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Durées de formation en baisse, tarifs inchangés… la CDC dénonce les nouvelles pratiques douteuses du marché du CPF

Formation | publié le : 01.10.2023 | Benjamin d'Alguerre

Durées de formation en baisse, tarifs inchangés… la CDC dénonce les nouvelles pratiques douteuses du marché du CPF.

Durées de formation en baisse, tarifs inchangés… la CDC dénonce les nouvelles pratiques douteuses du marché du CPF.

Crédit photo Piscine26 / Adobe stock

Les pratiques de « shrinkflation », jusqu’alors propres à la grande distribution, se répandent désormais sur le marché du CPF. Face aux organismes indélicats qui baissent le volume horaire de leurs formations sans pour autant diminuer leurs tarifs, la Caisse des dépôts s'irrite. Mais ses possibilités d'action sont faibles.

Sur le marché du CPF monétisé, les entourloupes commerciales se suivent et ne se ressemblent pas… Même si, au final, c’est toujours le client qui se retrouve perdant. À peine les pouvoirs publics viennent-ils de poser les premières pierres d’une moralisation du marché en imposant de sévères restrictions aux vendeurs (en leur interdisant la pratique du démarchage commercial abusif et en nettoyant les bases de données de la plateforme Mon Compte Formation des offres non conformes à la réglementation) et aux acheteurs (à travers le renforcement de l’identification numérique préalable à l’achat) que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) tire la sonnette d’alarme sur une nouvelle pratique de vente largement contestable : la « shrinkflation ».

Des tarifs horaires en hausse de 63,5 %

Derrière l’anglicisme – les puristes de la VF lui préfèrent le terme de « réduflation » – se dissimule une manœuvre commerciale déjà bien connue du monde de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution, que les associations de consommateurs dénoncent régulièrement : il s’agit pour un producteur ou un distributeur de réduire le volume des produits proposés aux clients, mais sans en diminuer le prix… Voire en l’augmentant ! Sur le marché du CPF, c’est le volume horaire des formations qui fait office de variable d’ajustement. L’organisme de formation réduit le nombre d’heures consacré à une formation référencée sur la plateforme Mon Compte Formation, mais sans en avertir le consommateur et sans répercuter cette baisse sur le prix d’achat. Peu visible sur la facture finale du client, la manœuvre semble s’être répandue sur la période 2020-2022, puisqu’à en croire les chiffres présentés par la CDC vendredi 29 septembre, le tarif horaire moyen des formations a grimpé de 63,5 % sur la période alors que les prix de vente finaux, eux, se limitaient à une augmentation de 7,7 %.

Pour les organismes de formation, l’intérêt est double : il s’agit non seulement de camoufler les effets de l’inflation sur les tarifs pratiqués, mais aussi de compenser la baisse de 7 % des achats de formations sur la plateforme Mon Compte Formation constatée sur la séquence 2021-2022 après la mise en place des premières mesures de restriction des conditions d’achat.

La pratique est facilitée par le boom des formations réalisées à distance, dont le nombre explose depuis 2020. Alors que celles-ci représentaient 6 % de l’offre recensée sur Mon Compte Formation en 2019, elles représentent désormais 52 % du catalogue trois ans plus tard. Un changement de format boosté par les confinements de 2020 et 2021 et le développement de la pratique du télétravail, mais aussi par la facilité à adapter certains cursus au mode e-learning. C’est donc sans surprises que parmi les domaines les plus touchés par la shrinkflation, on retrouve surtout la bureautique (83 % de distanciel), les langues étrangères (72 %) et l’aide à la reprise ou création d’entreprise (Acre). Pour ces deux dernières, le marché est d’autant plus lucratif que, selon la Dares, elles figurent toujours dans le top 3 des formations les plus achetées au titre du CPF. En 2022, l’Acre représentait 14,7 % du marché et les langues 13,5 %.

Possibilités d’action réduites

À ce stade, cependant, difficile d’évaluer les conséquences financières de la shrinkflation sur le marché du CPF, mais les organismes indélicats sont d’ores et déjà dans le viseur de la CDC. Pour autant, la Caisse dispose de peu de leviers pour contrer ces pratiques commerciales contestables qui échappent en grande partie aux radars de la réglementation. D’autant qu’en matière de formation professionnelle, l’organisme dispensateur conserve sa liberté en matière pédagogique – ce qui inclut la définition des volumes horaires – dès lors que ses cursus ne mènent pas à des diplômes ou des titres exigeant un nombre d’heures défini sur le plan réglementaire (comme c’est le cas pour le permis B, par exemple). En d’autres termes, à moins d’une tromperie trop flagrante sur la marchandise, la Caisse des dépôts reste impuissante. Tout au mieux menace-t-elle aujourd’hui de ne prendre en charge financièrement que les heures de formation réellement dispensées.

Une solution pourrait peut-être venir de Bercy ou du Palais-Bourbon. Face aux pratiques shrinkflationnistes de la grande distribution, Bruno Le Maire envisageait, en septembre 2023, saisir le Conseil national de la consommation contre ces procédés, alors que de son côté, le groupe parlementaire LFI se propose de déposer une proposition de loi visant à l’interdire. À voir si ces projets se concrétisent et si, le cas échéant, la formation professionnelle pourrait faire partie du package.

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre