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Intérim: le CD2i toujours victime de la concurrence du contrat d'employabilité.

Marché de l'emploi | publié le : 05.07.2023 | Benjamin d'Alguerre

L’intérim mise sur le nucléaire pour sortir de la récession

L’intérim mise sur le nucléaire pour sortir de la récession.

Crédit photo weyo / Adobe stock

Victime du ralentissement de l’économie, l’intérim connaît une récession en 2023. Même son dispositif-phare d’insertion, le CDI intérimaire, fait du surplace, victime de la concurrence du CDI d’employabilité toujours en expérimentation. Les professionnels du secteur cherchent alors de nouveau débouchés. 

L’intérim fait grise mine. L’embellie constatée en 2022 n’a pas duré. Au contraire, les perspectives 2023 sont plutôt démoralisantes pour les professionnels du travail temporaire, puisque sur les premiers mois de l’année, quasiment tous les secteurs consommateurs d’intérimaires connaissent une récession. Ainsi, au mois d’avril, le commerce enregistrait un recours aux intérimaires en baisse de 11,3 %, le BTP de 2 %, les transports et la logique de 7,5 % et les services de 0,5 %. Seule l’industrie a maintenu la tête hors de l’eau avec un emploi temporaire en hausse d’1,7 % (mais pour une moyenne de seulement + 1 % sur les premiers mois de l’année). Au total, le mois d’avril 2023 s’est achevé sur un recul de l’intérim d’1,9 %, à comparer aux + 6,8 % d’avril 2022…

« Le lien entre croissance économique et croissance du recours à l’intérim est peut-être moins évident qu’avant », commentaire Gilles Lafon, président récemment réélu de Prism’emploi, la fédération des employeurs du travail temporaire. La tendance se confirme d’ailleurs sur le plan régional : - 9,4 % en PACA, - 6,4 % dans les Hauts-de-France, - 5 % en Nouvelle-Aquitaine ou - 1,1 % en Occitanie même si, à l’échelon microlocal, le bassin industriel toulousain résiste. Seule la Bourgogne-Franche-Comté affiche un petit + 1,5 %, porté par l’industrie locale.

Ces mauvais chiffres s’accompagnent également du constat d’une stagnation du CDI intérimaire avec un tassement des signatures de contrats en 2023. Avec 50 875 ETP engagés dans un tel contrat en 2023, ce dispositif – qui soufflera ses dix bougies cet été – stagne. Prévu pour permettre à un intérimaire de multiplier les missions sur une année complète en bénéficiant d’une rémunération continue associée à divers avantages sociaux (mutuelle, prévoyance, etc.) et de périodes de formation durant les périodes d’intermission, le CDI intérimaire (ou CD2i) est à la fois victime d’un cadre réglementaire trop strict et de la concurrence directe d’un autre mécanisme d’emploi : le contrat à temps partagé à des fins d’employabilité (CDITFE ou « CDI d’employabilité »). Mis en place à titre expérimental par la loi Pénicaud de 2018, cet autre contrat au fonctionnement assez proche de celui du CD2i présente l’avantage de revenir 12 % moins cher à l’employeur puisqu’il ne comporte ni prime de fin de contrat, ni d’affiliation obligatoire à une mutuelle, ni régime de prévoyance. « Il a été détourné de son usage », s’agace Isabelle Eynaud-Chevalier, déléguée générale de Prism’emploi. Notamment par des employeurs qui n’en respectent pas les limites en proposant à des publics non éligibles (qui ne sont ni chômeurs de longue durée, ni en situation d’insertion, ni au RSA) d’en bénéficier. Voire en faisant glisser certains salariés en CDI intérimaire vers le CDI d’employabilité. La Poste est ici particulièrement pointée du doigt.

Mais en attendant qu’un rapport de l’Igas, attendu pour cet automne, ne vienne éventuellement mettre un coup d’arrêt à cette concurrence déloyale en recommandant la fin de l’expérimentation, le travail temporaire cherche de nouveaux débouchés. Et dans le cadre du plan de transformation énergétique qui doit s’étendre jusqu’à 2050, le nucléaire en représente un. Certes, actuellement, le travail temporaire ne pèse que 3 % de l’emploi dans la filière, mais la hausse de 50 % du recours à l’intérim par ses acteurs en 2021 laisse entrevoir d’énormes perspectives de croissance. À condition de disposer de la main-d’œuvre qualifiée nécessaire. « Aujourd’hui, nous formons chaque année environ 2 000 travailleurs dans ce domaine », indique Gilles Lafon. Et Prism’emploi entend bien renforcer ses partenariats avec le Groupement des industriels de l’industrie nucléaire afin de pouvoir renforcer son offre de formation en la matière. Reste cependant à attirer des intérimaires vers ce secteur à l’image dégradée. La plus grande difficulté pourrait bien être là…

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre