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Éditorial

Il faut sortir de notre tripartisme larvé

Éditorial | publié le : 01.06.2006 | Denis Boissard Directeur de la rédaction

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Il faut sortir de notre tripartisme larvé

Crédit photo Denis Boissard Directeur de la rédaction

Le peu ragoûtant feuilleton politico-médiatique Clearstream a totalement éclipsé l'actualité de ces dernières semaines. Ont ainsi été passés quasiment sous silence deux rapports qui auraient mérité un vrai débat public tant les questions qu'ils abordent sont essentielles pour l'avenir de notre démocratie et la capacité de notre pays à mener à bien un certain nombre de réformes. Remis au Premier ministre, l'un fin avril, l'autre début mai, les rapports Chertier et Hadas-Lebel lancent en effet un sacré pavé tout à la fois dans la mare du système français de relations sociales et dans celle du syndicalisme hexagonal.

Pour sortir du tripartisme larvé, largement non coopératif et en définitive plutôt inefficace dans le cadre duquel s'opère, plutôt mal que bien, la régulation sociale dans notre pays, le rapport de Dominique-Jean Chertier, l'ancien conseiller social de Raffarin à Matignon, propose un dispositif s'inspirant de la « subsidiarité sociale » prévue par le traité d'Amsterdam au niveau européen, qui accorde aux partenaires sociaux un droit à la négociation avant toute prise de décision politique. Un agenda « partagé » de réformes, réactualisé chaque année, permettrait au patronat et aux syndicats de se positionner en choisissant, selon les cas, la voie de la concertation ou celle de la négociation. Et une révision constitutionnelle interdirait au législateur d'intervenir dans le temps réservé au dialogue social. En revanche, l'idée de transformer la vieille dame qu'est le CES en pivot de ce dialogue renouvelé laisse plutôt sceptique.

Pour donner une place prépondérante au dialogue entre patronat et syndicats dans la régulation du social, encore faut-il que la légitimité des acteurs syndicaux et des accords qu'ils signent ne prête pas à contestation. Le rapport de Raphaël Hadas-Lebel, le nouveau président du COR, s'attaque donc au Yalta de 1966 – la représentativité automatique octroyée au « club des cinq » – et à son monopole de présentation au premier tour des élections dans l'entreprise. Le jeu serait rouvert grâce à une révision de la liste des confédérations représentatives après chaque scrutin prud'homal ou chaque cycle d'élections au CE. Et celles-là ne bénéficieraient plus que d'une présomption simple dans la branche et l'entreprise, contestable sur la base de leur audience électorale à ce niveau. S'agissant des accords, le rapport pousse plus loin la logique majoritaire de la loi du 4 mai 2004 : quel que soit son niveau, un accord serait valide dès lors que les syndicats signataires pèseraient plus électoralement que ceux se prononçant contre. La solution est ingénieuse : elle est plus satisfaisante que le compromis mi-chèvre, mi-chou de la loi Fillon, tout en limitant les risques de blocage.

Les suggestions de ces deux excellents rapports ont-ils une chance quelconque d'être mises en œuvre ? Certainement pas dans l'immédiat. Mais l'échec patent de réformes récentes, conduites « à la hussarde », devrait servir de leçon.

Auteur

  • Denis Boissard Directeur de la rédaction