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Generali France accélère sur l’IA et l’automatisation

Digitale | publié le : 06.11.2023 | Propos recueillis par Gilmar Sequeira Martins

Sylvie Peretti et Emmanuel Néré

Sylvie Peretti, membre du comité exécutif en charge des relations humaines et de l’organisation, et Emmanuel Néré, directeur de l’innovation, font pour Entreprise & Carrières un point de la situation et des perspectives inédites qu’apportent ces nouvelles technologies.

Crédit photo Sébastien d’Halloy

L’assureur Generali France a étendu à l’IA son partenariat avec Avanade, la joint-venture créée par Microsoft et Accenture. Sylvie Peretti, membre du comité exécutif en charge des relations humaines et de l’organisation, et Emmanuel Néré, directeur de l’innovation, font pour Entreprise & Carrières un point de la situation et des perspectives inédites qu’apportent ces nouvelles technologies.

Avez-vous des projets qui mobilisent l’IA générative ?

Emmanuel Néré : Sur l'IA générative, nous expérimentons un dispositif qui permet d’améliorer l’accès à l’information de nos bases de connaissances, nos procédures ou les meilleures pratiques qui y ont été codifiées. Nous travaillons notamment à l’analyse de centaines de milliers de rapports de façon à identifier et extraire des données qui pourraient notamment être utiles du point de vue de la prévention du risque, l’un de nos axes majeurs de développement. Ce dispositif est déployé avec une IA générative privée qui permet de garantir la confidentialité de l'ensemble des informations. Le grand enjeu de 2024 sera d’utiliser l’IA générative de façon à avoir, soit plus d'efficacité, soit plus de pertinence, par rapport aux questions opérationnelles qui sont posées. C’est là encore un outil qui doit permettre aux experts de Generali de passer plus de temps sur la prise de décision ou la recherche de solutions, une fois que l’IA aura fourni des résumés complets ou l’accès à une information plus pertinente. Il s’agit de mettre à disposition de chacun des collègues de l'entreprise des outils qui facilitent leur travail quotidien.

Allez-vous déployer Copilot, l’assistant d’IA pour la suite bureautique de Microsoft ?

Sylvie Peretti : Nous étudions en effet l’usage de Copilot dans le cadre d’un bêta test. Nous allons l’expérimenter avec des premiers utilisateurs qui ont un cas d'usage concret et puis nous agirons par extension progressive. Nous démarrons toujours avec quelqu'un qui veut tester et ensuite nous analysons progressivement jusqu'où cela fait sens de pousser l’extension. Il faut toujours déterminer la frontière entre le coût de l'outil et puis l'usage concret qu'on peut en faire. L'IA générative pourrait optimiser les outils que nous avons déjà évoqués ou contribuer à la recherche documentaire. L’IA pourrait permettre de mieux classer les contenus et de les restituer de manière plus intelligible auprès de ceux qui font les recherches. Les outils d’IA n’arrivent pas spontanément. Généralement, il y a d’abord identification d’une problématique dans l'équipe et dans son fonctionnement. L’enjeu est alors soit de simplifier, soit de gérer un volume inhabituel lié à une saisonnalité. Aujourd’hui, il y a un certain nombre de tâches qui sont ressenties comme pénibles par la jeune génération du fait de leur caractère répétitif. Ces jeunes sont appétant à faire des choses plus élaborées, plus complexes, à être davantage dans le cœur de métier.

Comment se déroule ce processus ?

S. P. : Nous démarrons par un pilote élaboré en concertation avec l’équipe IT, la ligne managériale ainsi que les experts et les sachants de l’équipe qui a identifié la problématique. L’analyse est commune et cela crée une adhésion au processus. Le déploiement de la solution élaborée peut faire évoluer certaines activités et c’est là qu’un processus RH doit être mis en œuvre en concertation avec le management et l’IT. L’enjeu est d’identifier le plus en amont possible ces problématiques pour accompagner au mieux les équipes, voire modifier l’organisation existante. Ces évolutions peuvent aussi impliquer de la formation, habituellement dans une optique de up-skilling, mais aussi de re-skilling. Ce travail s’effectue avec de l’intelligence exclusivement humaine au sein de notre observatoire des métiers, qui produit chaque année un panorama de toutes les activités afin d’identifier au plus tôt les changements ou évolutions. Cela nous permet de déterminer lesquelles seront automatisées ou qui nécessiteront de recourir à l’intelligence artificielle. C’est une analyse qui se donne un horizon de projection de trois ans. Cela nous permet de mettre au point des plans d’accompagnement et de formation que nous partageons avec les partenaires sociaux et l’ensemble des collaborateurs. Ce panorama permet d’identifier les métiers sensibles ou fragiles, dont l’activité va se réduire. Nous en avions encore il y a cinq ans, mais nous n’en avons plus aujourd’hui. Il permet aussi d’identifier les métiers en « tension », dont il faut renforcer les effectifs, par recrutement interne ou externe. Il y a aussi les métiers en mutation, c’est-à-dire ceux dont les compétences et les missions évoluent, ce qui exige des plans d’accompagnement ou de formation. Enfin, il y a les métiers dits « critiques », soit parce que ces compétences sont rares sur le marché, soit parce qu’ils impliquent une longue durée de formation, et sur lesquels nous devons être en avance de phase. Ce panorama débouche sur des plans d’action RH qui sont partagés avec les élus et les collaborateurs.

Quels métiers avez-vous identifiés dans ces différentes catégories ?

S. P. : Certains métiers peuvent figurer dans plusieurs catégories. Parmi les métiers « critiques » figurent la souscription, la conception technique actuarielle et le marketing. Dans les métiers en mutation figurent les systèmes d'information, les ressources humaines, la communication, l'actuariat et la gestion des actifs. Parmi les métiers en tension figurent le pilotage économique, la distribution, le juridique, le marketing et la souscription IARD. Mais nous n'avons plus de métiers fragilisés.

Quels sont les objectifs du partenariat conclu en septembre avec Avanade (joint-venture entre Microsoft et Accenture) ?

E. N. : Avanade est un partenaire de Generali pour le développement de la Cognitive Factory, notre centre d'excellence interne, qui s’attache à apporter des solutions d’automatisation face aux enjeux de qualité de service et de valeur ajoutée à apporter à nos clients. L’équipe de Cognitive Factory compte une dizaine de personnes et nous travaillons avec Avanade pour monter en puissance dans ce domaine. L’actionnariat d’Avanade, formé par Microsoft et Accenture, peut réunir deux expertises à la fois : l’une liée aux technologies, l’autre aux process d’industrialisation. Ce dispositif nous a permis de développer plus d’une dizaine de solutions au service de la transformation des métiers. Dans une première étape, les équipes nous font remonter des tâches à faible valeur ajoutée, répétitives et mécaniques, au sens où elles sont claires, structurées et ne laissent aucune place à l'interprétation. Ce sont les conditions initiales à réunir. Puis, dans une seconde étape, nous avons pu prendre en charge des activités plus complexes, laissant la place à l’interprétation – par exemple, à l’interprétation de l’intention d’un assuré postant une demande dans son espace client.

Quels outils avez-vous déjà développés ?

E. N. : Nous avons déployé, depuis 2020, un serveur vocal interactif en langage naturel qui traite plus d’un million d’appels par an, soit entre 90 % et 95 % des appels entrants. Il remplace ces anciens serveurs qui demandaient de taper 1, taper 2, etc., et qui avaient parfois l’inconvénient de faire entrer les appelants dans des « boucles ». Que fait l’IA ? D’abord, elle identifie l’appelant et qualifie la demande. C'est une charge cognitive assez faible, parce qu'il s'agit d'avoir un numéro de contrat, un nom et d'identifier le motif de l’appel. La discussion qui suit avec le conseiller va se focaliser sur ce qui a le plus de valeur ajoutée, à savoir la réponse à la demande du client. Nous avons observé des résultats significativement meilleurs sur le taux de décroché. Auparavant, le simple fait d'entendre le serveur vocal ou de devoir attendre quelques instants pouvait pousser le client à raccrocher, alors qu’avec une prise en charge dès le premier appel, le client n’a pas à rappeler et cela supprime les appels inutiles. Avec un taux de décroché qui est passé de 65 % à 90 %, les équipes sont moins stressées. Elles retrouvent du temps et travaillent plus sereinement.

Avez-vous développé un outil analogue pour les mails ?

E. N. : Nous utilisons aussi un module appelé Text Analyzer, qui fait avec les mails ce que le serveur interactif réalise avec les appels vocaux. Il identifie le mail, le classifie, digitalise les documents nécessaires et dépose le mail dans la boîte aux lettres de la personne qui doit le traiter. Text Analyser est en production depuis quatre ans et traite 1,3 million de mails par an. La gestion des contrats en déshérence, c’est-à-dire les contrats dont on ne retrouve pas les bénéficiaires après le décès du souscripteur, a aussi été améliorée grâce à l’IA. Nous avons réduit de moitié le temps nécessaire pour retrouver les bénéficiaires et nous en avons retrouvé 50 % de plus qu’avec la méthode traditionnelle, qui mobilisait des détectives. C’est plus efficace et cela réduit le stress des équipes, tout en leur apportant une plus grande satisfaction. Nous avons aussi des RPA1, soit une centaine de « robots », qui ont traité cette année plus d'un million d'actes, comme l’envoi des attestations d’assurance scolaire, les saisies d’habilitation lorsqu’une nouvelle personne arrive dans la société ou l’identification d’un véhicule volé ou accidenté. Dans ce dernier cas, la police ou la gendarmerie envoie à tous les assureurs les caractéristiques du véhicule et c’est un robot qui vérifie si ce véhicule est assuré chez nous. Nous cherchons à la fois à étendre la robotisation et à la porter sur les activités en croissance, celles qui pèsent le plus sur la charge opérationnelle.

Les utilisateurs vont-ils créer leurs propres outils ?

E. N. : Nous avons déployé des outils qui permettent aux utilisateurs finaux des métiers de coder eux-mêmes des robots simples pour automatiser une partie de leur activité. Prenons un exemple. Lorsqu’un gestionnaire a trié des situations clients ou des situations de sinistre dans un fichier Excel et qu’il veut en faire part à un inspecteur (salarié de la compagnie chargé de l’animation des agents généraux), il peut avec un robot créer un message type dans ses brouillons de messagerie et le robot va ensuite envoyer autant de messages qu’il y a de sous-ensembles créés dans le fichier Excel. Là, il s’agit d’un outil qui permet à chacun d’automatiser une partie de ses propres activités et non pas d’automatiser des activités qui sont réalisées par tous.

Que fait l’outil baptisé "Spider" ?

E. N. : Spider est un outil développé en interne. Depuis trois ans, il permet de détecter la fraude en réseau ou la fraude complexe. C’est un peu l’inverse des processus d’automatisation précédents. Là, il s’agit de détecter des éléments que l’humain a du mal à appréhender parce qu’il n’a pas de capacités suffisantes pour analyser l’ensemble de l’historique des opérations. Cela permet par exemple de détecter un type de fraude bien réelle, lorsque deux ou trois personnes cherchent à obtenir des remboursements de plusieurs sinistres en échangeant les rôles lors des demandes successives : une fois, l’un est l’assuré, une autre fois, il est à l’origine de l’accident, et il peut même y avoir une troisième personne qui joue le rôle de témoin. L’intelligence artificielle permet de repérer des anomalies statistiques de ce type, puisqu’il y a très peu de chances pour que les trois mêmes personnes soient impliquées régulièrement dans différents sinistres. Cela permet d’avoir des alertes pour alimenter nos investigateurs. Spider est aussi utilisé, par exemple, pour vérifier les critères de conformité sur les personnes politiquement exposées.

Que fait Verbatim ?

E. N. : Il s'agit d'une application qui analyse les retours des agents généraux et des partenaires distributeurs (courtiers…) sur la qualité de service de l’informatique. Avant d’avoir cette appli, nous interrogions peu d’agents et cela mobilisait beaucoup de temps de lire tous les témoignages. Aujourd’hui, nous pouvons interroger à plus grande échelle et les motifs d’insatisfaction sont plus rapidement identifiés. Au lieu de lire des verbatims, les managers de services passent plus de temps à contextualiser les problèmes pour trouver les causes racines, y compris en appelant les personnes concernées, et à élaborer des solutions. Cet outil permet donc de connecter à plus grande échelle le vécu commercial et la technologie à leur apporter.


(1) RPA : Robotic Process Automation

 

Auteur

  • Propos recueillis par Gilmar Sequeira Martins