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Politique sociale

Les maisons témoins de la fusion ANPE-Unedic

Politique sociale | publié le : 01.11.2007 | Domitille Arrivet

Voulues par Borloo, les maisons de l’emploi sont prometteuses. Lagarde vient pourtant de geler les nouveaux projets. Reportage.

Rendez-vous en 2008 ! Attelé à l’élaboration du projet de loi sur le service public de l’emploi, qui doit entériner la fusion ANPE-Unedic, le gouvernement a jugé utile de geler jusqu’à l’année prochaine les projets d’ouverture de maisons de l’emploi, concept cher à Jean-Louis Borloo. L’ancien ministre en avait pourtant fait l’une des pièces maîtresses de son plan de cohésion sociale, en 2005. En partant d’une idée simple : « agir sur l’organisation structurelle du marché de l’emploi pour offrir un service plus efficace aux Français qui en ont besoin ». Le principe ? Déléguer aux acteurs et élus locaux la mise en musique d’un nouveau service d’accueil des demandeurs d’emploi, mieux coordonné et plus performant. Avec l’idée de réunir dans un même lieu les services de l’État, l’ANPE, les Assedic et la multitude de partenaires intervenants dans le champ de d’emploi, comme l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), les missions locales, les chambres de commerce, les partenaires sociaux, etc.

En deux ans et demi, les maisons de l’emploi ont poussé comme des champignons, même si l’objectif initial de 300 n’a pas encore été atteint. Au dernier pointage, les services du ministère en recensaient 227 (voir encadré page 38), avec des configurations très disparates, en fonction des contraintes locales, des moyens alloués… et des personnalités qui les animent. À Ploërmel, commune dynamique du nord du Morbihan, on se targue d’avoir créé la maison de l’emploi type. « Nous avons été les premiers à être labellisés en juin 2005, et les seuls en France à réunir physiquement dans un même lieu ANPE, Assedic et missions locales », affirme Paul Anselin, le maire de la ville, président du pays de Ploërmel, qui regroupe 53 communes et 80 000 habitants. « Je reconnais que, pour que cela marche, je me suis autoproclamé président », ajoute cet ancien militaire qui chapeaute la nouvelle structure avec poigne. De fait, à Ploërmel, les agences locales de l’ANPE et l’Assedic cohabitent sereinement, regroupées dans un ancien cloître carmélite fraîchement réhabilité en bureaux. « Nous avons créé un accueil commun, où chacun, à tour de rôle, assure une permanence. Chacune des 28 personnes doit pouvoir répondre au public, quel que soit son organisme d’origine », explique Anne-Marie Miller, la directrice de la maison de l’emploi, ancienne DRH d’une unité industrielle de la région.

Un entretien dans l’heure qui suit. À l’accueil, toutes les bases documentaires sont mises en commun, et les demandeurs d’emploi ont accès aux écrans de l’ANPE et à une borne Assedic. Ensuite, selon les demandes, ils sont orientés vers l’organisme compétent. Comme avant, sauf qu’on les trouve maintenant sur le même palier et que, lors d’une première inscription au chômage, les personnes sont assurées d’avoir dans l’heure qui suit un premier entretien avec un conseiller de l’ANPE. « Dans des zones retirées où les moyens de transport font parfois défaut, c’est un vrai progrès, reconnaît Gaëlle Gasmi, la directrice adjointe de l’ANPE, et, grâce à la présence des Assedic, on accueille des gens qu’on avait du mal à toucher. » Résultat : 400 personnes sont maintenant reçues chaque semaine. Des demandeurs d’emploi, mais également des RMIstes, puisque l’association s’implique aussi dans le retour à l’emploi des allocataires du RMI aptes au travail.

« Notre nouveau mode de fonctionnement crée une émulation évidente. Nous assurons aussi une plus forte présence auprès des entreprises, ce qui nous a permis en six mois d’augmenter de 50 % le nombre d’offres d’emploi recueillies », se réjouit Gaëlle Gasmi. « Nos entreprises font à nouveau confiance à l’ANPE, et cette mobilisation nous a permis de faire baisser de près d’un point notre taux de chômage », soutient, de son côté, Paul Anselin. De sorte que le pays de Ploërmel affiche désormais un taux de chômage enviable de 5,5 %. Coup de chance, le bassin d’emploi coïncidait parfaitement avec la zone de couverture de l’ANPE et avec celle de l’Assedic. Ce qui n’est pas le cas partout. « Dans le bassin de Redon, qui est à cheval sur plusieurs zones Assedic et trois départements, c’est un vrai casse tête pour installer une maison de l’emploi », relève Gaëlle Gasmi.

Afin de s’adapter au contexte local, la maison de l’emploi version Borloo est à géométrie variable. « Le modèle est très ouvert. C’est à la fois sa force et sa faiblesse, analyse Pierre Boissier, le président de l’Afpa, associé au dispositif à l’échelon national. Il existe de nombreuses variantes en fonction des territoires, ce qui est une bonne chose. Mais s’il n’y a pas de volonté locale de mener le projet, cela peut piétiner. » À Dreux, la volonté ne manque pas. Dans cette région fortement touchée par la crise de la métallurgie, où le taux de chômage dépasse 10 %, la maison de l’emploi créée en mars 2006 a préféré se concentrer sur la reconversion professionnelle. Pour éviter toute redondance, elle n’intervient auprès des chômeurs qu’à la demande de l’ANPE. Un peu comme un cabinet d’outplacement. L’Afpa a également été sollicitée en raison de son savoir-faire en matière d’orientation. Deux psychologues du travail y assurent une permanence pour définir les qualifications requises aux reconversions professionnelles, puis orienter un à un les demandeurs d’emploi vers une formation adaptée. En vue d’améliorer également ses relations avec les entreprises, la maison d’Eure-et-Loir s’est aussi attachée les services de Cap-Parrainage, un cabinet qui propose de faire coacher les demandeurs d’emploi par un cadre ou un dirigeant d’une entreprise de la région. Quinze entreprises ont déjà adhéré au dispositif mis en place début 2007 et, parmi les 28 personnes concernées, 7 ont déjà retrouvé un poste. « Ce réseau fait appel à la citoyenneté des entreprises qui acceptent de s’impliquer dans les problématiques d’emploi de leur région, et apporte une réponse aux pénuries de compétences », argumente Olivier Queval, créateur du dispositif, qu’il a déjà vendu à une cinquantaine de communes en France.

Axée sur la reconversion professionnelle, l’entité de Dreux n’intervient qu’à la demande de l’ANPE

Donner de la réactivité au service public. Si la maison de l’emploi de Dreux, qui bénéficie d’un budget annuel de fonctionnement de 450 000 euros, peut s’offrir des partenariats extérieurs, celle du pays Plateau de Caux maritime travaille à l’économie. « Notre vocation est de donner de la réactivité au service public de l’emploi, pas de créer une nouvelle structure pour se faire plaisir », assure Alfred Tracy-Paillogues, député maire UMP de Yerville, en Haute-Normandie, et président de cette structure légère qui compte deux salariés, pour l’heure abrités par sa commune. Le budget n’excède pas 120 000 euros par an. « Et si dans deux ans on constate qu’elle n’apporte rien, on dissoudra l’association », prévient-il.

L’argument a fait mouche parmi les élus locaux des cinq communautés de communes concernées, dont certains étaient assez rétifs au projet. Dans cette zone rurale, c’est Dimitri Egloff, le directeur de la maison de l’emploi, qui sillonne lui-même la campagne. En un an à peine, ce permanent a rencontré 500 demandeurs d’emploi, placé une quarantaine de chômeurs en CDI, fait ouvrir trois Point Emploi dans des bureaux de poste, mis a disposition 17 vélos et créé un fonds de solidarité, abondé par les entreprises, pour faciliter les déplacements des plus démunis… « J’informe, je mets en relation des associations qui font la même chose à 20 kilomètres l’une de l’autre sans se connaître, j’invente des partenariats entre acteurs publics… Mais je suis un mercenaire : je ne fais rien dans les règles ! » reconnaît-il.

Finalement, les maisons de l’emploi réservent plutôt de bonnes surprises. Et constituent un parfait terrain d’expérience pour le futur service unifié de l’emploi. Prudente, Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, entend étudier, lors du débat parlementaire sur le projet de loi service public de l’emploi, comment « entraîner » les maisons de l’emploi dans la dynamique de la fusion ANPE-Unedic. Pour l’heure, elle a annoncé que la trentaine de projets en cours signeront leur convention d’ici à la fin de l’année et que leur dotation, dans le budget 2008, sera identique à l’enveloppe 2007 (88 millions d’euros). Difficile, à l’approche des élections municipales, de désespérer les élus locaux.

400 000 euros

C’est le coût annuel moyen des maisons de l’emploi pour l’État.

Au-delà des objectifs au niveau national

Avec 227 maisons de l’emploi labellisées, nous sommes au-delà des objectifs que nous nous étions fixés », assure Brigitte Bernex, chef de mission à la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle. Même si, dans cette division du ministère de l’Emploi, on reconnaît que seulement 152 des nouvelles structures ont ensuite signé la convention de partenariat nécessaire au démarrage de leurs activités… pour cause de lenteurs administratives ou par manque de mobilisation des élus.

« Parmi les 82 premières maisons qui ont fonctionné, seules une vingtaine avaient réussi à créer un lieu unique ; les autres, partiellement regroupées, assuraient un lien avec les partenaires éloignés ou n’offraient même qu’une coordination et une mise en réseau de tous les intervenants. Ce n’était pas l’idée de départ, mais les solutions mises en place sont intéressantes », souligne Brigitte Bernex.

D’après les services du ministère, le dispositif offre aussi d’autres bonnes surprises. Alors que le plan de cohésion sociale de janvier 2005 prévoyait des crédits de fonctionnement de plus de 1,7 milliard d’euros jusqu’en 2009, les maisons de l’emploi coûtent en réalité à l’État, en moyenne, 400 000 euros par an. Reste malgré tout à en évaluer l’efficacité.

Auteur

  • Domitille Arrivet