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L'alternance gagne du terrain

Dossier | publié le : 01.09.2005 | Sylvia Di Pasquale

À côté des ténors du secteur, ce palmarès 2005 intègre deux nouveaux cursus. Plus qu'avant, la tendance est à l'apprentissage, gage de bonne articulation avec la pratique… et de source de financement pour des formations qui, si elles veulent tenir leurs promesses, coûtent cher.

Ils se voient déjà gestionnaires de carrières ou conseillers éclairés de présidents-directeurs généraux sur les questions sociales. Chaque année, près de 3 000 jeunes sont tentés par l'aventure des ressources humaines. Et s'y préparent en intégrant l'un des 45 troisièmes cycles de formation spécialisés en gestion des ressources humaines (1). Mais, lorsqu'il s'agit de choisir, les étudiants ne peuvent guère se fier qu'à un intitulé de façade. Alors nous sommes allés voir de près ce que recouvrent ces dénominations.

Pour réaliser ce troisième palmarès des formations RH Liaisons sociales Magazine-Manpower, nous avons interrogé leurs responsables au travers d'un questionnaire écrit et d'un entretien approfondi. Ensuite, il a fallu croiser une cinquantaine de critères, car il ne suffit pas de soigner la sélection à l'entrée pour garantir un bon enseignement ; de même, il n'est pas seulement nécessaire de plonger les étudiants dans la vraie vie professionnelle pour les insérer à coup sûr. C'est la combinaison de tous ces éléments qui a déterminé ce classement utile aux jeunes qui doivent choisir une formation, mais tout aussi indispensable aux entreprises à l'heure du choix d'un candidat pour renforcer une équipe de ressources humaines.

Après cet impitoyable passage au tamis, le vainqueur 2005 est le Ciffop (2) pour la troisième fois consécutive. Sept autres formations, déjà présentes dans les tops 10 des palmarès précédents, figurent toujours dans ce classement, même si leur ordre d'arrivée est différent. Enfin, Tours et l'IAE de Paris I font leur entrée et repoussent Reims et Rennes au-delà des 10 premiers. Cette année encore, nous avons eu recours à trois palmarès thématiques, concernant la sélectivité, la professionnalisation et l'international. Parce qu'ils sont les meilleurs sur un critère particulier, certains troisièmes cycles apparaissent dans ces classements, sans forcément figurer au palmarès final.

À chaque formation sa sélection

Qu'ils soient généralistes ou spécialisés, les troisièmes cycles RH que nous avons auscultés n'ont aucun souci pour remplir leurs promotions. Chaque année, 3 000 candidats sont admis pour 11 000 dossiers présentés, toutes formations confondues. Un même candidat pouvant sonner à plusieurs portes, il est donc quasi impossible de connaître le nombre réel de postulants. Après le dépôt des candidatures s'opère la sélection. La barre est plus ou moins haute selon les formations, mais les méthodes restent identiques. Toutes pratiquent le double filtre (dossier plus entretien) mais une quinzaine imposent un écrit supplémentaire : un mémo sur un sujet d'actualité des RH ou une lettre motivant le projet professionnel du candidat. Celui-ci doit ensuite convaincre au cours d'un entretien qui peut durer de dix à quarante-cinq minutes. L'écrit serait un moyen de valider les savoirs et l'oral une façon d'éviter les erreurs de casting. Un moment essentiel pour Florent Noël, de l'IAE de Paris I : « L'entretien est une manière de détecter les étudiants en phase avec les valeurs que nous souhaitons transmettre. Et pour ma part je préfère un jeune qui me parle de Zola plutôt que des logiciels SAP. » Mais parfois, comme à l'IEP de Paris, au Celsa (Paris IV), à Nancy II, à l'ESCP-EAP ou à Tours, une troisième épreuve – concours ou examen – précède la sélection sur dossier et entretien.

Toutes ces embûches à l'inscription sont destinées à sélectionner les meilleurs étudiants, du moins ceux qui sont en harmonie avec leur futur responsable de formation. Mais la réforme LMD, destinée à harmoniser les diplômes d'enseignement supérieur dans l'Union européenne, ne leur facilite pas la tâche. Normalement, ces M2 (seconde année de master) doivent continuer de recruter l'élite des ex-maîtrises et pas seulement les étudiants issus de leurs propres rangs. Sauf que les présidents d'université les incitent à « fidéliser » les étudiants de M1 (première année), en les intégrant sans véritable sélection en M2.

Une réforme aux effets incertains

Une démarche somme toute logique puisque le but du ministère est d'amener les étudiants à décrocher un master complet et non de les abandonner en cours de route avec un M1 sans aucune valeur. Et les responsables de formation du réseau Références RH réunis en congrès le 24 juin dernier de s'élever en chœur contre ce système. « Heureusement, certains résistent, se réjouit Michèle Duport, de Montpellier III. Nous demandons systématiquement une lettre de recommandation aux candidats. Cette année, certains n'ont pas pu la fournir car leur responsable de M1 voulait les retenir. On a fait sans… » Pour autant, la réforme n'a pas fini de produire ses effets. Et il est fort possible que la sélectivité des M2 plonge à l'avenir.

Une fois les meilleurs étudiants sélectionnés, reste à ces formations en GRH « professionnalisées » à tenir leurs promesses. Bonne nouvelle, toutes sans exception s'emploient à créer des passerelles entre théorie et pratique. Bien sûr en allongeant le plus possible la durée du stage, mais surtout en privilégiant les allers-retours entre l'université et l'entreprise. À ce titre, le moyen le plus radical pour y parvenir reste l'apprentissage. Dans le sillage du Ciffop puis de Strasbourg III et de l'IAE de Paris I, Paris IX-Dauphine a décidé de s'y mettre, suivi du master flambant neuf de Science po et de celui de Versailles-Saint-Quentin. Pour l'heure, sur les 45 formations recensées, 6 seulement pratiquent l'apprentissage. Mais 3 autres sont dans les starting-blocks et d'autres pourraient être contraintes d'y passer d'ici à quelques années sous la pression de leur direction. « Pas vraiment par goût pédagogique, mais plutôt par nécessité financière, chuchote un responsable qui préfère rester dans l'ombre. Car l'apprentissage garantit des rentrées, et les facs en ont bien besoin en ces temps de restrictions budgétaires. »

Boucler les fins de mois

Des considérations bassement matérielles qui ont cependant un impact direct sur la qualité de la formation. « On est parfois obligé de bricoler pour insuffler du pratique dans nos formations théoriques », avoue ce prof de fac. Car monter des études de cas, attirer des praticiens, déplacer la promo dans les entreprises, faire « tutorer » les étudiants par des pros est vital mais coûteux. Surtout si l'on veut éviter la poudre aux yeux, sport largement pratiqué par certaines formations dans lesquelles les cas étudiés datent de Mathusalem et où l'encadrement pédagogique des intervenants professionnels est épisodique. Ou encore quand les visites d'entreprises mal préparées donnent dans le tourisme ou que le réseau d'entreprises se limite à des contacts jamais disponibles.

Si certaines actions réclament avant tout de l'énergie et quelques coups de fil, d'autres exigent des moyens financiers. « Les formations des IAE et des grandes écoles ont moins de problèmes pour boucler leurs fins de mois », constate Marc Bartoli, de l'université Grenoble II. Idem pour le Ciffop ou Paris IX qui fonctionnent comme des entités autonomes. Un avantage qui leur permet d'utiliser à leur guise les recettes de la taxe d'apprentissage récoltée en leur nom propre. Pas question de partager avec les autres formations de l'université. Cet avantage, certaines écoles aimeraient bien en bénéficier. « Les budgets devraient être transparents et rapportés au nombre d'étudiants formés », propose un représentant de l'Ensam. Un ratio qui serait plus favorable aux écoles et aux entités universitaires autonomes qu'aux UFR. Mais on ne choisit pas son troisième cycle sur le critère des moyens.

Techniciens et stratèges

Encore faut-il que les choix pédagogiques soient à la hauteur. Car les formations sont loin de se ressembler. Tous les troisièmes cycles RH jurent ne pas vouloir seulement former de simples techniciens mais aussi des « stratèges » de la fonction. Les grandes entreprises sont ravies : « Un DRH ne peut pas entamer une négociation syndicale sans savoir décrypter parfaitement une fiche de paie », illustre Jean-Yves Dubreuil, ex-DRH de Veolia et intervenant à Lille I. D'autres entreprises affirment rechercher en vrac « une ouverture sur les autres domaines de l'entreprise », « un potentiel pour occuper des postes RH radicalement différents au cours de leur carrière », « une capacité à conduire plusieurs projets à la fois », « une maîtrise du travail en équipe » et « une envie de donner du sens aux salariés ».

Mais autant prévenir les diplômés : il faut savoir vendre ses atouts aux DRH. Car les entreprises plongent rarement leur nez dans les programmes. Dominique Vercoustre, DRH de Beauté Prestige international, confirme : « On fait confiance au candidat pendant l'entretien, à la façon dont il restitue la formation qu'il a reçue. » À ce jeu de colin-maillard, mieux vaut survendre ses savoirs. Et François Gueuze, intervenant à Lille I, de tempérer : « Quels que soient nos efforts d'ajustement, nos diplômés sont souvent surqualifiés à la sortie. Nous les formons pour dans cinq ans et nous le leur disons… »

La grande désillusion

D'où l'incroyable variété des maquettes pédagogiques des troisièmes cycles (voir cartographie page 82) et leur orientation : chacune répond à sa façon aux besoins du marché de l'emploi RH ou plutôt à la façon dont son responsable pédagogique les a captés. La « capacité de résistance » aux dures réalités de la fonction RH n'est pas oubliée. Une vingtaine d'entre elles apprennent à leurs étudiants à parer les coups durs avec des cours et des jeux de rôle sur la prise de poste ou les luttes de pouvoir dans l'entreprise. Malgré ces précautions, en accédant à leur premier poste, nombre de jeunes issus de ces troisièmes cycles déchantent. « En ce moment, c'est la grande désillusion, constate Lucie Caubel, responsable de l'ANDCP Junior, la nouvelle branche “jeunesse” de l'association des directeurs du personnel. Nombre de jeunes DRH ont choisi cette fonction par vocation et les tâches qu'on leur confie heurtent leur éthique. » Un malaise qui s'ajoute à l'état du marché de l'emploi dans les RH.

Lucie Caubel confirme le diagnostic : « Actuellement, les jeunes rament pour décrocher un premier emploi. » Selon Frank Bournois, du Ciffop, on évalue le marché à 1 000 offres par an alors qu'on forme environ 3 000 diplômés. Mais personne ne connaît précisément la pyramide des âges des cadres de la fonction. Un observatoire piloté par Référence RH et l'ANDCP Junior est en projet. On saura donc si un avenir radieux se dessine pour les troisièmes cycles RH.

Attention, parcours semé d'embûches ! Pour parvenir à intégrer l'une des 10 formations les plus sélectives, la route est longue, mais les chemins empruntés ne varient guère. Les mentions sont évidemment appréciées mais elles ne suffisent pas. La première sélection se fait sur dossier, puis une centaine de candidats sont départagés lors d'un entretien. Trois formations ajoutent un filtre supplémentaire : l'IEP de Paris (Sciences po) et le Celsa organisent un concours d'entrée tandis que Tours présélectionne par un e-QCM en temps limité.

À noter que le Ciffop, premier de ce palmarès, va jusqu'à confier la présélection sur dossier à un jury de professionnels RH. Quatre masters demandent un écrit allant de la note de réflexion sur des enjeux RH (Paris II) au minimémoire (Paris IX, Paris I, IAE de Paris). Étudiants n'ayant pas fait de stages, passez votre chemin : même s'ils ne sont pas partout obligatoires, tous les admis en ont fait. Après avoir mis en valeur ses acquis académiques et ses stages, l'étudiant doit savoir en parler.

Dans tous les cas, le fameux entretien est primordial pour décrocher sa place. Face au candidat, le duo prof-pro est un classique (sauf à Paris I), parfois accompagné d'un psy (Bourgogne, Ensam/ENS Cachan). Très en vogue, les mises en situation visent à détecter les candidats les plus mûrs. Réforme LMD oblige, les questions en anglais sont désormais systématiques dans cinq des formations mais ne sont pas éliminatoires, sauf à l'Ensam/ENS Cachan.

Dans ce palmarès, nous avons sélectionné les 10 formations incluant les formules de contacts les plus riches avec les professionnels des ressources humaines. Pour y parvenir, nous avons croisé 10 critères à la fois quantitatifs et qualitatifs.

D'abord, la durée du stage. Dans les 10 formations ci-contre, les étudiants font au moins cinq mois de stage, même quand le minimum est fixé à trois. Le must étant évidemment les allers-retours entre théorie et pratique sur l'année entière, via le contrat d'apprentissage (Ciffop et Paris IX) ou suivant un simple calendrier alterné (Paris V, Nancy II). Autre critère essentiel : le nombre d'heures d'enseignement assuré par les praticiens extérieurs. Tout est question de mesure. Nous avons primé les formations où plus de 50 % des cours sont assurés par les professionnels et pénalisé celles à plus de 70 %.

Pour deux raisons : l'excès de praticiens risque de limiter les apports théoriques et la qualité de l'encadrement pédagogique.

La qualité des intervenants a également modulé cette sélection. Pour figurer dans ce palmarès, il faut aussi proposer des formules de contacts hors amphi entre étudiants et entreprises : tutorat d'étudiant par un DRH en poste (Ciffop, Paris V, Tours, IGS), visites d'entreprises (Aix-Marseille III, Tours, IGS, Reims), missions (Ciffop, Lille I, Tours, ESCP-EAP, Nancy II, Reims), témoignages d'opérationnels sur des sujets d'actualité (toutes). Enfin, reste à assurer un développement actif de ces formules. Une tâche facilitée quand les profs permanents font eux-mêmes des missions de conseil en entreprise (Ciffop, Lille I, Aix-Marseille III, Tours, Nancy II, Reims).

Peut mieux faire. Mis à part les cinq premiers de ce palmarès, on ne peut pas affirmer que les troisièmes cycles français en GRH soient réellement tournés vers l'international. Cette année encore, les injonctions de la réforme LMD, qui conditionnent l'obtention du grade de master à un bon niveau d'anglais, n'ont pas eu d'effets criants.

L'Ensam/ENS Cachan est le seul élève modèle du palmarès avec un sans-faute sur l'ensemble des critères. Ni l'ESC Clermont, qui affiche la même vocation de spécialiser des généralistes des RH, ni les deux seuls masters universitaires comportant l'intitulé « international » (Angers et Grenoble II) n'atteignent cependant son niveau d'excellence. Ce palmarès résulte du croisement de trois critères principaux. Côté cours de langues, tout d'abord, c'est le désert, sauf ESC/Clermont, Angers, IGS et Ipsa, qui continuent à en proposer.

Cette absence est compensée par les cours en anglais censés entretenir le niveau des étudiants. Sauf qu'à l'entrée tous n'imposent pas de score éliminatoire de niveau de langue au Toeic ou autre test.

Cette année, nous avons pénalisé les formations qui ne proposent pas de voyage d'études à l'étranger. Ce qui explique la descente d'Angers de la première à la sixième place de ce classement. Enfin, l'ouverture internationale doit également imprégner les enseignements et les partenariats. Via l'intégration de cette dimension dans les cours et les cas étudiés, les interventions d'experts et de DRH internationaux et les contacts avec les réseaux étrangers.

(1) Au total, recensement de 127 formations spécialisées RH que nous avons réparties en 7 filières (voir inventaire page 83). Notre évaluation ne porte que sur les 45 formations initiales de la filière GRH.

(2) Par souci de concision, tous les troisièmes cycles cités dans ce dossier sont désignés par l'établissement qui les délivre. L'appellation exacte du diplôme est donnée dans l'inventaire page 83.

Auteur

  • Sylvia Di Pasquale

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