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Les entreprises hésitent à jouer collectif

Dossier | publié le : 01.12.2008 | M. D.

Attentisme des entreprises, risque aléatoire, contexte économique… La couverture dépendance collective se développe doucement mais sûrement. Grâce à des DRH et des partenaires sociaux sensibilisés.

Annoncé depuis deux décennies, le décollage du marché de l’assurance dépendance n’a pas eu lieu : il stagne autour de 3 millions de personnes couvertes. Et pourtant, la dépendance collective d’entreprise a su tirer son épingle du jeu. Certes, les contrats collectifs obligatoires ne couvraient que 300 000 salariés fin 2007, selon le Centre technique des institutions de prévoyance. Mais la progression de ce type de couverture est nette : cantonné à moins de 5 millions d’euros avant 2002, le montant des cotisations est passé à 9 millions en 2006 et caracole aujourd’hui à plus de 13 millions d’euros. » L’intérêt des entreprises pour l’instauration de garanties obligatoires en dépendance collective est manifeste dans le cadre des appels d’offres en santé-prévoyance « , affirme Noëlle Bogureau, du cabinet Caps Actuariat. » Depuis dix ans, on parle d’un marché d’avenir, mais il y a un décalage entre les espoirs qui ont été placés dans ces produits et la réalité du marché « , tempère Bruno Liger-Belair, directeur commercial grandes entreprises chez Malakoff Médéric, qui constate un regain d’intérêt depuis un an. Selon lui, les entreprises qui investissent dans une couverture dépendance présentent trois caractéristiques communes : une bonne santé financière, une DRH sensibilisée à la problématique et des partenaires sociaux mobilisés.

Le rôle moteur des DRH. Pour les entreprises qui sautent le pas, la garantie dépendance vient souvent s’adosser au régime de prévoyance –même s ’il est possible d’e nv i s a ger un dispositif dans le cadre de la retraite supplémentaire. Parmi les précurseurs, comme Schneider Electric ou KPMG, le solde excédentaire du régime de prévoyance a été un argument déterminant, car il a permis de mettre en place une nouvelle garantie sans cotisation supplémentaire. Pour ceux qui, à l’instar du groupe Accor en juillet 2008, sont passés à l’acte plus récemment, la réaffectation d’une partie de l’enveloppe dédiée à la prévoyance a été décisive. Les rentes de conjoint et d’é d u cation, qui négligeaient la population des cadres célibataires, ont été supprimées afin de financer une couve rture collective en dépendance pour les cadres du groupe. Quant au rôle moteur des DRH en la matière, il se confirme. Selon le baromètre France Info/Ocirp publié en octobre dernier, 65% des responsables des ressources humaines estiment qu’il est du ressort de l’entreprise d’apporter un complément au financement de la dépendance. Qu ’ils soient directement concernés via la perte d’autonomie d’un de leurs proches ou sensibilisés par des membres de leurs équipes ayant endossé le statut d’aidant, ils trouvent face à eux des organisations syndicales conciliantes. Et pour cause, l’intérêt d’une couve rture collective obligatoire pour les salariés est multiple : la sélection médicale est interdite et la cotisation– prise en charge en partie par l’employeur – reste modeste (une dizaine d’e uros dans le cas de la dépendance) et déductible du revenu imposable.

Dans ces conditions, pourquoi la mayonnaise ne prend-elle pas plus vite ? D’une part, la dépendance intervient majoritairement après l’arrêt de l’activité. D’autre part, le risque dépendance est plus aléatoire que le risque maladie, et cotiser » à fonds perdu « n’est pas forcément bien accepté par les plus jeunes. Le contexte compte aussi pour beaucoup, puisqu’il n’a pas échappé aux entreprises que la création prochaine d’un cinquième risque de protection sociale ouvre la voie à un financement mixte (public-privé) de la prise en charge de la dépendance. » Les entreprises me demandent souvent de tarifer le coût d’une couverture dépendance, mais elles souhaiteraient connaître au préalable la part du financement public « , explique Noëlle Bogureau, de Caps Actuariat. Leur attentisme est renforcé par la crise financière et économique. À Carrefour, les partenaires sociaux qui avaient reçu en début d’année l’accord de principe de la direction pour la mise en place d’une garantie dépendance collective obligatoire ont vu l’ouverture des négociations repoussée sine die.

Il est courant d’entendre dire que le collectif ne fonctionne pas en matière de couverture de la dépendance, mais c’est normal quand il n’y a pas d’offre », regrette Jean-Claude Gallou , directeur du développement de l’Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (Ocirp), qui s’est mis sur le créneau. En 2005, cette structure, qui mutualise la protection sociale de la famille de 39 institutions de prévoyance, a créé Antissimo Dépendance, un produit qui couvre déjà plus de 60 000 salariés (lire encadré ci-contre). « La couverture Ocirp est non seulement un outil de management valorisant qui bénéficie d’exonérations fiscales et sociales, mais c’est aussi un système à cotisations définies qui ne crée pas de passif social pour l’entreprise », explique Jean-Claude Gallou.

Les poissonniers séduits. Les entreprises intéressées avaient certes déjà négocié au coup par coup des garanties spécifiques avec leur organisme de prévoyance. Depuis des années, Médéric (devenu Malakoff Médéric) propose ainsi une offre sur mesure à son portefeuille de grandes entreprises qui compte plus de 1 000 clients (Accor, Arcelor, Bata, Cidal, KPMG, etc.). Mais, récemment, comme d’autres institutions de prévoyance (AG2R La Mondiale, Apicil, Groupe Mornay), il a passé un partenariat avec l’Ocirp pour proposer une autre garantie collective dépendance, labélisée sous sa marque propre. « Il s’agit de toucher les PME entre 50 et 200 salariés grâce à un produit standardisé », explique Bruno Liger-Belair, directeur commercial grandes entreprises de Malakoff Médéric. Des branches professionnelles, comme la poissonnerie, se sont aussi laissé séduire – le cadre des conventions collectives de branche permettant une portabilité des droits pour les salariés qui changent d’employeur durant leur carrière.

Si le produit de l’Ocirp a structuré l’offre, la création d’un cinquième risque peut permettre désormais d’élargir les perspectives du marché de la dépendance collective. « Une incitation fiscale spécifique serait déterminante », estime Jeannine Loussouarn, responsable des contrats collectifs dépendance à CNP Assurances. « Il est nécessaire de mieux encadrer les contrats, en élaborant une grille unique et objective pour l’évaluation de la dépendance et en fixant des barèmes techniques afin de tarifer le risque, comme en matière d’invalidité », renchérit Noëlle Bogureau. Autre piste d’avenir, déjà exploitée par l’assureur Axa avec son offre « dépendance entreprise » lancée en 2008 : l’inclusion toujours plus grande de services dans les contrats pour que, dès la souscription, le salarié bénéficie de sa garantie dans une logique de prévention du risque ou en tant qu’aidant d’un proche en perte d’autonomie.

Ocirp : une garantie en points

Antissimo Dépendance s’inscrit dans le cadre de la loi Évin en matière d’adhésion : tous les salariés, même en incapacité de travail, bénéficient du contrat, sans sélection médicale. De la même façon, le produit de l’Ocirp offre au salarié quittant l’entreprise (retraite, licenciement, démission) la possibilité de poursuivre son adhésion, à titre individuel, sans sélection médicale.

Il permet l’attribution d’unités de rente – analogues aux points des régimes de retraite complémentaire ou supplémentaire. L’attribution s’effectue en divisant la cotisation par la valeur d’acquisition de l’unité de rente correspondant à l’âge du salarié. Inscrites définitivement (même s’il quitte l’entreprise) sur un compte propre que le salarié peut continuer à abonder à titre individuel, les unités de rente sont converties en une garantie viagère de rente dépendance.

Si le salarié est reconnu en dépendance totale par le médecin-conseil de l’Ocirp, il reçoit une rente dont le montant annuel est égal au nombre d’unités de rente dépendance inscrit sur son compte, multiplié par la valeur de service de l’unité de rente – une valeur qui est réévaluée chaque année par le conseil d’administration de l’Ocirp. Si le salarié est reconnu en dépendance partielle, il reçoit une rente dépendance égale à 25 % de la rente qui serait versée en cas de dépendance totale.

Malgré toutes ces caractéristiques propres à l’offre proposée par l’Ocirp, les entreprises choisissent elles-mêmes le niveau de cotisation, exprimé en pourcentage du plafond annuel de la Sécurité sociale (0,3 % dans le cas de Thales ou de la branche de la poissonnerie, par exemple). La répartition entre employeur et salarié est généralement calquée sur celle qui prévaut en matière de prévoyance (50/50 ou 60/40). Enfin, des variantes sont possibles dans le cas de grandes entreprises comme Thales, qui a prévu avec le concours de l’institution de prévoyance Novalis une rente minimale garantie en euros dès l’entrée dans le régime ainsi qu’une valeur d’acquisition moyenne de l’unité de rente pour une plus grande mutualisation du risque.

300 000 salariés étaient couverts par des contrats collectifs obligatoires en dépendance fin 2007

Auteur

  • M. D.