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Repères

Une crise habilement gérée

Repères | Éditorial | publié le : 01.12.2007 | Denis Boissard

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Une crise habilement gérée

Crédit photo Denis Boissard

À l’heure où nous bouclons ce magazine, dix jours après le début de la grève contre la réforme des régimes spéciaux, la reprise est en vue.

La première leçon à tirer de ce mouvement n’est pas vraiment un scoop : c’est la faiblesse de nos organisations syndicales. Ce conflit aura révélé à la fois la défaillance des « grandes » centrales, manifestement à la peine pour faire entendre raison à leurs fédérations du secteur public ; la fragilité de ces dernières, débordées par leur base et déstabilisées par la surenchère de syndicats plus radicaux ; enfin, la pusillanimité de responsables syndicaux qui – c’est flagrant à la SNCF – n’ont pas préparé leurs troupes au caractère inéluctable d’une réforme imposée par le choc démographique du papy-boom. L’évolution de plus en plus minoritaire de la grève a montré l’écart culturel existant entre les agents syndiqués et la majorité, apparemment plus réaliste, du personnel des entreprises publiques concernées.

La deuxième leçon, c’est que l’on ne doit pas désespérer de la CGT. En prenant, dès le premier jour du conflit, l’initiative de proposer au gouvernement une sortie de crise, laquelle privilégiait clairement la voie de la négociation, quitte à bousculer son intransigeante fédération de cheminots, le louvoyant Bernard Thibault est – enfin – sorti du bois. Soucieux de ne pas se couper d’une opinion publique acquise à la réforme et, au-delà, de ne pas compromettre les efforts pour rééquilibrer son organisation vers les salariés du secteur privé, le porte-drapeau des cheminots cégétistes lors du conflit de 1995 a pris le risque de se fâcher avec ses anciens amis. Bravo !

La troisième leçon, c’est que si l’on sait quand on entre dans une grève, on ne sait pas quand on va en sortir. Une vérité bien connue des DRH et responsables syndicaux, à méditer par les apprentis sorciers qui, à la veille du conflit, expliquaient doctement que, compte tenu de l’évolution de l’opinion publique, la conduite de cette réforme allait s’apparenter à une promenade de santé et qui conseillaient donc au gouvernement de faire preuve de la plus grande fermeté. Démonstration a été faite, une fois de plus, que la climatologie sociale s’apparente fort à la météorologie. C’est une science molle qui comporte une grande part d’imprévisibilité.

La dernière leçon, c’est qu’il faut un sacré doigté pour réformer ce pays. Le duo entre Xavier Bertrand sur le devant de la scène et Raymond Soubie en coulisse, l’alliance entre la rondeur de l’un et l’entregent de l’autre ont fait merveille. Fermeté affichée sur les objectifs mais ouverture sur les modalités, porte ostensiblement ouverte à la négociation pour désamorcer toute critique de passage en force, capacité à saisir la moindre opportunité pour couper court aux crispations, effacement inusité de Nicolas Sarkozy pour éviter que les mécontentements ne se cristallisent autour de sa personne… la gestion de la crise a été conduite de main de maître.

Auteur

  • Denis Boissard