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Recrutement : « Nous vivons une époque de recommandation sociale » (Séverine Loureiro)

Recrutement | publié le : 28.02.2024 | Propos recueillis par Gilmar Sequeira Martins

Responsable Engagement, conférencière, autrice et vice-présidente du Lab RH, Séverine Loureiro analyse tous les avantages que peut présenter le recueil d’avis des salariés dans le cadre de la valorisation de leur marque employeur.

Quelle est l’importance de l’avis des salariés pour une entreprise ?

Séverine Loureiro : Nous vivons une époque de recommandation sociale. Le premier réflexe de quiconque veut procéder à un achat, qu’il s’agisse d’un produit ou d’un voyage ou d’un autre type de prestation, c’est de chercher les avis des personnes qui ont acheté ce produit ou sont allées dans ce restaurant, etc. Or le consommateur est aussi un collaborateur, ils ne font qu’une seule et même personne et dans tous les domaines, y compris l’entreprise. La dimension d’expérience est devenue centrale. Glassdoor est le produit de cette évolution. C’est le même principe que Tripadvisor appliqué à l’entreprise. Aujourd’hui, l’avis des salariés pèse donc aussi d’un poids très important dans l’attractivité des entreprises. Un candidat qui recherche un emploi va sans doute accorder plus d’attention à des avis négatifs sur l’entreprise qu’à la communication produite par la direction de la communication. Une chose est sûre et de nombreuses études l’ont démontré : les avis des pairs ont plus de poids que ceux émanant des entreprises, qui sont considérés comme intéressés. En tout cas sur la question de l'attractivité, l'entreprise doit vraiment surveiller ces avis parce qu'ils vont avoir, soit un effet positif en termes de prescription et de recommandations, soit, si c’est un avis négatif, un impact qui viendra dégrader son message et sa propre communication employeur.

Quel type d’avis est le plus décisif ?

S. L. : Les avis qui ont le plus de poids sont ceux qui ne sont pas factuels, que le candidat ne peux pas vérifier par d'autres moyens. Le montant de la rémunération est une information facile à trouver. Elle peut figurer soit sur l’offre d’emploi, soit être mentionnée durant l’entretien. Il est ensuite facile de la comparer à d’autres. Ce que les candidats vont chercher en priorité dans les avis des salariés, ce sont des données sur les conditions de travail, la qualité du management et l’ambiance de travail. Les conditions de travail peuvent être ramenées à des paramètres factuels, horaires, etc, mais pas la qualité du management ou l’ambiance de travail. Le recruteur ne donnera pas un avis négatif sur ces paramètres. D’autant plus qu’il peut parfaitement avoir une vision partielle de son entreprise et ignorer que telle équipe se trouve dans une situation compliquée.

Faut-il aussi recueillir l’avis des salariés qui ont quitté l’entreprise ?

S. L. : Oui, bien sûr. Quand j’ai commencé à évoquer cette question à travers l’off-boarding, il y a plusieurs années maintenant, les DRH m’ont regardé avec des yeux ronds. Leur message était le suivant : il/elle est parti/e, il n’a plus de lien avec l’entreprise. Je leur répondais toujours avec l’argument de la prescription. Certes, il ou elle est parti.e, mais rien ne l'empêche de continuer de parler de l’entreprise. Avec cet avantage que l’avis d'une personne qui est partie sera d’autant plus valorisé qu’elle n’a plus de lien avec l’entreprise et peut donc parler plus librement.

Comment doivent procéder les entreprises pour recueillir les avis des salariés ?

S. L. : Elles peuvent organiser des campagnes de recueil d’avis, en particulier auprès des nouveaux arrivés lors de la période d’on-boarding. Ou auprès des salariés qui viennent de finir une formation, ou de ceux qui viennent d’être promus. Il peut être judicieux de confier le recueil d’avis à des partenaires extérieurs, ce qui peut sécuriser les salariés notamment sur le traitement anonyme desdits avis. En parallèle, en interne, il faudra aussi un réel effort de communication et de pédagogie pour expliquer pourquoi cet appel à avis est engagé : ses enjeux et ses objectifs, ainsi que ses modalités (conditions de recueil et d’utilisation des avis). Envoyer un simple mail ne suffira pas. Les entreprises ne doivent pas avoir honte de dire à leurs salariés qu’elles ont besoin d’avis positifs pour attirer et recruter de nouveaux talents. Les salariés qui se sentent bien dans l’entreprise vont alors contribuer plus facilement. Les entreprises n’hésitent pas à solliciter en permanence leurs clients pour obtenir leurs avis alors pourquoi ne pas solliciter aussi les collaborateurs ?

Est-ce parce que les équipes RH sont réticentes à faire du marketing ?

S. L. : En 2015, alors que j’exerçais déjà depuis plus de 10 ans en RH, j’ai choisi de suivre un MBA en marketing car à l’époque il n’y avait pas de formations qui mêlaient marketing et RH or j’avais la conviction que c’était une compétence qui avait devenir indispensable. Il y a maintenant des formations en marketing RH, donc les entreprises ont compris que cette nouvelle compétence est nécessaire, mais ce n'est pas encore forcément un réflexe. Les DRH sont eux-mêmes souvent issus de formations plus traditionnelles, et peu ont eu des formations au marketing de sorte qu’ils n’ont pas ce type de réflexe. Par exemple, parler de « clients internes » (1), autrement dit les collaborateurs, est encore compliqué dans beaucoup d’entreprises. Or ce n’est qu’avec cette vision que l’on pourra maximiser la démarche de recueil d’avis, et entrer dans une logique de satisfaction des collaborateurs sur un modèle parallèle à la satisfaction clients.


1. « La petite boîte à outils de l’onboarding », Dunod, 2023

Auteur

  • Propos recueillis par Gilmar Sequeira Martins