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Métallurgie : premiers pas hésitants de la nouvelle convention collective

Dialogue Social | publié le : 31.01.2024 | Gilmar Sequeira Martins

Métallurgie : premiers pas hésitants de la nouvelle convention collective.

Crédit photo dusanpetkovic1/Adobe stock

Entrée en vigueur le 1er janvier dernier, la nouvelle grille de classifications de la métallurgie commence à se déployer dans les entreprises de la branche, parfois de manière chaotique. Selon une enquête réalisée par le cabinet SIA Partners, si les responsables RH y voient massivement un progrès, ils sont conscients que quelques années seront nécessaires avant que la nouvelle grille ne donne son plein potentiel en matière de simplification et d'attractivité des métiers. 

L’étude que le cabinet SIA Partners a menée en décembre et janvier auprès de 30 acteurs (représentants institutionnels, experts, RH et représentants du personnel) donne déjà un premier aperçu du déploiement de la nouvelle convention collective de la métallurgie. Pour 70 % d’entre eux, cette nouvelle convention collective est clairement une opportunité. Une minorité notable (27 %) la considère malgré tout comme « une contrainte de mise en conformité ». Une majorité aussi large (76 %) estime que ce nouveau texte constitue une réelle simplification et, pour 64 % des sondés, cette nouvelle convention collective a permis de mettre en place « une classification unique et objective des emplois » de la branche.

Alors que les pouvoirs publics veulent réindustrialiser le pays, cette nouvelle convention collective va-t-elle augmenter l’attractivité de la branche ? Si la moitié des sondés répondent par l’affirmative, une forte minorité (30 %) considère que ce ne sera pas le cas. Pour près de 7 répondants sur 10, c’est la gestion de carrière sera une priorité en 2024, certains indiquant que « l'élan professionnel est devenu un sujet central » ou qu’elle constitue un « enjeu de rétention des talents ». Quant au futur, trois défis apparaissent déjà comme largement prioritaires : la transition écologique pour 80 % des sondés ; la montée en puissance de l’IA (76 %) et la relocalisation (70 %).

Se « recaler »

Pour Jean-Luc France, directeur des ressources humaines de Naval Group, invité avec d’autres responsables RH par SIA Partners à analyser la mise en place de cette nouvelle convention collective, la prudence est de mise : « Nous avons décidé de ne pas mener les NAO en fin d'année dernière pour les décorréler de la remise des fiches emploi qui ont eu lieu d’octobre à décembre. Nous allons engager les NAO à partir de janvier. » Le processus sera long, estime aussi Aménanie Renaud-Lebot, responsable des politiques sociales et des relations industrielles d’Airbus : « Nous allons tous devoir nous recaler. Et ce n'est pas parce qu'on a une compréhension théorique que dans la pratique, ça va être facile. Il va falloir vivre cette nouvelle convention collective pour pouvoir étalonner de nouveaux processus. Je pense qu'il va falloir passer deux exercices de NAO dans ce nouveau format pour être sûr qu'on est à peu près à maturité. »

Chez l’avionneur européen, les accords issus des NAO courent de juillet à juin. Les négociations de 2024 présentent une particularité inédite. Il sera en effet impossible de négocier un budget « promotions » en avance de phase, puisque personne ne peut déterminer combien de personnes, suite à une mobilité interne, vont être amenées à changer de classification et donc, potentiellement, de rémunération. Une nouvelle méthode va devoir être mise en place, explique Aménanie Renaud-Lebot : « Là où les managers avaient l'habitude de gérer des promotions et donc de les échelonner dans le temps, nous allons constater a posteriori le coût des mouvements en cours d'année. C'est un changement pour nous, mais aussi pour les managers et les partenaires sociaux, avec qui nous avions cet échange tous les ans. Nous sommes sur une année de transition. L'année prochaine, nous verrons le coût des promotions accordées et cela viendra se défalquer du budget des augmentations. »

De nouveaux espaces de dialogue ?

Au-delà de l’augmentation de la masse salariale, il faudra aussi veiller à maintenir « une dynamique de gestion de carrière », souligne la responsable, qui devra vivre sur deux axes : « Il faut que les collaborateurs puissent être dans une dynamique, mais tout en restant vigilants à ce que cette dynamique ne conduise pas uniquement des gens qui veulent progresser vers le haut à bouger. Nous devons préserver la capacité de faire des mouvements horizontaux. Il faut entrer dans une phase de pédagogie. Il va falloir reprendre ces questions avec nos collectifs de managers, de salariés et de partenaires sociaux pour bien s'approprier ce nouveau dispositif et faire en sorte qu'il reste un facteur de motivation. »

Chez Naval Group, la polycompétence devant assurer une meilleure évolution horizontale a déjà commencé à être mise en œuvre, souligne Jean-Luc France : « Nous avons une école de conception qui permet de former, à la fois les collaborateurs qui arrivent et ceux qui engagent une reconversion. Elle propose des formations passerelles qui permettent aux personnes de la production de passer dans le monde de l'industrialisation, ce qui présente deux vertus. La première, pour le collaborateur, parce qu'il augmente son employabilité, et la deuxième, pour l'entreprise, parce qu’avoir une personne dans le service des études qui a vu ces différents aspects, c’est aussi un moyen de limiter les erreurs. »

Pour Alexandre Saubot, président de France Industrie et directeur général de Haulotte, le déploiement de cette nouvelle convention collective devrait ouvrir de nouveaux espaces de dialogue, en particulier dans les PME : « Dans des entreprises de 20 ou 30 personnes, la mise en place de la convention collective va susciter des questions au sujet des fiches emplois. C'est l'occasion de discuter avec chaque collaborateur, d'entendre une question ou une insatisfaction. Cela permettra peut-être de prendre conscience qu’il y a un peu ou beaucoup d'insatisfaction latente et ils pourront alors se servir de la nouvelle convention collective pour remettre les choses à plat. Il faut vraiment accepter d’analyser toutes les situations et accepter que la bonne réponse soit celle que le corps social de chaque entreprise se choisit. » De quoi effectivement nourrir le dialogue social. 

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins