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L’Unsa tisse sa toile

Syndicat | publié le : 08.09.2023 | Catherine Abou El Khair

Laurent Escure, secrétaire général de l'Unsa

Laurent Escure, secrétaire général de l'Unsa.

Crédit photo Unsa

Sixième organisation syndicale en matière d’audience, l’Union nationale des syndicats autonomes accumule les bons résultats électoraux dans les entreprises et multiplie les implantations. Perçant là où les syndicats sont absents ou régressent, elle attire des salariés appréciant son côté « apolitique ». Et espère tirer son épingle du jeu à l'occasion des très prochaines élections des CSE.

À l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), Gilles Mondon occupe une fonction stratégique. Coordinateur du secteur « Développement-Indicateur-Élections », à lui de tenir la réputation de l’organisation au logo bleu clair : celle d’un « syndicat qui monte ». Ce slogan, l’Unsa le prône sur ses affiches comme sur Internet. Charge à Gilles Mondon de pousser au plus haut les scores de l’organisation syndicale avec ses équipes, soit une soixantaine de personnes au total, bénévoles compris. « Le produit plaît, mais la difficulté, c’est la distribution du produit », résume-t-il. Multiplier les implantations dans de nouvelles entreprises, voilà l’une des priorités de ce syndicaliste venu de l’Éducation nationale. Dernièrement, il n’a pas hésité à mouiller la chemise en allant négocier lui-même, pendant cinq jours, les protocoles d’accords préélectoraux d’Apave, un groupe spécialisé dans la maîtrise des risques. « On a mobilisé tout le réseau juridique pour ces négociations, puis nos équipes de conseil stratégie et communication. Des militants de nos territoires sont aussi allés donner un coup de main à la section en visitant les agences », décrit-il. Un plan coordonné qui a payé : dans cette entreprise où votaient 8 000 salariés, 1 242 ont choisi les candidats Unsa, soit 34,4 % des suffrages.

150 000 voix : voilà ce qu’il manque à l’Unsa pour entrer dans la cour des grands syndicats disposant d’une audience supérieure à 8 %, à l’instar de la CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et de la CFTC. Un seuil incontournable pour qui veut peser dans les grands dossiers sociaux et économiques et recevoir plus de fonds de financement du dialogue social. En 2021, l'Unsa avait obtenu plus de 300 000 voix, totalisant alors 5,99 % des suffrages. En 2025, année de la future pesée d’audience, l’Unsa gagnera-t-elle enfin les deux points qui lui manquent ? « En représentativité instantanée, on est à 7 % », indique le secrétaire général de l’Unsa, Laurent Escure. Prudent, il rappelle toutefois que les jeux ne sont pas encore faits : la majeure partie des élections professionnelles dans les entreprises se tiendront d’ici la fin de cette année. S’y ajouteront ensuite les élections dans les très petites entreprises ainsi que dans les chambres d’agriculture.

Un syndicat sans étiquette

Il n’empêche, l’Unsa a le vent en poupe auprès d’une partie du salariat. Représentative dans 84 branches professionnelles, l’Unsa a fait une entrée tonitruante dans certaines d’entre elles en 2021, où elle était auparavant absente, telles que les pompes funèbres (24 %), les huissiers de justice (17 %) et les agents de direction de la sécurité sociale (15 %). Elle quadruple sa représentativité dans la branche des cabinets dentaires (41 % d’audience en 2021 contre 9,57 % en 2017), prospérant sur la disparition d’une fédération indépendante, la Fnispad. Elle est première dans la branche des sports, articles et équipements de loisirs, avec 35 % des voix. L’Unsa a passé le seuil des 8 % dans le commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire, mais peine encore à se faire une place dans la métallurgie. « On met l’accent sur le développement dans l’industrie et la logistique, importants pour le syndicalisme », indique aujourd’hui Laurent Escure. Ses succès passés dans des branches comme la coiffure, ou l’esthétique-cosmétique-parfumerie, apparaissent en revanche plus volatils.

« Identité syndicale discrète, identité politique forte »

« L’Unsa se développe de manière linéaire, quand les autres stagnent ou régressent. Son cap réformiste et autonome attire », analyse Jean Grosset, directeur de l'Observatoire du dialogue social de la fondation Jean Jaurès et ancien secrétaire de la maison. « Dans ses campagnes, l’Unsa se présente souvent comme un syndicat apolitique, ultralocal, centré sur la stricte défense des salariés dans l’entreprise », observe Vincent Desmeliers, consultant spécialisé dans la communication électorale. « L’Unsa n’apporte rien de particulier sur le plan des idées syndicales, mais se distingue par son autonomie », ajoute Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail. De quoi séduire des salariés qui refusent les étiquettes, les idéologies et les logiques d’appareil trop marquées.

Si l’Unsa fait bien partie du camp des réformistes, son profil passe inaperçu dans le secteur privé. Rares sont ceux, dans le grand public, qui l’assimilent à un « syndicat de profs » comme l’étiquettent les connaisseurs ou gardent en mémoire sa proximité ancienne avec le Parti socialiste. Une identité syndicale discrète, mais une identité politique forte : c’est ainsi que Benjamin Pabion, auteur d’une thèse sur le syndicalisme policier et aujourd’hui consultant en ressources humaines, définit l’Unsa, du moins au moment de sa création. « Dans les années 1990, l’Unsa s’est constituée dans le secteur public et la coordination de syndicats autonomes qui, après-guerre, ne voulaient pas choisir entre FO et la CGT. Ces organisations défendent un syndicalisme centré sur les professions. En revanche, cette union s’est créée en lien assez explicite avec le PS. C’est ancien, mais cela reste une pierre fondatrice », explique-t-il.

Des campagnes efficaces

Sur le terrain, ce sont surtout les promesses de souplesse qui convainquent de choisir la bannière Unsa. « Dans les entreprises, on est là pour les salariés et non pour leur dire ce qu’il faut qu’ils pensent ou signent. C’est vraiment notre ADN », fait valoir Gilles Mondon. Ce positionnement peut faire mouche auprès d’élus non encartés, nombreux dans les petites et moyennes entreprises. « L’Unsa va voir des représentants du personnel non syndiqués, en quête de formations, de protection, d’une forme d’étiquette pour pouvoir mener des négociations collectives », analyse le politiste Tristan Haute, maître de conférences à l’Université de Lille et chercheur au Centre d'études et de recherches administratives, politiques et sociales. Par ces garanties, l’Unsa attire aussi à elle des déçus des autres organisations syndicales. Ce qui vaut à l’organisation d’être parfois perçue par ses concurrents comme « électoraliste, attrape-tout », rapporte-t-il.

Chez BNP Paribas, une équipe composée entre autres d’anciens élus CFDT ou CGT a ainsi créé sa propre section en 2019. Lors des élections de 2023, l’équipe « Déclic-Unsa » a doublé son résultat, arrivant troisième dans l’un des périmètres de la banque, pesant tout de même… 23 000 salariés. « On est une petite organisation syndicale qui veut vraiment aider les salariés », fait valoir Fabrice Hallais, sans vouloir préciser davantage sa pensée. À ses yeux, les centrales concurrentes seraient trop verticales dans leur fonctionnement, promptes à de la surenchère dans les revendications. Du côté de la concurrence, on dépeint une section « qui surcapitalise sur la nouveauté », mais « progresse et continuera à progresser ». « Aujourd’hui, ils échappent peut-être au syndicalisme bashing, mais un jour, il faudra qu’ils précisent leur vision. Aujourd’hui, on s’interroge sur leurs positions idéologiques. Je ne les ai jamais vus communiquer sur un avis rendu en CSE à propos de tel ou tel projet », note le représentant d'une autre organisation implantée à BNP. Un reproche que Fabrice Hallais nie en bloc : « Une polémique stérile ».

Chez Apave, l’Unsa a rapidement tissé sa toile grâce à un ex-adhérent CFDT et son réseau. « Ils avaient des candidats partout. Dans un premier temps, ils sont allés voir des élus encartés, ont récupéré des élus de la CFDT et de la CFE-CGC, puis ils sont allés chercher les sans-étiquettes. Ils ont fait pas mal de forcing pour constituer leurs listes, avec des relances téléphoniques », raconte Bruno Parmentier. Le syndicaliste goûte peu leur campagne un peu facile sur les activités sociales et culturelles car promettant « à tous des super voyages à des tarifs super avantageux », comme le raillait un tract CFDT. Lucide, le cédétiste reconnaît toutefois l’efficacité de la campagne, la multiplication des visites de terrain, les beaux tracts. « Il faudra peut-être qu’on change notre fusil d’épaule en matière de com’ », songe-t-il.

Auteur

  • Catherine Abou El Khair