d'heures assurées par des professionnels extérieurs doit être savamment dosé. Au-dessus de 70 %, les formations sont pénalisées. Idem quand le plancher des 30 % n'est pas respecté. Enfin, la prime est donnée aux formations qui favorisent la présence d'un public de salariés en activité que nous avons identifiés par le type de financement qu'ils décrochent. L'IAE de Paris, Dauphine, HEC, Paris V font la part belle aux salariés portés par leur entreprise ou ayant décroché un CIF. Avec l'idée que le partage d'expérience est aussi riche que les enseignements stricto sensu.

Dans ce palmarès apparaissent les formations les plus compatibles avec la poursuite d'une activité professionnelle. Résultat, les troisièmes cycles uniquement accessibles en formation continue trustent les premières places.

L'aménagement des cours a été pensé pour les salariés et toutes les places leur sont réservées. Mais cela n'empêche pas les promotions mixtes d'être présentes dans ce classement. L'IAE de Nancy II (arrivé troisième), l'Université catholique de l'Ouest et Lille I défendent d'ailleurs bec et ongles la mixité de leur promotion, estimant que les échanges entre les étudiants en formation initiale et les salariés en formation continue sont riches et stimulants pour les uns comme pour les autres.

Dans tous les cas, l'aménagement des cours est un critère important : sur trois jours, le week-end, en soirée, étalé sur deux ans… les formations font de gros efforts pour trouver la formule la plus en phase avec une activité professionnelle.

Par ailleurs, toutes jouent avec la validation des acquis professionnels (VAP) et commencent à recourir à la validation des acquis de l'expérience (VAE) pour réduire les temps de formation. Même si cette dernière formule n'est pas du goût de beaucoup de responsables pédagogiques, estimant qu'il s'agit là d'un « non-sens en formation ».

Du coup, les candidats ont tout intérêt à poser les bonnes questions concernant la pratique de la VAE par la formation pour être certains d'en bénéficier. Enfin, dernier critère pour intégrer le palmarès : l'ouverture à un large public de salariés. La prime est revenue aux établissements qui ne verrouillent pas leur formation aux non-spécialistes des RH mais favorisent les reconversions, qu'elles soient totales (finalement assez rares) ou partielles.

Glossaire

LMD : nouveau schéma universitaire autour de trois diplômes, la licence, le master et le doctorat.

Master : le master « professionnel » remplace le DESS, le master « recherche » remplace le DEA.

M1 et M2 : désignent les 2 années du master. Le M1 correspond à l'ex-maîtrise, le M2 aux ex-DESS ou DEA.

Mastère spécialisé (MS) : label de la Conférence des grandes écoles attribué à des diplômes d'établissement qui recrutent majoritairement à bac + 5.

3e cycle : autre diplôme bac + 5 d'établissement privé habilité ou reconnu par le ministère de l'Éducation nationale.

Palmarès et inventaire uniquement sur M2 professionnels, MS et 3e cycles.

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy