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Titre de séjour pour métiers en tension: «Pas de politique de quotas», promet Dussopt

Marché de l'emploi | publié le : 03.11.2022 | Benjamin d'Alguerre

Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein Emploi et de l'Insertion

La régularisation des sans-papiers exerçant un emploi pénurique, l’idée vient d’être lancée par l’exécutif dans le cadre du futur projet de loi «Immigration». Olivier Dussopt l’assure : le texte ne reviendra pas à conduire une politique de quotas.

Un permis de séjour en échange d’un contrat de travail dans un secteur qui manque de main-d’œuvre ? Présentée à l’occasion d’une interview donnée à nos confrères du Monde le 2 novembre dernier par les ministres de l’Intérieur Gérald Darmanin et du Travail Olivier Dussopt, la mesure s’annonce comme l’un des volets majeurs du futur projet de loi « Immigration » prévu pour examen au Parlement en début d’année prochaine. Selon les premières déclarations, il s’agira d’un « titre de séjour métier en tension » qui permettra à un travailleur sans-papiers d’obtenir une régularisation temporaire en échange de l’exercice d’un emploi dans l’un des secteurs en manque de bras.

Listes régionales

Un premier inventaire des métiers et secteurs pénuriques a d’ores et déjà été dressé en avril 2021, après un travail de remontées d’informations mené par les Régions et les partenaires sociaux en concertation avec le ministère du Travail. Ce travail d’identification remontait à loin puisqu’il aurait initialement dû accompagnement la loi Hortefeux du 20 novembre 2007 « sur la maîtrise de l’immigration » qui prévoyait déjà la mise en place d’un dispositif semblable de régularisation provisoire des étrangers hors-UE titulaires d’un emploi dans un secteur en tension. Revenue au pouvoir en 2012, la gauche avait écarté cette mesure pour lui préférer la circulaire Valls de 2012 offrant à tout clandestin bénéficiaire d’un contrat de travail la possibilité d’une régularisation. Circulaire qu’aujourd’hui, les syndicats de livreurs en deux roues veulent étendre aux auto-entrepreneurs dans le cadre de la négociation en cours sur les droits des travailleurs des plateformes.

Quels métiers seraient de nature à ouvrir droit à régularisation ? On trouve dans la liste remise à jour en 2021 une trentaine de métiers, répartis régionalement en fonction des besoins de main d’œuvre territoriaux. Sont donc recherchés chaudronniers, agents d’entretien, maraîchers, chauffeurs-routiers, aides-soignants, plombiers, maçons… mais aussi, de façon plus surprenante, des profils plus qualifiés dont certains employeurs régionaux manquent : ingénieurs du bâtiment et des travaux publics dans les Pays de Loire, cadres du secteur bancaire dans les Hauts-de-France ou géomètres en Ile-de-France. Une nouvelle édition « 2023 » de la liste des métiers pénuriques devrait voir le jour cette fin d’année après un travail de ripolinage mené par les services d’Olivier Dussopt en concertation avec les partenaires sociaux.

Un titre de séjour conditionné à l'expérience professionnelle et à la maîtrise de la langue

En remettant la question de la régularisation des sans-papiers titulaires d'un emploi sur le tapis, Gérald Darmanin et Olivier Dussopt ont en tout cas d’ores et déjà provoqué une levée de boucliers du côté de LR – qui préférerait la mise en place d’une une politique de quotas d’immigration qualifiée sur le modèle canadien – et de l’extrême-droite, qui la refuse en bloc. « Le Gouvernement annonce un projet de régularisation massive de l’immigration clandestine sous prétexte de métiers en tension », tempête le député de l’Essonne Nicolas Dupont-Aignan sur son compte Twitter. « Il n’y a pas de plan caché de naturalisation ou régularisation massive », répondait à quelque heures d’écart Olivier Véran, porte-parole du Gouvernement, sur BFMTV. Côté syndicats, la CGT juge la facilitation de la régularisation des travailleurs sans-papiers comme "de bon sens" tout en condamnant en bloc le reste du texte.

Sur France Info, Olivier Dussopt précisait les contours du projet : « Il ne s’agit pas de quotas, car nous savons que la méthode des quotas, qui peut sembler séduisante, n’est pas en réalité véritablement opérationnelle. » A en croire le ministre, chaque situation individuelle devrait être examinée au cas par cas par les préfectures. Et les conditions d’éligibilité seront drastiques, prévient de son côté le député Renaissance Marc Ferracci. « Les conditions de résidence ne seront plus suffisantes, une expérience professionnelle de quelques années sera exigée et l’obtention du titre sera également conditionnée à la maîtrise du français ». Cependant, le projet de loi devrait aussi permettre de renforcer la lutte contre le travail au noir en empêchant un employeur de sans-papiers de freiner leur régularisation. « L’initiative de demander une autorisation de travail pourra être prise par les salariés eux-mêmes », précise le parlementaire.

Une incertitude demeure toutefois encore : quid des travailleurs régularisés temporairement dont le métier perdrait son caractère pénurique? Redeviendraient-ils expulsables à nouveau comme semble le souhaiter la Place Beauvau ou le titre de travail se verrait-t-il prolongé à l'image de la solution vers laquelle semble pencher la Rue de Grenelle? Le débat ne fait que commencer.

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre