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Ce que prévoit le volet « plein-emploi » du programme de Gabriel Attal

Marché de l'emploi | publié le : 30.01.2024 | Benjamin d'Alguerre

Ce que prévoit le volet « plein-emploi » du programme de Gabriel Attal.

Crédit photo DR

Acte II de la réforme du travail après l’été, suppression de l’ASS, simplification des règles sociales dans les entreprises, projet de « désmicardisation » du pays… Le programme du volet « travail » de Gabriel Attal, dévoilé ce 30 janvier, apparaît copieux… et d’ores et déjà conflictuel.

C’est inédit. Dans l’histoire de la Ve République, un Premier ministre n’avait jamais prononcé son discours de politique générale face à l’Assemblée nationale sans avoir pleinement constitué son Gouvernement, puisqu’à ce stade, la plupart des ministères délégués et secrétariat d’État que pourrait compter son exécutif n’ont pas encore été annoncés.

Pourtant, sur le volet du travail, les projets à l’agenda sont nombreux et le calendrier pour certains d’entre eux déjà fixé. C’est donc sans savoir s’il y aura des ministres ou secrétaires d’État (à l’Emploi ou à la Formation professionnelle, par exemple) chargés d’épauler Catherine Vautrin dans son « super ministère » du Travail, de la Santé et des Affaires sociales que Gabriel Attal a déroulé son projet en faveur du plein-emploi…

L’objectif du million d’apprentis maintenu

Le tassement du nombre d’entrées en apprentissage enregistrées en 2023 – il n’avait été que de + 2,9 % (soit 24 000 jeunes supplémentaires inscrits en CFA) contre + 15 % en 2021 et + 28 % l’année précédente – et les incertitudes pesant sur le maintien en 2024 de la prime de 6 000 euros destinée à encourager les entreprises à l’embauche d’apprentis auraient pu laisser croire que le Gouvernement allait discrètement cacher sous le tapis l’objectif du million d’apprentis en 2027 qu’il s’était fixé. Ce ne sera pas le cas, à en croire Gabriel Attal, qui l’a maintenu lors de son discours de politique générale. « Le cap du million d’apprentis est en vue » a-t-il indiqué depuis le perchoir du Palais-Bourbon.

À voir cependant comment son Gouvernement entend atteindre ce plafond symbolique avec une prime à l’embauche compromise et des coûts-contrats rabotés de 7,5 % entre 2022 et 2023 pour permettre à l’organisme financeur, France compétences, d’économiser 500 millions d’euros chaque année. Dans un livre blanc paru le 25 janvier, le Syntec et les fédérations des banques et des assurances avaient justement préconisé, afin de sécuriser le financement de l’apprentissage, que l’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur (dont les établissements ont largement ouvert leurs cursus à l’alternance depuis 2018) prennent leur part dans l’investissement général sur l’apprentissage. Une position déjà tenue par les partenaires sociaux en 2022 dans leur bilan de la réforme de 2018. En novembre dernier, Carole Grandjean, alors ministre de la Formation professionnelle, avait annoncé la tenue d’une conférence des financeurs chargée de plancher sur la pérennisation du système. À cette heure, le sort de ce futur grand rendez-vous reste incertain.

« Désmicardiser » la France

C’est l’une des pistes annoncées par le nouveau Premier ministre afin « que le travail paie mieux ». En l’espèce, il s’agit de poursuivre un objectif déjà fixé par ses prédécesseurs Jean Castex et Élisabeth Borne qui, depuis la fin de la crise Covid, avaient enjoint les branches à lancer des négociations salariales pour supprimer les rémunérations minimales inférieures au salaire minimum. Une injonction qui s’était accompagnée de huit augmentations successives du Smic entre 2021 et le 1er janvier dernier, pour finalement porter son montant brut à 1 766,92 euros par mois. Problème : si les smicards y ont gagné en pouvoir d’achat, ces revalorisations constantes, alors que le reste des grilles salariales demeuraient inchangées, ont eu un effet pervers : celui de multiplier le nombre de salariés au salaire minimum. En clair, jamais le nombre de smicards n’a été aussi élevé, puisque leur proportion est passée de 12 % de la population active en 2021 à 17,3 % aujourd’hui, soit 3,1 millions de personnes !

En décembre dernier, une trentaine de branches n’avaient pas encore bouclé – voire entamé pour certaines d’entre elles, à l’image de celle des casinos – leurs négociations sur la revalorisation des salaires infra-Smic, courant le risque de sanctions pouvant aller jusqu’à la fusion forcée avec d’autres branches plus vertueuses. Peu de temps avant les fêtes de fin d’année, l’ancien ministre du Travail Olivier Dussopt avait d’ailleurs annoncé la constitution d’un comité de suivi des négociations de branches dont le début des travaux était programmé pour les premiers mois de 2024.

Mais pour le nouveau locataire de Matignon, la simple revalorisation des grilles salariales – même s’il les a enjoints à se poursuivre – ne saurait suffire. Il envisage une réforme plus profonde, notamment des politiques d’exonérations de charges : « Nous devons faire évoluer un système qui nous a conduits depuis des décennies à concentrer nos aides, nos exonérations, au niveau du Smic. Aujourd’hui, pour augmenter de 100 euros le revenu d’un employé au Smic, l’employeur doit débourser 238 euros de plus. Quant au salarié, il perd 39 euros de prime d’activité et voit sa CSG et ses cotisations sociales augmenter de 26 % et rentre dans l’impôt sur le revenu. […] Notre système […] a placé notre monde économique dans une situation où il n’y a plus aucun intérêt pour quiconque à augmenter un salarié au Smic. […] La progression salariale doit récompenser l’effort et le mérite », a promis Gabriel Attal en annonçant qu’une réforme, nourrie des contributions « de parlementaires, des partenaires sociaux et d’experts » serait portée « dès le prochain projet de loi de finances ».

Les négos seniors et assurance-chômage sous haute surveillance

Suivant l’objectif de plein-emploi fixé par Emmanuel Macron, mais aussi afin de lutter contre « les trappes à inactivité » et de faire en sorte que « le travail paie toujours plus que le chômage », Gabriel Attal s’est engagé à poursuivre les réformes de l’assurance-chômage déjà engagées en 2019. « Il est incompréhensible que le chômage reste à 7 % [7,4 % en réalité, NDLR] alors que tant d’entreprises et de filières continuent à avoir des difficultés à recruter », a lancé le nouveau locataire de Matignon.

Si les dernières réformes menées sous le précédent quinquennat et le début du second ont déjà introduit un nouveau calcul du salaire journalier de référence (SJR), la dégressivité des allocations pour les plus hauts revenus et la réduction de la durée d’indemnisation des chômeurs (de 25 % en moyenne selon les calculs de l’Unédic), le dernier projet de convention d’assurance-chômage signé par les partenaires sociaux en novembre 2023 (qui prévoyait notamment une réduction du montant et de la durée d’indemnisation des nouveaux inscrits, l’assouplissement de la dégressivité de l’allocation des hauts revenus, l’exclusion des saisonniers des nouvelles règles ou encore une baisse des cotisations patronales à l’Unédic de 0,05 %) s’est vu retoqué par Matignon, et les règles actuelles en vigueur prolongées jusqu’à l’été prochain. En cause : syndicats et organisations patronales n’avaient pas suffisamment tenu compte dans leurs négociations du recul de deux ans de l’âge de départ à la retraite et de son incidence sur l’emploi des seniors.

Conséquence : cette question du travail des salariés les plus âgés est renvoyée à l’actuelle négociation « senior », dont les partenaires sociaux viennent d’achever la phase de diagnostic. Avec la contrainte de faire réaliser à l’Unédic une économie de 400 millions d’euros en mettant fin, notamment, aux « retraites Unédic », une pratique qui concernait les salariés licenciés à 59 ans et qui voyaient leurs droits ouverts jusqu’à la décote de 67 ans. Si la négociation est encore en cours, Gabriel Attal a prévenu : le résultat des débats sera placé sous très haute surveillance. Et si leur résultat (comme celui de la prochaine convention d’assurance-chômage) s’éloigne trop de la trajectoire financière prévue par la lettre de cadrage gouvernementale, les partenaires sociaux seront contraints de « remettre l’ouvrage sur le métier » par un nouveau document d’orientation…

L’ASS supprimée

C’est peut-être l’une des annonces du volet « emploi » du projet gouvernemental qui a suscité le plus de huées sur les bancs de l’opposition… L’allocation spécifique de solidarité (ASS), cette indemnité d’un montant pouvant monter jusqu’à 545,10 euros par mois que perçoivent actuellement 320 000 chômeurs en fin de droits et qui prolonge la durée de leur indemnisation, tout en étant prise en compte dans le calcul des droits à la retraite, devrait se voir supprimée et les concernés renvoyés vers le RSA (donc sortis de France Travail pour être basculés sur les départements).

L’acte II de la réforme du travail « après l’été »

Emmanuel Macron l’avait promise, Gabriel Attal vient de la confirmer. Une nouvelle réforme du travail doit être menée « après l’été » – le président de la République, l’avait, lui, annoncée pour le printemps. Si le Premier ministre s’est montré peu disert sur son contenu, il a néanmoins précisé qu’elle permettrait aux TPE et PME de « négocier certaines règles directement entreprise par entreprise ».

Pour l’instant, difficile de savoir quel sera le périmètre exact de cette réforme des règles en entreprises. Mi-janvier, la CPME avait toutefois adressé à l’exécutif une série de propositions visant à « simplifier » la vie des entreprises. En matière sociale, l’organisation patronale plaidait, entre autres, pour une simplification de la consultation des CSE (notamment par visioconférence), le caractère facultatif de la tenue de la base de données économique et sociale (BDES), le relèvement de certaines obligations sociales des entreprises d’un seuil de 50 salariés à 100, l’ouverture du premier tour des élections professionnelles à des candidatures « libres » dans les entreprises de moins de 300 salariés ou encore la possibilité de déroger aux accords collectifs dans les TPE et PME de moins de 50 salariés en cas d’absence d’un délégué syndical. À voir si les équipes gouvernementales piocheront dans les idées exprimées par les troupes de François Asselin ou si elles partiront sur d’autres scénarios…

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre