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Prime de retour à l’emploi des seniors : la proposition de Renaissance mal accueillie par les syndicats

Marché de l'emploi | publié le : 24.01.2024 | Benjamin d'Alguerre

Prime de retour à l’emploi des seniors : la proposition de Marc Ferracci (très) mal accueillie par les syndicats.

Crédit photo DR

Le député Renaissance propose de convertir les droits au chômage des seniors sans emploi après 18 mois d'indemnisation en prime les incitant à un retour rapide au travail. Les syndicats y voient un parasitage de leur propre négociation sur les seniors doublé d’un coup de pression indirect de l’Élysée.

Une prime spéciale de retour à l’emploi pour les demandeurs d’emploi âgés afin d’inciter ceux-ci à revenir le plus vite possible dans le monde du travail ? C’est la proposition que vient de formuler, le 23 janvier, le député Renaissance Marc Ferracci afin de réduire le taux de chômage des seniors. Son idée : réduire la durée d’indemnisation des chômeurs âgés de plus de 55 ans en l’alignant sur le régime général des demandeurs d’emploi (18 mois au lieu de 27 actuellement) et verser le reliquat des droits cumulés aux seniors revenus à l’emploi sous forme de prime, en deux fois. Une première dès la prise de poste, la seconde au bout de six mois. Psychologiquement, le dispositif repose sur un mécanisme incitatif simple : plus le retour à l’emploi est rapide, plus le montant de la prime sera élevé.

Variable d’ajustement des comptes de l’Unédic

Sauf que du côté des syndicats, l’accueil fait à la proposition du député de la sixième circonscription des Français établis hors de France (Suisse-Liechtenstein) est franchement glacial. « Ballon d’essai » pour les uns. « Provocation » pour les autres. Quand la suggestion n’est pas carrément qualifiée d’« idée de m… ». « Monsieur Ferracci a peut-être des idées, mais pour le moment, les règles d’indemnisation de l’assurance-chômage sont négociées entre partenaires sociaux ! » lance fraîchement Olivier Guivarch, secrétaire national de la CFDT chargé de l’emploi et de la sécurisation des parcours.

Il faut dire que ce n’est pas la première fois que l’exécutif et sa majorité font de la durée de l’indemnisation des seniors l’une des variables d’ajustement de la bonne tenue des comptes de l’Unédic. Déjà réduite de 36 à 27 mois depuis la dernière réforme de l’assurance-chômage entrée en vigueur en février 2023, Bruno Le Maire avait proposé de la redescendre encore d’un cran, à 18 mois, en novembre dernier. À l’époque, c’est Olivier Dussopt, encore ministre du Travail, qui avait freiné les ardeurs de son collègue de Bercy.

« Une nouvelle manière de rogner les droits des chômeurs âgés »

Et dans la foulée des annonces présidentielles sur un « acte II » des réformes du travail assorties de la promesse de contrôles plus sévères sur les chômeurs, la proposition de Marc Ferracci, membre du premier cercle des proches d’Emmanuel Macron et déjà inspirateur des ordonnances travail de 2017 et de la précédente réforme de l’assurance-chômage (il fut conseiller social de Muriel Pénicaud au ministère du Travail, puis de Jean Castex à Matignon lors du premier quinquennat macroniste), ne passe pas.

« Cette proposition, c’est une nouvelle manière de rogner les droits des chômeurs les plus âgés », affirme Denis Gravouil, en charge de l’assurance-chômage, de la protection sociale et des retraites à la CGT. Plus grave : le versement de la prime après reprise d’emploi « revient à faire peser la responsabilité du chômage sur leurs seules épaules, sans tenir compte des difficultés structurelles que les plus âgés rencontrent sur le marché du travail », ajoute Jean-François Foucart, secrétaire national emploi-formation à la CFE-CGC.

Un « coup de pression téléguidé par l’Élysée » ?

Ce qui coince, c’est aussi le tempo choisi par le parlementaire puisque sa proposition de réforme intervient… alors même que les partenaires sociaux sont engagés dans une négociation sur l’emploi du senior qui, à l’issue d’une première phase de diagnostic – qui devrait normalement s’achever ce soir, le 25 janvier –, doit les engager sur une dizaine de séances de discussions entre le début février et la fin mars. Discussions qui doivent, entre autres, venir corriger le dernier projet de convention d’assurance-chômage que l’État avait retoqué en novembre 2023… pour cause, justement, d’absence de prise en compte, dans le texte final, de mesures propres aux seniors liées aux nouvelles règles en matière d’âge de départ à la retraite.

Et dans ce contexte où les partenaires sociaux ont été priés de revoir leur copie d’ici le mois de mars, l’initiative de Marc Ferracci apparaît « comme un coup de pression directement téléguidé par l’Élysée » aux yeux de Denis Gravouil. Pour la CFDT, il serait malvenu que l’État, qui a choisi de redonner la main aux partenaires sociaux pour corriger le tir, ne respecte pas son deal : « la négociation des règles d’indemnisation spécifique des seniors demandeurs d’emploi sera enchâssée dans la négociation actuelle. Les partenaires sociaux se sont engagés à conclure fin mars 2024 un avenant à l’accord de fin 2023. En cas d’accord, nous demanderons l’agrément de la convention d’assurance-chômage avec son avenant », détaille Olivier Guivarch. En clair : pas touche aux règles de l’indemnisation des seniors jusqu’au délai imparti. À moins que l’exécutif, qui s’est accordé le droit de les modifier par décret jusqu’au mois de juin prochain, n’ait décidé d’accélérer la cadence…

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre