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Vers une énième remise à plat du système

Dossier | publié le : 01.09.2007 | S. D.

Lentement mais sûrement, la réforme initiée par la loi de 2004 prend ses marques. Mais elle n’a pas encore réussi à réduire les inégalités d’accès à la formation, un des objectifs des partenaires sociaux. Et de nombreuses critiques se font jour.

Il en va de la formation professionnelle comme de l’éducation en général : à peine une réforme est-elle digérée que les pouvoirs publics songent déjà à la suivante. Juste avant la rentrée, Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, a promis, pour 2008, une suite à la loi de mai 2004 sur la formation tout au long de la vie, qui commence tout juste à trouver ses marques. En juin, un rapport du Centre d’analyse stratégique critiquait déjà vertement le fonctionnement de la formation professionnelle et une mission parlementaire en appelait, en juillet, à une remise à plat du système. « La formation souffre du syndrome des 3C : du corporatisme des partenaires sociaux, du cloisonnement et de la complexité due aux opérateurs pléthoriques », martèle Jean-Claude Carle, sénateur (UMP) de Haute-Savoie, président de la mission sénatoriale. Faible retour sur investissement des sommes engagées, financement opaque des organismes collecteurs, inégalités persistantes d’accès à la formation des salariés, c’est toujours la même ritournelle. Le 11 juillet, la mission a remis au Premier ministre ses propositions pour « renforcer l’efficacité des 25 milliards d’euros investis par la nation dans la formation ». Dans la mouvance de Nicolas Sarkozy qui « veut lever les tabous du système de formation professionnelle », la mission sénatoriale préconise la création d’un « compte épargne formation destiné à accompagner la personne tout au long de la vie », une fusion des contrats de professionnalisation et d’apprentissage pour créer un contrat unique d’insertion en alternance. Afin de maîtriser les coûts d’un DIF qu’elle veut transférable, la mission propose aussi de redéfinir la mutualisation des fonds entre les régions et les entreprises et de supprimer l’obligation de versement du 0,9 % pour financer le plan de formation.

Pas de détricotage du DIF. Côté syndicats, l’objectif est plutôt de renforcer le DIF, dans le cadre des prochaines négociations sur la modernisation du marché du travail et la sécurisation des parcours. « Nous pourrions notamment étendre sa transférabilité d’une entreprise à une autre, comme le prévoient déjà un tiers des accords de branche, mais aussi entre les branches », confie Jean-Luc Gueudet, secrétaire confédéral chargé de la formation professionnelle à la CFDT. Les partenaires sociaux, qui risquent de s’écharper sur le contrat de travail unique et la réforme du système d’assurance chômage, n’ont pas l’intention de détricoter l’accord de décembre 2003, adopté à l’unanimité. Ils ont même commencé un an plus tôt que prévu l’évaluation de la réforme, via le Comité paritaire national pour la formation professionnelle, qui rendra son rapport en novembre prochain. « Toute la difficulté consiste à évaluer les effets qui se feront sentir à long terme », avertit Jean-Claude Quentin, ancien secrétaire confédéral chargé de la formation professionnelle à FO.

En octobre 2006, la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) livrait un premier bilan : « La réforme s’est ancrée de manière rapide dans les branches et les entreprises qui développaient déjà une politique de gestion des ressources humaines centrée sur les compétences, rapporte-t-elle. A contrario, d’autres abordent la réforme comme un déploiement de nouveaux dispositifs ou continuent à gérer la formation dans une logique de dépenses. » Les premières en ont profité pour repenser leurs pratiques, le plus souvent à budget constant. Un exercice d’équilibriste qui oblige les responsables de formation à monter une ingénierie plus complexe, à articuler les dispositifs et à mieux définir les actions éligibles au plan. Dans la droite ligne de l’ANI qui rappelle « la mission essentielle que doit jouer le personnel d’encadrement dans l’information, l’accompagnement et la formation des salariés », ces entreprises s’appuient aussi sur le management de proximité pour donner du sens au concept de professionnalisation. « Les entretiens professionnels sont aujourd’hui encore d’une pauvreté confondante », constate Mathilde Bourdat, manager à la Cegos. Quant aux plus imprévoyantes, elles risquent de se retrouver Gros-Jean comme devant le jour où leurs salariés qui auront capitalisé leurs cent-vingt heures de DIF feront valoir leur droit.

Reste que les principaux dispositifs prévus dans l’ANI montent en charge : 145 400 contrats de professionnalisation conclus en 2006, contre 115 000 en 2005 ; 345 000 périodes de professionnalisation, contre 240 700 ; et, en 2005, 130 000 salariés ont fait valoir leur DIF. Autre bonne nouvelle, la réforme a stimulé la négociation collective. Fin 2005, près de 450 accords, déclinant les dispositions de la loi du 4 mai 2004, avaient été signés dans 230 branches. « L’accord interprofessionnel, qui renforce le rôle de la branche, et la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, qui réaffirme le rôle central des conseils régionaux dans la coordination des politiques régionales de formation, se sont juxtaposés sans être articulés », estime néanmoins la DGEFP. Pour Djamel Teskouk, conseiller confédéral à la CGT, « il manque un lieu de négociation au niveau des régions ».

Autre critique, un tiers seulement des DRH (35 %) interrogés par la Cegos dans son quatrième baromètre annuel sur la réforme de 2004 pensent que la réforme et le DIF vont permettre de réduire les inégalités d’accès à la formation, contre 56 % l’an dernier. « Pour l’instant, rien ne nous permet d’évaluer si les périodes de professionnalisation profitent en priorité aux salariés insuffisamment qualifiés et aux plus de 45 ans, comme le prévoit la loi », nuance Djamel Teskouk. Si cette situation perdurait, la réforme aurait manqué son but.

Entretien avec Christian Lurson, DRH de Sodexho France, spécialiste de la restauration collective et des services (25 000 salariés en France)

La réforme constitue-t-elle une opportunité ou une contrainte ?

Disons que nous avons su transformer une contrainte en une opportunité qui nous a permis de repenser notre ingénierie de formation. La question centrale était de construire notre plan de formation pour associer les salariés à la mise en œuvre de notre stratégie et de les faire monter en compétences.

Comment se concrétise la professionnalisation ?

Nous avons profité de la réforme pour créer la filiale Sodexho Formation, accréditée à délivrer trois certificats de qualification professionnelle (employé qualifié en restauration, cuisinier et responsable de site), accessibles via la période de professionnalisation. La construction du parcours de formation s’appuie en partie sur le management qui, lors des entretiens annuels, aide ses collaborateurs à exprimer leurs besoins. D’où la formation en 2005 de 2 500 responsables de site aux techniques d’entretien. Le DIF, notamment, relève d’une codécision entre le manager et le salarié.

Comment vous êtes-vous emparé de ce nouveau droit ?

Nous sommes d’abord convenus que les formations éligibles au DIF sont réalisées sur le temps de travail, contrairement à ce que prévoit la loi. Ensuite, nous avons défini où s’inscrivent les catégories d’actions. En gros, le développement des compétences relève plutôt des périodes de professionnalisation, l’adaptation et l’évolution dans l’emploi du plan, le développement personnel du DIF. Mais les frontières ne sont pas étanches. Une vingtaine de formations éligibles au titre du DIF sont proposées dans un catalogue.

Quels sont les résultats ?

En 2007, 4 000 salariés ont bénéficié de leur DIF, contre 2 500 en 2006. Un public parfois faiblement qualifié a pu se former à des savoirs de base. Le retour en termes de motivation est positif quand un salarié a pu bénéficier de la formation de son choix.

Auteur

  • S. D.